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L’actuel gouvernement français a voulu tenir sa promesse … électorale : baisser la TVA sur les produits de la restauration « traditionnelle » de 19.6% à 5.5%.

L’entrée en vigueur de cette mesure ne dépend pas uniquement de la bonne volonté de la politique française mais également de l’accord unanime des Quinze nécessaires sur les questions d’harmonisation fiscale européenne.

Le 9 février dernier, l’Allemagne s’opposait encore à la baisse de la TVA sur la restauration, prétextant les distorsions de concurrence entre Etats que cette baisse occasionnerait. Existe-t-il une véritable concurrence internationale dans ce secteur ? Un touriste Suisse ne se déplacera pas plus en France qu’en Allemagne, pour déjeuner, sous prétexte que le repas est moins cher.

Dans cette perspective, pourquoi l’Allemagne s’inquiète-t-elle tant d’une baisse de la TVA, d’autant plus que sept pays européens en bénéficient déjà. Cette réticence ne proviendrait-elle pas d’un problème de politique intérieur. L’Allemagne craint peut être que ses propres restaurateurs lui réclament la même chose, entraînant une forte perte de recettes fiscales. En effet, concernant la France, il est estimé que cette mesure amputerait de 3 milliards d’euros les finances publiques. On peut penser que le coût pour l’Allemagne serait proche de ce montant.

Ainsi comme nous venons de le voir, l’effet au niveau européen d’une telle mesure serait faible voire nul. Il relève donc de la politique interne. C’est pour cette raison que, comme l’a souligné M. Mer, les Etats doivent avoir « la liberté de choisir dans les domaines qui ne mettent pas en cause le marché intérieur [européen] ». Pour convaincre, la France met également en avant l’intérêt de restructurer le système de taxation afin de favoriser l’emploi (seule condition à l’application d’un taux réduit de TVA approuvée par le conseil des ministres de l’économie et des finances du 22 octobre 1999, directive 1999/85/CE). Selon les pronostics les plus optimistes, cette baisse de TVA pourrait alors créer jusqu’à 40000 emplois dans le secteur de la restauration en France.

Après avoir agacé par son insistance, la France a dû sur la base de ces arguments parvenir à convaincre son partenaire. Cette mesure qui n’était plus considérée comme envisageable, a enfin obtenu, le 18 févier 2004, le soutien de l’Allemagne pour une baisse de la TVA sur la restauration à 5.5% en 2006.

Concrètement comment se répercuterait cette baisse de TVA et quelles peuvent être les décisions du restaurateur face à cette baisse?

Il peut baisser les prix pratiqués aux consommateurs, ce qui représenterait selon le Cabinet Coach Omnium une baisse de 11.79% des tarifs entraînant une progression de la consommation des ménages. Dans ce cas, autant les restaurateurs que les consommateurs seraient gagnants. Ces études n’indiquent pas la nature du lien de causalité entre la baisse des prix et la hausse de la demande, qui dépend de ce que les économistes appellent l’élasticité prix de la demande. Cette dernière correspond à la sensibilité qu’ont les ménages face aux variations de prix. Si aller au restaurant fait partie des priorités budgétaires des ménages, ils seront effectivement sensibles à une baisse des prix et consommeront plus de plaisirs culinaires ; par contre, si aller au restaurant est secondaire pour eux, les restaurateurs pourront baisser leur tarifs, ils n’attireront pas pour autant plus de fins gourmets. De plus, d’après un sondage IFOP-FIDUCIAL1 seuls 36% des restaurateurs prévoient de baisser leur prix, ce qui minimise les effets escomptés.

Il peut, suite à une éventuelle hausse de la consommation et du nombre de couverts, augmenter son personnel. En ce sens, 64% des sondés pensent procéder à de nouvelles embauches. Ce scénario se heurte déjà à plusieurs difficultés. La question est de savoir quelle sera la qualité de ces créations d’emplois : de vrais CDI ou de simples jobs? Puis, étant donné que le secteur de la restauration connaît déjà une pénurie de main d’œuvre, cette mesure devra être accompagnée plus que jamais par une politique de formation et d’incitations adéquates.

Une des solutions à ces difficultés serait d’augmenter les salaires des collaborateurs, 70% des restaurateurs interrogés pensent le faire. Cela permettrait d’améliorer l’image du secteur et justement d’attirer du personnel. La rémunération serait le reflet de la pénibilité du travail.

Il peut aussi partager les répercussions en baissant à la fois les tarifs aux clients, en augmentant les salaires, en créant des emplois et en engageant des frais d’investissement.

Et enfin, le dernier scénario serait que le restaurateur ne répercute pas la baisse de la TVA sur aucun des éléments précités mais directement sur ses marges. Cela lui permettrait d’augmenter son chiffre d’affaires mais conduirait à un échec des effets attendus de la baisse du taux. Ceci remettrait en cause la crédibilité de la politique du gouvernement mais également les revendications des restaurateurs.

En définitive, la France se trouve dans une situation délicate. Alors qu’elle s’est faite récemment rappeler à l’ordre par Bruxelles pour ramener ses déficits sous la barre des 3% du PIB, le premier ministre français promet aux restaurateurs, en attendant la baisse de TVA de 2006, un plan de 1,5 milliards d’euros portant sur des allégements de cotisations sociales, applicable dès le 1er juillet 2004. Il serait bon de s’interroger sur le coût de cette mesure dont le succès dépend du comportement responsable des différents acteurs du secteur. C’est pour cette raison qu’un cadre réglementaire accompagné de processus d’accords et/ou de négociations avec les différents partenaires (restaurateurs et gouvernement) serait souhaitable pour atteindre les effets bénéfiques d’une baisse de la TVA à 5,5%.

[1]Questions posées aux dirigeants d’entreprises des TPE (très petites entreprises) du secteur de l’hôtellerie (251 interviews) dans le cadre du baromètre de conjoncture des TPE IFOP-FIDUCIAL, réalisé par téléphone auprès de 1.009 dirigeants de TPE de 0 à 19 salariés du 26 janvier au 6 février 2004