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La société drômoise McPhy Energy s’apprête à construire la plus grosse unité au monde de stockage d’hydrogène vert

Un rapport sur l’opportunité de créer une filière hydrogène en Rhône-Alpes et les freins qui s’opposent à celle-ci a été transmis la semaine dernière à la Préfecture de la Région Rhône-Alpes. Parmi les promoteurs de ce rapport figurent le pôle de compétitivité Tennerdis et la société McPhy Energy, l’un des piliers de la filière hydrogène rhônalpine à construire. Cette société surtout tournée vers l’international du fait de la frilosité du marché français est impliquée dans deux gros programmes dont une unité en Italie destinée à stocker et restituer sous forme d’électricité, près d’une tonne d’hydrogène.

C’est « la » question de l’après-pétrole : comment stocker l’électricité et notamment celle produite par les éoliennes dont les pales ne tournent pas obligatoirement au moment où on a le plus besoin ?

Une société drômoise, McPhy Energy (*) pense avoir trouvé une des solutions possibles : elle a mis au point une technique sûre, mais aussi économique et écologique, qui permet de conserver cette énergie sous forme solide, grâce à du magnésium ou encore plus précisément des hydrures métalliques.

L’entreprise est née d’une idée simple, formalisée par plusieurs brevets émanant du CNRS : stocker l’hydrogène autrement. Beaucoup plus puissant que l’essence (un kg d’hydrogène libère environ trois fois plus d’énergie qu’un kg d’essence), l’hydrogène est considéré comme l’énergie de l’après-pétrole.

Créée en 2008, La société a réalisé une levée de fonds de près de 14 millions d’euros auprès de partenaires de taille (Sofinnova, GIMV, Emertec, Areva…) pour financer son développement industriel et commercial.

L’entreprise qui à l’origine s’était concentrée sur le seul stockage d’hydrogène pour de grosses applications, développe désormais des packages clef en main : « Nous livrons désormais aux industriels, non seulement le stockage, mais aussi des solutions entièrement packagées pour le marché comprenant l’électrolyseur et la pile à combustible » explique Geoffroy Ville, le directeur de Développement de McPhy Energy.

La réglementation, frein à la création d’une filière régionale

Jean-François Carenco, préfet de région, venu en décembre dernier accompagner l’ouverture à Grenoble de la première usine européenne de piles à combustible, aimerait bien aussi que McPhy, un des principaux acteurs de la filière hydrogène en Rhône-Alpes avec l’Air Liquide et quelque soixante-dix autres jeunes acteurs, constituent le ciment d’une filière hydrogène régionale.

Il a demandé à ces acteurs pour la plupart présents au sein du pôle de compétitivité Tennerdis un rapport sur les potentialité et les freins de la création d’une telle filière régionale. Ledit rapport a été déposé à la DREAL (l’ex-Drire) la semaine dernière.

Pour Geoffroy Ville, l’un des plus gros freins est réglementaire : « Pour le stockage d’hydrogène et notamment pour les petites unités, nous avons en France une des réglementations les plus contraignantes au monde : elle constitue un handicap énorme au développement d’une telle filière. »

C’est la raison pour laquelle McPhy s’est essentiellement tourné à l’international dans lequel il réalise près de 90 % de son chiffre d’affaires !

Cette société de cinquante-sept salariés dont l’unité de fabrication est basée près de Saint-Jean-en-Royans dans la Drôme et la direction à Grenoble, est engagée dans deux gros projets qui devraient lui servir de vitrine et lui permettre de conserver son leadership.

L’aéroport de Berlin dopé à l’hydrogène vert

Le premier projet concerne l’aéroport Schönefeld de Berlin. McPhy Energy est associée à un consortium composé d’Enertrag, de Total, Linde et de 2G.

L’énergie renouvelable provenant d’un parc éolien proche de l’aéroport doit être convertie par Enertrag en hydrogène vert qui servira comme carburant pour une mobilité zéro émission.

Total et Linde construiront l’infrastructure nécessaire pour distribuer ce carburant à des bus et automobiles à piles à combustible et de son côté McPhy Energy construira un stockage solide d’hydrogène de nouvelle génération qui permettra à la centrale d’énergie du dernier partenaire, la société 2G, de fournir à la demande, et de manière flexible, de l’électricité à l’aéroport à partir de ce stockage. Un investissement de 10 millions d’euros.

Soixante-dix salariés à la fin de l’année

L’autre gros projet dans lequel est engagé McPhy concerne les Pouilles, une région déshéritée du sud de l’Italie qui s’est lancée à une grand échelle dans la production d’électricité d’origine éolienne, mais aussi solaire, à partir de panneaux photovoltaïques. Seul problème, bien connu, l’énergie produite dépendant du vent, comme celle du soleil, est difficile à prévoir et le réseau souffre d’instabilité chronique.

McPhy est donc chargée de recréer de l’équilibre dans ce réseau, en stockant l’électricité produite la nuit notamment et non utilisée, sous forme d’hydrogène, pour la réinjecter dans le réseau aux moments les plus opportuns.

Un système complet de stockage d’électricité va donc être installé représentant une puissance de 33 Mégawatts/heure.

« L’objectif est de stocker une tonne d’hydrogène : ce sera le plus gros projet au monde de ce type », se félicite le directeur du Développement de McPhy dont les effectifs devraient être portés à la fin de cette année à soixante-dix personnes.

(*) Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer d’emblée, McPhy Energy n’est pas une société d’origine… écossaise, mais aux capitaux 100 % hexagonaux. McP est l’acronyme de la société (Matériaux à Changements de Phase) que possédait un des deux co-actionnaires ; tandis que le Hy signifie tout simplement hydrogène.

Photo (McPhy Energy) : un des laboratoires de la société drômoise.