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La loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) est passée en ce début d’année scolaire au journal officiel. Après de nombreux mois et péripéties, les règles régissant les droits d’auteurs et droits voisins (appelées par la suite sous la simple dénomination de droit d’auteur) ont donc été sensiblement modifiées. Après de longues années où tout un chacun se revendiquait du bon droit moral ou du bon droit tout court, c’est l’occasion d’une mise au point sur les droits et interdits de chacun en matière de musique, film, livre,…

Il n’est pas ici question de discuter de l’objectif de cette loi, mais tout au plus d’observer dans quelle mesure la loi permet efficacement de lutter contre le piratage sans pour autant léser le consommateur. A ce titre, je n’évoquerai pas non plus le débat sur l’interopérabilité qui relève lui aussi des objectifs généraux.

Depuis quelques années, un conflit opposait d’une part, les tenants des protections des supports physiques des œuvres (Digital Right Management : DRM), pour en prévenir leur reproduction, et d’autre part, les représentants des consommateurs qui arguaient qu’elles représentent un vice caché. Il arrivait en effet qu’un compact disque puisse rencontrer des problèmes de lecture ainsi qu’une infraction au droit à la copie privée.

L’article 125-5 du code de la propriété intellectuelle, garantissant la possibilité de copie privée pour l’usage exclusif du copiste est maintenu. Néanmoins, si tout individu a le droit de copier le CD, un autre article va restreindre ce droit en en limitant la quantité de copies et les marges de manoeuvre des consommateurs. En effet, les producteurs ont aussi obtenu satisfaction et ont le droit de développer des DRM visant à limiter le nombre de copies (en accord à l’« Autorité de régulation des mesures techniques » créée avec la loi DADVSI par l’article L. 331-17 du code de la propriété intellectuelle). Néanmoins, ces copies peuvent, en théorie, être faites soit de CD à CD, soit par transformation en un autre support tel le numérique. Ainsi, il devient légal (sauf contre-indication particulière ou accord précis) de reproduire ses Cds au format numérique pour pouvoir les écouter à l’aide d’un baladeur mp3.

Aussi les DRM sont autorisées, mais l’« Autorité de régulation des mesures techniques » devra s’assurer que les DRM ne contreviennent pas à la copie privée. Néanmoins, si la copie privée subsistera, le concept de droit à la copie privée est amoindri.

La taxe imposée sur les supports CD, DVD,…, et notifiée au Journal officiel le lundi 8 janvier 2001, sert officiellement à indemniser les producteurs pour la copie privée. Il est donc implicitement considéré que ce que l’on appelle droit à la copie privée, et que l’on retrouve dans la loi sous le terme « l’exception (à l’interdiction de reproduction) de la copie privée », est considérée implicitement comme une faveur. Une faveur pour laquelle l’ensemble de la population utilisant les supports numériques doit d’ailleurs contribuer. Au delà de la question de justice, la mesure est discutable. Tout d’abord, le préjudice réel subi par la firme par la copie privée est douteux, puisque l’acheteur copie pour lui un objet dont il dispose déjà et dont il veut juste prévenir la dégradation. Ensuite et surtout la copie privée apparaît de plus en plus comme une faveur plutôt qu’un droit. Un basculement du concept qui pourrait changer considérablement les choses par la suite.

Dans ce qu’elle autorise, la loi légalise ce qui se pratiquait déjà et lui donne un cadre juridique. Néanmoins, c’est dans l’énonciation des interdits que la loi devient véritablement novatrice puisqu’elle conduit à mettre en cause directement des logiciels.

Le téléchargement était déjà illégal avant la loi. Il représente en effet une reproduction de l’oeuvre en dehors du strict bénéfice de l’acheteur et sans autorisation du détenteur des droits. Plusieurs procès ont d’ailleurs conclu dans ce sens, que le téléchargement ait été effectué par le biais du Peer to Peer (ou P2P ; système d’échange de fichiers numériques permettant notamment le téléchargement illégal de musiques et de films) ou de forums,… Néanmoins, cette loi va plus loin puisqu’elle met directement en cause les logiciels permettant, soit de récupérer illégalement les oeuvres, soit de s’attaquer aux protections développées sur les supports (DRM). Il devient ainsi interdit de développer, de proposer, de faire la publicité d’un logiciel répondant principalement à l’un des ces objectifs. Un acte illégal sanctionné tout de même par 300 000 euros d’amende et trois ans d’emprisonnement. Concernant les atteintes aux protections, elles sont sanctionnées par 3 750 € d’amendes et 6 moins de prison, ainsi que par 30 000€ euros d’amende s’il y a mise à disposition (développement,…) de logiciel.

Pour beaucoup, cette mise en cause des logiciels est délicate, puisqu’elle conduit à confondre l’instrument et l’utilisation. Une remarque justifiée mais qui a ses limites. Les armes de guerre ne sont pas en libre accès car il est présumé que leur possession est dangereuse pour la société et ce, au détriment des quelques passionnées qui aimeraient les collectionner. Néanmoins, dans ce cas précis, rappelons qu’il n’existe pas, à ce jour, de preuve précise que le téléchargement implique des dommages importants. Heureusement », les logiciels mis en cause seront uniquement ceux qui sont « manifestement » destinés à une utilisation illégale….

Cette loi sera t-elle efficace afin de lutter contre les formes modernes d’infraction au droit d’auteur? Il semblerait que le législateur ait donné les moyens d’une action importante contre le téléchargement illégal. De moyens qui vont même au delà des propres voeux du gouvernement qui n’envisageait pas des peines aussi lourdes contre ceux qui téléchargent. Des moyens qui vont trop loin puisqu’ils ne sont pas applicables politiquement. Sitôt les articles et alinéas inconstitutionnels annoncés (notamment la suppression des contraventions de 38€ à 150€ et le retour aux 3 ans de prisons et aux 300 000€ d’amende), le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres a garanti qu’il saisira le Garde des Sceaux afin que les poursuites à venir «soient orientées vers les cas les plus graves». Or, dès lors que les logiciels peuvent être fournis et développés en dehors du territoire national et que les peines ne seront appliquées que dans un nombre minoritaire de cas, le texte n’est donc pas très crédible.

Si l’on peut ainsi douter que la loi DADVSI soit efficace pour lutter contre les atteintes au droit d’auteur, elle devrait handicaper (légèrement) la diffusion des logiciels dénoncés en France et représenter un premier pas vers une clarification sur l’exception pour copie privée et les DRM. Concernant ce dernier point, il est nécessaire d’attendre les négociations sur le nombre de copies privées autorisées pour être véritablement fixé. Un faible bilan qui laisse un goût amer. Il n’a pas été possible de dépasser les clivages et les intérêts particuliers pour donner un nouveau visage aux droits auteurs et à la diffusion des œuvres protégées.