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Arkema/Klesch : la guerre des chimistes est déclarée sur fond de conflit social

Le ton est très dur. Le groupe suisse Klesch qui a repris en juillet dernier le pôle vinylique du Français Arkema accuse ce dernier de l’avoir trompé. Et assigne le chimiste de spécialités français devant le tribunal arbitral, évoquant même une éventuelle annulation de la cession ! Le tout sur fond de fronde sociale. En première ligne : près de 600 salariés sont concernés en Rhône-Alpes, tant à Saint-Fons et Pierre-Bénite dans le Rhône, qu’à Balan dans l’Ain.

« Au cours des huit mois qui ont suivi l’acquisition du pôle vinylique d’Arkema France SA, le Groupe Klesch a découvert des écarts significatifs entre l’information financière présentée par le management d’Arkema France SA lors des négociations et la réalité de la situation financière de Kem One SAS », dénonce un communiqué du groupe suisse tombé le lundi 4 février.

 Ce texte très dur précise que « Klesch n’aurait pas accepté de conclure la transaction selon les termes proposés s’il avait eu connaissance du caractère trompeur des informations fournies à l’époque des négociations. »

 Passant de la parole aux actes, le groupe suisse annonce qu’il assigne Arkema France SA devant le tribunal arbitral. Il demande l’indemnisation de Kem One SAS, nom donné à la nouvelle filiale vinylique, après son rachat « pour les insuffisances du bilan et du compte de résultat ».

 L’annulation de la cession ?

 Mais ce n’est pas tout : «  Klesch se réserve également le droit de demander au tribunal arbitral l’annulation de la cession de Kem One SAS. Klesch demande au total 310 millions d’euros de dommages et intérêts… »

 Des accusations que réfute totalement Arkema qui réplique en se déclarant «  profondément choqué par ces allégations graves et mensongères et tient à y opposer le démenti le plus formel. »

 Arkema ajoute que « le groupe Klesch a eu, en toute transparence et tout au long des négociations, accès à l’ensemble des informations nécessaires – et usuelles dans ce type de transactions – lui permettant d’apprécier la situation financière ainsi que les perspectives de cette activité et a mené les due diligence approfondies qu’il a souhaitées. »

 Face à une telle attaque, Arkema assure « engager dès à présent toutes initiatives afin de défendre ses droits et prouver sa bonne foi devant les autorités compétentes. »

Tout cela en resterait au stade juridique et médiatique s’il n’y avait derrière des centaines d’emplois : 1 780 salariés français et 850 hors de France sont concernés par ce conflit dont pour Rhône-Alpes, 280 salariés à Saint-Fons dans la vallée de la chimie lyonnaise, ainsi que 190 travaillant sur le site de Balan, dans l’Ain. Il faut y ajouter ceux travaillant au sein du centre de recherches de Pierre-Bénite et dans les « fonctions supports » (CETIA) basés également à Pierre-Bénite, soit au total 580 personnes.

 L’inquiétude grandit chez ces salariés

 Une manifestation, doublée d’une grève,  a ainsi rassemblé près de quatre cents salariés dans la matinée du 1er mars devant le siège de Kem One, avenue Jean Jaurès dans le 7e arrondissement de Lyon, avant qu’une délégation ne rencontre la direction.

 Il ne s’agit là que d’un épisode supplémentaire d’un bras de fer engagé entre la Fédération nationale des industries chimiques CGT et Gary Klesch, le Pdg, depuis la création de la société, baptisée Kem One, en juillet 2012.

 Depuis, la CGT n’a de cesse de dénoncer la mauvaise gestion de l’entreprise. « Kem One est endettée à hauteur de 125 millions d’euros, plusieurs fournisseurs ne sont pas payés » s’inquiètent les responsables cégétistes. Une motion de défiance à l’intention de Gary Kletsch a même été adoptée le 20 février dernier, lors d’une réunion du Comité Central d’Entreprise de Kem One.

 Cent millions de trésorerie versés par Arkema lors de la cession

 On est loin de la sérénité qui avait accompagné la cession dans la torpeur de l’été dernier. Arkema affichait alors sa volonté financière d’accompagner cette cession, en expliquant que « Klesch ne versera pas un euro, mais bénéficiera d’entrée de 100 millions d’euros de trésorerie versés par Arkema. » Et Arkema d’assurer alors que mieux, même, « il prendra à sa charge les 470 millions d’euros qui pèsent sur cette activité. »

 « Nous doterons la nouvelle entité d’un bilan très solide qui témoigne de notre volonté d’assurer le plein succès de ce projet et son développement dans la durée », insistait même le chimiste français de spécialités

 On en est loin désormais. Qui ment derrière ces accusations lancées de part et d’autre ?

 Seule certitude pour l’heure  : L’objectif affiché lors de la cession  « de donner naissance à un leader européen de l’industrie du PVC » paraît pour le moins mal engagé. Et les dégâts d’une procédure entre les deux chimistes qui durerait dans le temps pourraient être lourds. Très lourds.