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Quel avenir pour l’hydrogène en Auvergne-Rhône-Alpes ? Pour Thierry Kovacs, « c’est une vraie révolution à laquelle participe toute la région »

En tant que vice-président à l’Environnement et à l’écologie active (c’est le titre complet de ses fonctions…) d’Auvergne-Rhône-Alpes, Thierry Kovacs, par ailleurs maire de Vienne en Isère, est en train de devenir le « Monsieur Hydrogène » d’une région qui multiplie les initiatives dans ce domaine et se veut très en pointe à l’échelon européen sur cette source d’énergie décarbonée lorsqu’elle est verte, du moins… La région s’est lancé dans l’hydrogène dès 2017 et vient de remporter un appel à projets européen, Imaghyne. Point d’étape en mode interview.

LE-Un certain nombre d’observateurs et même des scientifiques émettent encore des doutes sur l’avenir de l’hydrogène dans le monde comme source d’énergie décarbonée d’avenir. Que leur répondez-vous ?

Thierry Kovacs- Je pense qu’ils se trompent ; et ce pour plusieurs raisons. La première est qu’on en utilise déjà en quantité de l’hydrogène dans la région. Le problème est que c’est de l’hydrogène gris issu du vapocraquage de pétrole. Ce que nous voulons produire, c’est de l’hydrogène vert, complètement décarboné.
Il faut savoir ensuite qu’Auvergne-Rhône-Alpes est la première région industrielle de France. Et que si nous voulons décarboner l’industrie, cela passe obligatoirement par l’hydrogène. C’est déjà le cas pour Dow Chemical dans la Vallée de la Chimie de Lyon qui est en train de remplacer le gaz, énergie fossile, par de l’hydrogène vert, par exemple.
Enfin, l’hydrogène vert apparaît comme une alternative évidente pour ce que l’on appelle la mobilité lourde, celle des poids-lourds, des trains, des bus, des dameuses des pistes de ski.
Elle ne demande que trois minutes de recharge…

La région s’est lancée dès 2017 dans un premier projet hydrogène intitulé ZEV : « Zéro Emission Valley ». Oû en est-on sept ans après ?

Ce projet tournait déjà autour de la mobilité hydrogène.

Aux côtés de Michelin et d’Engie, la région à été à l’initiative d’une société public/privée, HYmpulsion dont le rôle a été et est d’abord d’installer des stations hydrogène pour mailler la région. Il s’agissait de créer à l’origine vingt stations hydrogène dans la région, finalement il y en aura dix-huit, mais plus puissantes : les quatre premières ont vu le jour à Saint-Priest, puis à Moûtiers, Chambéry et Clermont-Ferrand ; puis ensuite à Vénissieux et chez Vicat près de Grenoble. Six autres sont en cours actuellement dont une à Salaise-sur-Sanne dans le Nord-Isère. Un permis de construire a également été délivré à Lyon. Les dernières vont suivre ensuite : le programme se termine en 2026.

Qu’apporte de plus, l’appel à projet de Bruxelles « Imaghyne » dont la région Auvergne-Rhône-Alpes vient d’être désignée seule lauréate ?

En fait, ce nouveau projet consolide la mobilité en l’orientant vers la mobilité lourde. Il ouvre également la voie à l’usage de l’hydrogène dans l’industrie.

L’un des objectifs fixés est de produire 8 000 tonnes d’hydrogène via des électrolyseurs, pour moitié 100 % renouvelable et pour l’autre moitié, d’hydrogène semi-décarboné.

Deux pipelines pour transporter cet hydrogène figurent aussi dans cet appel à projet : un premier « pipe » de 1,5 km, menant du barrage de Pierre-Bénite où sera produite grâce à un électrolyseur de l’hydrogène décarboné, jusqu’à la vallée de la chimie.

Une étude sera ensuite lancée pour créer un grand pipe-line de 40 lm de long au sein de la Vallée de la Chimie.

S’y ajoutent l’aide à la mobilité pour accompagner l’achat de 250 véhicules lourds., cars, bus, dameuses de pistes de ski, engins de chantier, etc.

A Saint-Exupéry par exemple, ce projet prévoit des véhicules destinés à circuler au sein de l’aéroport, pour le transport des bagages, des voyageurs etc. , qui seront alimentés grâce à un électrolyseur situé à demeure et alimenté par l’énergie électrique fournie sur les milliers de mètres carrés d’ombrières des parkings. Lorsque le premier Airbus à hydrogène atterrira, l’aéroport sera prêt…

L’originalité dans ce cas, c’est ce qu’a souligné Bruxelles en attribuant à la région cet appel à projet : nous jouons le rôle d’ensemblier. Et ce avec des retombées européennes : des observateurs de cinq pays, en l’occurrence l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Allemagne et la Suisse seront déployés dans la région pour dupliquer dans leur pays respectif ce que la région aura testé et mis en œuvre..

D’une durée de six ans, de 2024 à 2029, ce projet va mobiliser un budget global de 200 millions d’euros avec une subvention initiale de 20 millions d’euros dans le cadre du Clean Hydrogen Partnership.

Ce projet Imaghyne comporte aussi un volet stockage innovant avec plusieurs sites dans la région car l’hydrogène est une molécule de très petite taille, très volatile. Qu’en est-il ?

Dans un premier temps, cela va concerner un test de stockage dans l’Ain. C’est la filiale Storengy d’Engie qui sera à la manœuvre. Ainsi 44 tonnes d’hydrogène seront stockées dans des couches géologiques salines.

Dans un deuxième temps, cela se fera à grande échelle à travers trois sites de stockage dans des cavités salines, toujours dans la région, de 6 000 tonnes d’hydrogène chacun.

Ce volet stockage est très important. Et ce, pour une raison bien simple : le problème avec l’électricité c’est qu’elle n’est pas stockable. A travers l’hydrogène, elle le devient !

Il existe déjà, via Toyota (avec la Mirai) et Huyndai (avec la Nexo) des voitures hydrogène sur le marché, mais très chère, autour de 70 000 à 80 000 euros. Croyez-vous en leur avenir ?

Ce qui est sûr, c’est que pour l’heure, les fourgons et camionnettes constituent la prochaine étape. Renault et Stellantis s’y lancent.

Ainsi le patron de Stellantis a annoncé la fabrication de l’Expert Peugeot et du Jumper Citroën fonctionnant à l’hydrogène qui ne coûteront pas plus cher que leur équivalent électrique. Ces fourgonnettes hydrogène coûteront certes près de 70 00 euros, mais si l’on retire la subvention allouées dans ce cas, on retrouve le prix du véhicule électrique, soit autour de 42 000 euros : très important pour les professionnels et les artisans notamment au regard des ZFE, d’autant qu’il y aura dans la métropole lyonnaise un maillage de trois stations hydrogène.

Dans le cadre d’Imaghyne, près de 500 véhicules de ce type seront pré-commandés.

Après ZEV, puis Imaghyne, quel sera le prochain stade dans le cadre de la politique hydrogène du Conseil régional ?

Nous allons continuer à répondre à d’autres appels à projets. Mais parallèlement, l’idée est aussi de travailler avec d’autres régions de France pour constituer par exemple un grand couloir de circulation hydrogène entre le Sud et le Nord de l’Europe passant par la région.

Laurent Wauquiez, le président de la région met en avant le rôle de pionnière d’Auvergne-Rhône-Alpes en tant que région hydrogène. Qu’en est-il réellement, comment se place la région face aux autres territoires européens dans ce domaine ?

On ne peut nier que nous pesons en la matière un poids très important.

Le sol régional compte 150 entreprises tournées vers l’hydrogène, soit un tiers des acteurs français de la filière hydrogène. Nous comptons pas moins de 40 centres de recherche dans ce domaine. La formation est également présente avec désormais des centres dédiée avec l’Université Symbio à Lyon, mais aussi HRS en Isère, par exemple. L’ensemble de la filière est donc présente.

Ce qui est sûr est que l’on est en train de vivre une vraie révolution et que la région Auvergne-Rhône-Alpes constitue l’un des acteurs importants de cette révolution…

Photo- Thierry Kovacs, vice-président de la région Auvergne-Rhône-Alpes à l’Environnement et à l’écologie active, interrogé sur la chaîne TV du salon Hyvolution, le plus important salon consacré à l’hydrogène qui s’est tenu il y a deux semaines Porte de Versailles à Paris.

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La Région commande 50 cars hydrogène pour 25 millions d’euros

Laurent Wauquiez, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a présenté vendredi 16 février les nouveaux cars à hydrogène de la Région, dédiés aux transports scolaires et interurbains. La Région vient en effet de clore une commande de 16 cars rétrofités pour un montant de 8,5 M€. Au total, c’est un marché de 50 cars qui a été conclu avec GCK : une première en Europe.

Pour pallier le manque d’autocars hydrogène sur le marché, GCK propose une solution de rétrofit hydrogène de cars thermiques, fonctionnant avec une pile à combustible hydrogène fabriquée dans la région par la société Symbio.

Cette commande de 50 cars rétrofités hydrogène pour 2026, dont 16 livrés dès cette année,  représente un investissement régional de 25 M€ (8,5M€ pour les 16 premiers cars), sur les 135 M€ consacrés aux mobilités hydrogène par la Région à l’horizon 2026.

Les 16 premiers cars permettront les transports scolaires et interurbains vers les centres urbains avec les lignes Saint-Jean-de-Bournay- Vénissieux; Saint-Marcellin- Grenoble ; Valserhône-Annecy et Annonay-Lyon.