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Les Atelières en liquidation : autopsie d’une défaite du « made in France »

La société de lingerie haut de gamme créée par Muriel Pernin à Villeurbanne qui avait été érigée en symbole du « made in France », vient d’être mise en liquidation judiciaire. Et ce, malgré des aides de l’Etat, de ses fans, très nombreux à apporter leur contribution et d’une forte médiatisation. Que s’est-il donc passé ?

Créée en 2012, baptisée « les Atelières », le petite coopérative (SCIC) de trente salariées installée non loin de la place Grandclément à Villeurbanne est sans doute l’entreprise qui, depuis, sa création a bénéficié en Rhône-Alpes, de la plus forte notoriété médiatique eu égard à sa petite taille.

Ancienne journaliste, ayant ensuite développé une agence de communication, Muriel Pernin qui en est à l’origine, sait ce que communiquer veut dire. Mais surtout, son combat, érigé par Arnaud Montebourg, lorsqu’il était ministre, comme symbole du « made in France », a intéressé, voire ému des milliers de Rhônalpins et de Français qui lui ont fait savoir.

Muriel Pernin entendait prouver que l’on pouvait conserver un savoir faire en voie de disparition, celui de la fabrication la lingerie haut de gamme en France et plus précisément dans la région Rhône-Alpes, région à forte tradition textile.

800 000 euros de pertes

Elle a perdu son pari puisque sa société, lestée de 800 000 euros de pertes et de fortes baisses de commandes, a été placée en liquidation judiciaire le mardi 17 février, avec pour conséquence le licenciement de ses trente salariées dont d’anciennes Lejaby.

La créatrice des « Atelières » avait pourtant en apparence, beaucoup d’atouts en main. Suite à un appel de fonds, elle avait récupéré, fait rare 657 000 euros de la part de nombreux Français à l’occasion d’une souscription « citoyenne » lancée il y a un an, en mars 2014.

A cette somme s’était ajoutée une ligne de prêts bancaires de 350 000 euros garantis à 70 % par la Banque Publique d’Investissement (Bpifrance).

Malgré toutes ces fées penchées sur le berceau de cette coopérative, en 2014, « les Atelières » ont réalisé un pâle chiffre d’affaires de 230 000 euros pour des pertes donc estimées à 800 000 euros. A ce rythme, la société n’avait effectivement plus d’avenir. Le tribunal de commerce en a logiquement tiré les conséquences.

Que s’est-il donc passé ?

Sans doute le fait que Muriel Pernin se soit surtout focalisé sur le fait de produire, plutôt que de vendre, en pensant s’appuyer sur des donneurs d’ordre fiables, au premier rang desquels, Lejaby, son partenaire n° 1.

14 000 pièces commandées, 6 500 fabriquées

La crise, russe, un débouché important dans ce secteur, notamment, est passée par là. Lejaby s’était engagé à commander 14 000 pièces à l’Atelier villeurbannais. In fine vu l’état des commandes il n’en a fait fabriquer que 6 500.

Constatant ce fait, Muriel Pernin, surfant sur la notoriété de la coopérative, avait décidé en fin d’année dernière de fabriquer sa propre collection, vendue directement sur le site Web des Atelières.

La collection de Noël semblait bien partie. Las ! Les événements de janvier, période porteuse pour la lingerie, ont vu la dynamique qui commençait à s’enclencher, s’enrayer.

Une excellente idée, mais qui est sans doute arrivée trop tard. Le chiffre d’affaires réalisé n’a pas réussi à sauver l’entreprise.

Arrivant plus tôt, cette collection maison, aidée par la forte notoriété de la coopérative, en s’appuyant sur le Web et les réseaux sociaux, aurait pu peut-être donner une marge de sécurité aux Atelières.

« Il nous aurait fallu un peu plus de temps »

« En deux ans, nous n’avons pas réussi à asseoir notre modèle économique malgré nos efforts, notre travail sur les petites séries, notre partenariat avec l’Insa et le lancement de notre propre collection. Il nous aurait fallu un peu plus de temps » (*), constate, dépitée, Muriel Pernin.

Le made in France en matière de lingerie haut de gamme est-il voué à l’échec ? Force est de constater que les trois projets qui misaient pour tout ou partie sur le « made in France », les « Atelières », donc aujourd’hui disparues, Lejaby et « les Monette » connaissent des difficultés.

Il ne reste plus à espérer que les deux derniers acteurs réussissent, eux, à passer ce cap difficile.

Reste aussi une certitude, même en matière de lingerie, le « made in France » n’est pas un jardin de roses. S’il faut bien sûr être créatif en matière de fabrication, il faut aussi l’être aussi sur les canaux de distribution, en jouant notamment sur les nouveaux débouchés du e.commerce…

(*) in Le Figaro Economie.