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conjoncture dans le BTP

Traditionnellement, les années d’élections ne sont pas les années les plus favorables pour l’économie. Aujourd’hui encore, tous les signaux viennent confirmer cette réalité et le monde du BTP s’inquiète : panne du logement neuf, baisse des consultations pour les travaux publics, quasi-disparition des projets d’infrastructures… Après une année porteuse, la profession s’attend à des vents moins favorables en 2020.

En présentant le bilan 2019 et les perspectives 2020 de son secteur lors d’une conférence de presse le 13 décembre dernier, Samuel Minot, président BTP Rhône et Métropole attire l’attention sur la grosse crise que rencontreront les professionnels du secteur en 2020.

La crise du logement neuf continue…

 » Ce n’est pas parce que l’économie du logement ne fonctionne pas ou parce qu’il n’y a pas de demandes. Mais c’est parce qu’on a eu cet épisode du PLU-H qui a trainé en 3 ou 4 ans et puis à partir du moment où il a été adopté, il y a eu une grosse inertie pour relancer les opérations. Je pense que l’effet PLU-H ne nous apportera de l’activité qu’à partir de septembre 2020″ explique Norbert Fontanel, vice-président de BTP Rhône. Mois après mois, les mauvais chiffres de la construction annoncent une crise presque certaine pour le secteur. Sur douze mois, entre 2018 et 2019, les mises en chantier ont connu une baisse de -24 % et les permis de construire de -7 %.

Ainsi, la politique du logement et l’adoption du PLU-H, ont différé la délivrance de nombreuses autorisations. De plus, en matière de commercialisation, les réservations continuent de plonger avec une grande régularité, mettant en évidence l’insuffisance de l’offre à la vente et l’actuelle pénurie de logements neufs. Parallèlement, dans la même tendance, les autorisations montrent qu’un rebond de la production n’est pas à attendre dans les prochains mois.

Rappelons que l’objectif du PLU-H est fixé à 8 500 logements par an et qu’il projette d’accueillir annuellement 15 000 nouveaux métropolitains. Cependant, cet objectif est loin d’être atteint et l’écart entre l’offre et le besoin n’est pas près d’être comblé. Il est fort probable que les nouveaux arrivants chercheront à s’implanter de plus en plus loin de l’agglomération. Et pour cause, le marché de l’ancien est également sous tension tout comme le marché locatif.

Vers un atterrissage programmé de l’investissement public local

S’agissant de l’investissement public local, il est attendu avec la proximité des élections municipales et métropolitaines qu’un freinage s’opère. Il se manifeste déjà par un recul des autorisations des surfaces annonciateur d’un creux d’activité avec la mise en place des nouvelles équipes dans les collectivités. Par ailleurs, il se traduit désormais par une baisse des consultations pour les Travaux publics.

 » Nos entreprises ont dû prendre des mesures d’activité partielles, ce que notre secteur n’avait jamais connu. Une chute de 30 %, c’est brutal ! Et quand l’activité a enfin repris, nous avons eu beaucoup de difficulté à retrouver les capacités de production nécessaires, au niveau des effectifs notamment  » déplore Pascal Royer, président de l’Observatoire de la Commande Publique de BTP Rhône.

conjoncture BTP
De gauche vers la droite : Pascal Royer, président de l’Observatoire de la Commande publique de BTP Rhône, Samuel Minot, président BTP Rhône , Norbert Fontanel, vice-président de BTP Rhône.

Un horizon obscurci pour les grands projets d’infrastructures…

S’agissant des grands équipements, il faut constater la quasi-disparition des grands projets d’infrastructures en dehors des projets en matière de transports en commun pour les années à venir. Pourtant, les besoins sont bien réels notamment dans le domaine routier.

 » Il y a toujours eu de gros projets d’infrastructures autour de Lyon qui permettaient de tirer l’activité. Aujourd’hui, on se retrouve vraiment en déficit de ces gros projets » déplore Pascal Royer. En effet, il faudra bien trouver des alternatives au déclassement de l’A6-A7, qui deviennent une priorité. Travailler sur le contournement de Lyon Est est également une nécessité pour le trafic de transit, mais s’inscrit dans un horizon plus lointain.

Les entreprises du secteur craignent de naviguer à vue très rapidement et les constatations sont préoccupantes : pas de perspectives donc pas de projection possible. Cette mauvaise visibilité risque d’induire moins d’embauche et moins de formation. Au final, un secteur qui risque de caler alors que les besoins sont là.

… Avec une incidence sur les emplois dans la région

Le BTP est une industrie de mains d’œuvre. Au niveau national, c’est la première organisation professionnelle, formatrice en matière d’apprentissage. En 2019, le secteur vient de franchir le seuil des 50 000 salariés dans le département du Rhône, montrant son dynamisme en termes d’emploi. Cependant, ce chiffre se double d’un paradoxe : celui des problèmes de recrutement.

Le constat est unanime pour les entrepreneurs des BTP et interpelle dans la perspective d’une reprise de l’activité. Lorsqu’il faudra augmenter les capacités de production, les entreprises risquent de ne pas savoir faire, compte tenu de l’évolution de la pyramide d’âge.

Des attentes fortes sur la commande publique

Réaliser des travaux d’entretien dès le début du mandat, faire aboutir les projets prêts à être lancés, se donner la possibilité de déborder sur le mandat suivant. Tel devrait être la feuille de route des nouveaux élus. La profession espère que la mise en place des équipes municipales et métropolitaines soit beaucoup plus rapide que celle vécue au cours du mandat qui s’achève.

 » Les élus doivent intégrer que leurs projets mettent de plus en plus de temps à se concrétiser. Il devient donc pertinent compte tenu des temps d’études et de concertation et donc de raisonner sur deux mandats pour être sûrs de les voir aboutir  » explique Pascal Royer. Ainsi, il est essentiel de lisser la commande publique en pensant entretien, gestion du patrimoine et renouvellement, comme en matière de réseaux.

Aujourd’hui, la fédération BTP Rhône et Métropole milite pour une plus grande permanence de l’action publique, qui permette d’inscrire certains projets dans le « marbre » et d’éviter des remises en cause coûteuses et parfois dommageables à l’intérêt général. Cela est primordial en matière de mobilité où la demande des usagers est de plus en plus pressante et que les équipements envisagés s’inscrivent dans un temps qui dépasse celui de l’élu.

Pour 2020, la profession souhaite que les élections amènent aux responsabilités des équipes municipales et métropolitaines ambitieuses, qui mettent en place des politiques de développement et d’ouverture des territoires.