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Laurent Wauquiez prévoit 250 millions d’euros par an pour doper l’enseignement, la recherche et l’innovation en Auvergne-Rhône-Alpes

Exit le travail en silo, place à la concertation de tous les territoires pour inventer la future Région et le SRESRI, Schéma Régional de l’Enseignement Supérieur, la Recherche et l’Innovation. Laurent Wauquiez invite tous les acteurs à bâtir ensemble ce plan d’avenir doté d’un budget annuel sanctuarisé de 250 millions d’euros. Quatre priorités sont fixées : l’excellence, le travail en réseau, les liens recherche-économie, la simplification. Explications.

Quel est l’objectif des réunions de concertation prévues avec la communauté scientifique ?

Laurent Wauquiez– La validation de l’IdEx Alpes-Grenoble, du futur projet de l’IdEx Lyon-Saint Etienne et de l’Isite de Clermont montre la force qu’apporte le travail en réseau des acteurs de terrain. La concertation que lance la Région a le même but :  définir ensemble la politique de recherche et d’innovation à mener, en fédérant les sites, les compétences, les projets dans une logique de gouvernance et vision partagée. Entreprises, universités, grandes écoles, centre de recherche, pôle, clusters, agences… des milliers d’acteurs d’Auvergne-Rhône-Alpes sont invités à construire le futur SRESRI* que coordonnent le Vice-Président Recherche Yannick Neuder, les experts et les services. Cet acronyme barbare  veut tout simplement dire Schéma Régional de l’Enseignement Supérieur, la Recherche et l’Innovation. C’est l’occasion de tout revoir avec un oeil neuf et de pointer l‘excellence des pôles et des sites en jouant sur la complémentarité  et la solidarité des territoires. Exactement comme on le fait pour l’Economie, et le plan « Industrie du Futur » via le SRDEII, le Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation (prévu par la Loi NOTRe) que l’on doit finaliser et remettre à l’Etat fin 2016. L’Economie représente un budget annuel de 100 M€ pour le plan entreprise- insertion- emploi du SRDEII, et bien au-delà pour le volet global qui inclut l’Economie, l’Innovation et l’International des entreprises tous secteurs, entreprises industrielles et tertiaires, services, tourisme, agriculture… Cette participation de tous est vitale pour donner de la cohérence à l’ensemble et avoir un continuum formation-recherche-économie dans tous les secteurs.

Côté formation, recherche, innovation, quelle est l’ambition ?

Tout comme les entreprises, les acteurs académiques sont un maillon décisif pour l’avenir de notre Région. Je veux tout d’abord dire, qu’au plan financier, « le budget annuel de 250 M€ sera sanctuarisé » pour consolider la force scientifique et les formations sanitaires et sociales de cette Région, la plus importante en France vu que l’Ile-de France et le Grand Paris sont plus atomisés. Outre son industrie, ses entreprises, sa population, Auvergne-Rhône-Alpes a une richesse incroyable : 304 000 étudiants, 42 universités et grandes écoles, 40.000 chercheurs (dont 15.000 publics dans 350 laboratoires. S’y ajoutent les pôles de compétitivité (14), les clusters, les 3 Sociétés de transferts (SATT), les labels IRT (2) LabEx (26), ITE (2) EquipEx, IdEx (que j’ai déjà cités), French Tech… Grenoble, Clermont, Chambéry, Valence, Saint Etienne,  Lyon, chaque site a su développer des spécialités clés : Management et Humanités, Santé-Biotech, Numérique, Energie, Environnement, Chimie et matériaux, Transports, Ingénierie… C’est sur cette alliance des sciences humaines, des sciences exactes et de l’ingénieur que la Région doit jouer pour construire son identité et relever les défis du monde en perpétuel changement. Avec l’ubérisation et la dématérialisation de l’économie, cette mixité des cultures et des univers joue un rôle fondamental pour être créatif dans tous les secteurs, y compris traditionnels. Le futur « Campus Européen des Métiers du Numérique » né de la réflexion croisée d’acteurs de tous horizons avec la Région en est une préfiguration pilote (***).

 Vu le nombre de spécialités et sites, comment gagner en lisibilité et performance ?

 Comme San Francisco et la Silicon Valley, la Région a tous les atouts et les pôles high-tech pour rivaliser avec les meilleurs, à un détail près, elle ne sait pas les fédérer et les valoriser. En région comme ailleurs, le monde académique doit prendre modèle sur le privé en se fixant 4 ambitions et 4 priorités : 1– Viser l’excellence et avoir toujours une longueur d’avance, 2Travailler en réseau pour renforcer la performance à tous niveaux (disciplines, pôles, structures, territoires, acteurs), 3- Créer et renforcer les liens avec le monde économique et le marché, 4- Enfin et surtout, Simplifier tout le système. En France, tout est compliqué, loi, norme, procédure, organisation, structure. Et plus encore dans le public ! Gagner en clarté, efficacité et performance, tout le monde doit s’y atteler. La Région s’y est mise pour les dossiers et les appels d’offre réduits pour certains de 80 pages à 10 pages en restant tout aussi précis voir plus ! Etre rapide, percutant et différenciant, c’est vital pour percer et rester en tête dans la course mondiale.

Avez-vous des priorités pour les pôles et les thèmes que vous jugez porteurs ?

Si on lance une concertation et des groupes de travail avec la communauté scientifique publique et privée élargie, c’est précisément pour avoir leur point de vue sur la politique à mener, cerner les priorités, les spécialités à croiser, favoriser les opportunités voire les ruptures. Ce qui n’empêche pas d’avoir nous aussi, élus et services des pistes et des idées pour relever les défis des sociétés présentes et futures. Ce schéma est élaboré avec tous, par tous et pour tous. Etre à l’écoute des experts locaux et mondiaux, déceler les forces, innover en permanence, c’est la seule façon d’anticiper les mutations qui s’accélèrent et d’être en tête. La région doit créer cet écosystème pour faciliter la rencontre et la fécondations croisée entre sites, spécialités et acteurs de toutes les générations et de tous les univers.

Pour rapprocher découverte et marché, peut-on imaginer d’ajouter aux bourses de recherche des bourses de développement comme certains « Grants » aux USA ?

 C’est une bonne idée en effet, vu que l’économie c’est notre priorité. Au-delà de la recherche, la région a pour rôle d’amplifier la valeur ajoutée tout au long de la chaine, de l’école à la société, du laboratoire à l’entreprise, de l’idée au marché, et ce en France et hors frontière. Vu la rareté des fonds, toutes les pistes sont explorées pour optimiser les ressources et les mettre là où elles ont le maximum d’efficacité pour favoriser l’excellence, la richesse, l’emploi, le rayonnement. Et ce sans émietter de partout, ni créer de rupture, car on a un vrai danger d’ultra-métropolisation, si on ne pense qu’aux 15 métropoles du Plan Valls**** ! Chaque pôle universitaire doit irriguer les territoires qui l’entourent en alliant performance et solidarité pour faire de l’excellence un moteur stimulant pour tous.

A ce propos, que dire des 71 pôles de compétitivité dont les 3/4 vont être transférés aux régions, mis à part 10 ou 15 pôles nationaux, dont 3 sont prévus en Région ?

 Deux aspects sont à considérer. D’un côté, c’est une chance pour la Région de voir sa compétence élargie en innovation et économie pour mener une politique plus personnalisée et efficace. De l’autre, la question est de savoir comment se fait ce transfert et quels moyens nous sont alloués pour exercer ces compétences. A ce jour, peu d’information filtre, mis à part que 3 pôles nationaux seraient retenus sur les 14 qui sont en région : Minalogic à Grenoble (Nano et Numérique), LyonBiopôle que nous voulons rebaptiser Auvergne-Rhône-Alpes Biopôle (Santé) et Axelera à Lyon (Chimie verte-Industrie du futur). L’idée est d’élargir à Tenerrdis (Energies renouvelables) sans oublier les piliers de l’industrie comme ViaMeca (Mécanique-mécatronique) ou Arve-Industrie (Décolletage).

Pourquoi changer le nom de LyonBiopole, réputé parmi les leaders mondiaux avec 70% du potentiel régional Bio-Santé, tout comme Minalogic l’est pour les Nano à Grenoble ?

 Il faut comprendre qu’aujourd’hui, la Région c’est l’union de trois pôles géographiques stratégiques : Auvergne + Rhône + Alpes et que tous trois ont une compétence Biotech et Santé en synergie avec Lyon. Ce trimaran fait la puissance, c’est cela que je veux faire ressortir. En maillant Lyon, la capitale régionale aux métropoles d’équilibre que sont Clermont-Saint Etienne d’un côté et Grenoble-Alpes et les deux Savoie de l’autre on valorise toutes les forces régionales et les territoires en présence. A mes yeux, c’est crucial de jouer collectif au niveau Région si l’on veut peser au plan mondial. D’où l’importance que j’accorde à la mise en réseau.

Comme la plupart des régions, vous demandez de réviser le CPER, Contrat de Plan Etat Région, pour quelles raisons ?

 Deux motifs à cela. D’abord, ce plan Etat-Région 2015-2020 a été fait et voté juste avant les élections régionales, ce qui est curieux au plan de la démocratie. Ensuite, je veux montrer que la Région n’est pas là juste pour signer au bas d’une page ou d’un chèque mais pour être un partenaire à part entière des projets structurants et fédérateurs muris avec les acteurs. En plus, vouloir être partout, c’est être efficace et lisible nulle part. Fini le clientélisme et la dispersion. Là encore, la Région a deux priorités, se recentrer sur certains projets ciblés plus gros ou qui font sens, ensuite toujours privilégier l’investissement (et non le fonctionnement). En clair, moins de projets mais plus visibles et pertinents. Ce Plan sera rediscuté avec l’Etat tant dans les montants que dans la répartition et le périmètre des projets en ciblant les enjeux : Economie, Recherche, Enseignement supérieur, Transport, Numérique… C’est l’occasion pour une Région de premier plan comme Auvergne-Rhône-Alpes de reprendre son destin en main et d’apporter aux citoyens, les réponses qu’ils attendent où qu’ils soient, ville ou campagne. Aux côté de l’Etat et des métropoles, la Région a un rôle à jouer, en France comme en Europe. D’où l’idée aussi, de relancer les Quatre Moteurs avec le Bade Wurtemberg, la Lombardie et la Catalogne. Autre opportunité, le BrExit peut rebattre les cartes et amener à relocaliser des structures telles l’Agence Européenne du Médicament, les banques, les entreprises. Lyon et la Région ont la stature pour accueillir ces entités publiques ou privées des plus stratégiques. Tout en respectant la Grande Bretagne, Auvergne-Rhône-Alpes doit se préparer à jouer dans la cour des grands un rôle à la hauteur de ses ambitions en Europe, surtout

 Propos recueillis par Marie-Françoise Villard

Pour en savoir plus…

 (*) Le SRESRI, Schéma Régional de l’Enseignement Supérieur, la Recherche et l’Innovation : www.auvergnerhonealpes.eu/93-concertation-enseignement-superieur-recherche-et-innovation.htm

 (**) Le SRDEII,  Schéma Régional de Développement Economique, d’Innovation et d’Internationalisation : www.ambition-eco2021.auvergnerhonealpes.eu/

 (***) Le Campus Européen des métiers du numérique :  www.lyon-entreprises.com/News/L-article-du-jour/Le-voile-se-leve-sur-le-futur-Campus-des-metiers-du-numerique-de-Charbonnieres,i73999.html

 (****) Les 15 métropoles et le plan « L’innovation urbaine au cœur du développement territorial » : https://www.lyon-entreprises.com/News/L-article-du-jour/Manuel-Valls-signe-un-pacte-de-150-M€-pour-faire-des-quinze-Metropoles-francaises-des-locomotives-hors-frontieres,i75347.html.