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Samse, la société grenobloise qui a développé une forme de capitalisme populaire

La très discrète société grenobloise Samse (« les hommes en bleu », entrepôts « Boîte à outils ») a développé un modèle économique parfaitement original. Ce n’est pas une SCOP, pourtant cette société cotée en Bourse est possédée majoritairement par son personnel : 4 000 des 5 000 salariés sont actionnaires. L’ambiance sociale y est au beau fixe et l’attachement du personnel à son entreprise très fort. Ce qui permet à Samse de croître rapidement en attirant vers elle des sociétés régionales en mauvaise santé rachetées à prix bas qu’elle se fait fort de remettre sur pied, ce qu’elle réussit fort bien d’ordinaire…

Samse (SA Matériaux du Sud-Est), vous ne connaissez peut-être pas. Il s’agit pourtant d’une ETI (Entreprise de taille intermédiaire) rhônalpine de 5 000 salariés et de plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires.

Mais vous connaissez sans doute plus sûrement les magasins « Boîte à outils » ou les « hommes en bleu » de sa publicité. Samse, troisième entreprise du secteur en France, est spécialisée dans le négoce pour les professionnels, son principal métier. Elle s’attaque aussi frontalement aux mastodontes que sont Castorama ou Leroy Merlin dans le secteur du bricolage.

Malgré la crise dans le bâtiment, cette entreprise a réalisé un beau parcours en 2012, n’enregistrant, malgré un recul des mises en chantier de 18 %, l’année dernière qu’une lègère baisse de son chiffre d’affaires à 1,13 milliard d’euros (1,14 en 2011) et un bénéfice lui aussi en léger recul : 47,5 millions d’euros (54,4 millions en 2011).

La raison de cette belle résistance à la crise tient pour une bonne part à son modèle économique, original dans le secteur du négoce de matériaux pour le BTP, et même au-delà.

Les salariés possèdent 51,1 % du capital

Cotée en Bourse depuis …1925, Samse est possédée majoritairement par ses salariés, à hauteur de 51,1 % du capital. Et ce pour des raisons historiques. En 1988, la société grenobloise était dans le viseur de PPR (Pinault Printemps Redoute) qui avait lancé contre elle une OPA inamicale. D’où la création d’une holding possédée par les salariés pour faire obstacle -victorieusement-à cette tentative de rachat.

La formule a perduré. Samse n’est pas une SCOP, mais quatre mille de ses cinq mille salariés possèdent un joli paquet d’actions. Pour Olivier Malfait, président du directoire, « De ce fait, l’humain et la transparence sont dans les gènes de l’entreprise. Ceci explique sans aucun doute le très bon climat social qui règne au sein de l’entreprise avec nos trois syndicats CGT, CFDT et FO et le fort attachement des salariés à leur société : nous avons le plus faible turn over du secteur. »

On est donc très loin du capitalisme financier. On est là plus proche d’une forme de capitalisme populaire qui de surcroît permet à cette société de se développer rapidement dans la région Rhône-Alpes et au-delà, par des opérations de croissance externe. Cette entreprise née en Isère est désormais présente dans trente-cinq départements.

Une modèle sous la forme d’une fédération de PME

Un exemple parmi d’autres raconté par le président du directoire : «  Nous avons été approchés en 2004 par une des deux familles actionnaires de la société bourguigonne Doras, spécialisée elle aussi dans le négoce de matériaux pour le BTP. Elle ne s’entendait plus avec l’autre famille actionnaire. Mais possédant 38 % du capital, elle n’était pas majoritaire au capital. Le personnel possédait de son côté 34 %. Nous avons rencontré les représentants des salariés : ils ont été tout de suite d’accord à l’unanimité pour intégrer le groupe Samse, malgré une autre proposition nettement plus élevée ».

Il est vrai que lorsqu’il rachète une entreprise régionale, le groupe Samse conserve la marque, localement forte en général et donne à son dirigeant une forte autonomie : seuls l’informatique, les achats et la gestion sont centralisés.

Une manière d’intégration sous forme de fédération de PME qui attire dans son giron un nombre grandissant de sociétés. La liste des entreprises intégrées est longue. Samse a désormais une forte expérience en la matière : M+ Matériaux, Gamag et Zanon (en 2011), Sweetair (2010), Plattard (2009), M+ Matériaux, Didier, Bourg Matériaux (2008), etc.

D’ordinaire Samse porte son dévolu sur des sociétés à la santé plus ou moins chancelante, qu’elle acquiert à des prix relativement doux. Elle se fait fort ensuite de les redresser en les mettant aux normes des canons maison. Ce qu’elle réussit en général fort bien, même si cela prend du temps. Trois ans par exemple pour redresser les neuf agences « Vendée Matériaux » qui étaient en perte.

Un cours de Bourse sous-évalué

Ainsi, hormis ces deux dernières années, Samse connaît une croissance moyenne sur la dernière décennie de l’ordre de 5 à 6 % l’an.

Seul bémol : du fait de son modèle atypique, le cours de Bourse à 63 euros, est manifestement sous évalué : il est vrai que la conjoncture dans le BTP ne favorise pas une forte hausse. Il est vrai aussi que la communication n’est pas dans les gènes de l’entreprise. Mais vu les fondamentaux de Samse, le cours de l’action devrait poursuivre sa croissance : + 19 % depuis le début de l’année 2013. Les salariés n’ont pas de souci à se faire pour l’avenir de leur portefeuille boursier…

Photo (DL)Olivier Malfait, président du directoire de Samse.