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Claude Comet : « L’avenir de nos stations passe par la diversification »

Conseillère déléguée chargée du tourisme et de la montagne au titre du groupe Europe Ecologie/les Verts au sein du Conseil régional Rhône-Alpes, Claude Comet tire un bilan sans concession de l’état de la montagne actuel face au réchauffement climatique. Les stations ne sont pas adaptées et les contrats « station durable » ont de la peine à se développer. Pourtant, les professionnels ne minimisent pas le phénomène dont ils ont pris conscience, ils en ont même peur, mais ils n’ont pas encore effectué le grand saut. Interview.

Les Alpes ont encore réalisé une belle saison d’hiver cette année. Le changement climatique aurait-il un impact moindre que prévu ?

Claude Comet-Nous avons constaté effectivement cette année un très important enneigement, juste avant les fêtes de Noël. Il a fait très froid. Mais juste avant soufflait le foehn, ce qui signifie qu’il n’y avait pas de sous-couche. Il faut se souvenir aussi qu’après le 26 décembre, il n’a plus neigé. : les stations ont dû faire fonctionner les canons.

En fait, année après année, les conséquences du réchauffement climatique se confirment dans les Alpes et la question d’un enneigement aléatoire se pose. L’épaisseur du manteau neigeux diminue, la durée d’enneigement diminue.

Il y a quinze jours, le différentiel de température entre la nuit et le jour était de 40 degrés : c’est ça le changement climatique !

Le modèle économique de la montagne alpine est fragilisé par cette ressource qu’est la neige, pas facile à maîtriser.

Les professionnels de la montagne ont-ils conscience du phénomène ?

Personne ne nie plus qu’il y ait un changement climatique. Ils en ont peur. De ce fait, cette saison a été extrêmement tendue dans les stations. On a peur, mais on s’accroche au modèle économique actuel.

La solution passe-t-elle par les canons à neige ?

A long terme, les canons à neige ne résolvent pas le problème. Il faut bien comprendre que 80 % des stations se trouvent entre 1 000 et 1 500 mètres d’altitude, une large majorité donc. Or, pour que les canons fonctionnent, il ne faut pas seulement de l’eau, mais aussi qu’il fasse suffisamment froid, entre – 3 et – 4 degrés, ce qui limite leur efficacité.

Les grandes stations en ont 200, voire 300, à des coûts situés entre 2 500 et 3 500 euros pièce. C’est en outre discriminant : seules les grandes stations qui ont de l’argent peuvent se les offrir. Et mettre son argent dans les canons à neige ne permet pas d’investir dans l’avenir.

L’autre problème des canons à neige est constitué par les retenues collinaires pour l’eau. Celles-ci doivent être situées pour ce faire près des pistes, donc en altitude, ce qui provoque un phénomène d’assèchement en aval de la retenue et détruit des milieux humides.

L’exemple de la vallée d’Abondance est significatif. Elle n’avait plus les moyens de simplement réviser la remontée mécanique et a donc décidé d’arrêter tout, il est vrai avant de se raviser et de changer de maire !

Les stations d’altitude devraient donc mieux s’en sortir ?

Elles sont seulement au nombre de quatorze. Et leur problématique économique n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît de premier abord. La neige de culture est chère, les vacances de neige dans ces stations sont donc plus chères. Ces stations doivent aller chercher leur clientèle de plus en plus loin.

Que faire alors ?

La solution réside dans la diversification. Prenons l’exemple d’une autre station, Saint-Pierre-de-Chartreuse. Elle aussi n’avait plus assez d’argent pour ouvrir sa grosse télécabine. La station a donc décidé de diminuer l’activité ski, au profit d’une évolution importante de son modèle économique. Avec l’aide du parc, elle s’est lancée dans le trail. Elle est en train de devenir le lieu emblématique du trail en France, en devenant le lieu d’entraînement de tous les trailers de haut niveau et en drainant derrière toute une nouvelle clientèle.

Comment le Conseil régional accompagne-t-il cette diversification ?

Par la signature de contrats dits « station durable », auxquels participent financièrement aux côtés de la Région, l’Etat et l’Union Européenne. Nous ne prenons pas en fait en compte une seule station, mais pour être plus efficace, toute une vallée.

Il s’agit de faire évoluer le modèle français qui n’est pensé que pour l’hiver, pour se diriger vers un modèle conçu également pour l’été.

L’investissement ne part pas dans le ski alpin, mais vers les activités raquettes, le ski de fond, les loisirs d’été.

Les enveloppes sont-elles importantes ?

Nous arrivons à avoir des enveloppes se montant jusqu’à 800 000 euros. Là où nous avons déjà œuvré, les résultats sont bons, les chiffres d’affaires augmentent, le modèle économique évolue. Mais malheureusement, le phénomène reste encore marginal : dix-sept stations pour l’heure ont signé un tel contrat.

Comment évolue au regard du réchauffement climatique, l’hébergement en station ?

C’est l’un des problèmes majeurs des Alpes. Il existe un gros problème de qualité. Les hébergements sont souvent petits, mal isolés, peu compatibles avec des hébergements qui seraient susceptibles d’être largement utilisés l’été.

Pourquoi ? Parce que ce sont le plus souvent des logements issus de la défiscalisation qu’il s’agit de rentabiliser le plus vite possible. En outre, il faut qu’on arrête de consommer du terrain. Il faut densifier.

Qu’en est-il de l’accès aux stations ?

C’est sans doute l’autre problème. Une station comme Courchevel accueille 6 000 voitures par jour en saison. Il n’existe pas assez de transports en commun pour irriguer les stations. Il faudrait qu’elles soient de plus en plus reliées par câbles comme vient d’en faire le projet la Métro de Grenoble qui envisage de créer un téléphérique qui relierait le centre de Grenoble au Vercors.

Quelle est votre définition de la station durable ?

C’est une station qui fonctionne toute l’année, été comme hiver, qui est reliée par un transport collectif, qui est ouverte sur la nature, où existe un vrai accueil, avec des auberges, de l’hôtellerie de proximité. Et enfin, où on a su créer du sens et du contenu. Il faut miser sur les innovations, auxquelles je crois beaucoup et sur les hommes.

Il s’agit également d’une station où, même quand il n’y a pas de neige, il existe toujours quelque chose à faire et où on utilise toutes les formes d’énergies renouvelables : n’oublions pas qu’à cet égard, la montagne pourrait être un véritable eldorado !

Photo (DL) : Claude Comet.