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En redressement judiciaire, le fabricant de panneaux solaires Photowatt peut-il être sauvé ?

Le Tribunal de Commerce de Vienne qui a dans les mains le dossier Photowatt en redressement judiciaire pour six mois, ne va pas avoir la tâche facile. Son actionnaire, la société canadienne ATS cherche sans succès à revendre la société depuis trois ans. L’entreprise ne détient qu’une petite part d’un marché mondial très concurrentiel car excédentaire et ne peut donc jouer sur les volumes. Le moratoire sur la filière solaire et les mesures qui en ont découlé constituent une circonstance aggravante. Reste que la société est dotée d’une forte expertise et tablait avant la case dépôt de bilan sur une sortie par le haut par l’innovation en mêlant le solaire aux nanotechnologies.

Le Tribunal de commerce de Vienne en Isère a placé en redressement judiciaire mardi 8 novembre la société de Bourgoin-Jallieu (Isère) spécialisée dans la fabrication de panneaux solaires, Photowatt, qui s’était déclarée en cessation des paiements le vendredi précédent.

Comptant 441 salariés, cette entreprise qui était, avant la délocalisation de l’assemblage des panneaux, un des rares fabricants en France à maîtriser toute la chaîne de fabrication, perdrait près de 3 millions d’euros chaque mois.

Le Tribunal de commerce de Vienne a décidé de lui octroyer une période d’observation de six mois. La nouvelle a été accueillie avec soulagement par le personnel et les dirigeants, ce laps de temps devant être mis à profit pour trouver un repreneur.

Mais ce soulagement ne sera-t-il pas de courte durée ? Cela fait trois ans que son actionnaire, la société canadienne ATS recherche en vain un repreneur.

Peu avant ce dépôt de bilan, des mesures de chômage partiel avaient été préalablement négociées jusqu’à la fin du mois de décembre avec les syndicats de l’entreprise sur la base de 78 % du salaire brut.

La raison de la crise profonde que traverse l’entreprise ? Elle a peu de commandes, en raison de ses coûts élevés de production, mais aussi d’une surcapacité de fabrication  et d’une offre abondante en matière de panneaux photovoltaïques sur le marché mondial.

Circonstance aggravante précipitant les difficultés de la société : le moratoire décrété par le gouvernement français concernant la filière photovoltaïque et le brusque arrêt qu’a subi la filière a provoqué l’annulation de près de 40 % du plan de charge de l’entreprise en 2011.

Elle a essayé de sortir de la crise par le haut en développant l’innovation pour mettre sur le marché des panneaux photovoltaïques à plus haut rendement.

Photowatt avait ainsi lancé avec des partenaires (dont le CEA) le consortium « PV Alliance » qui visait à intégrer les nanotechnologies grenobloises dans les panneaux photovoltaïques, afin de mettre au point des cellules de nouvelle génération au rendement plus efficace. Dans la tourmente, ce plan ne semble plus évoqué.

Estimant alors « ce projet indispensable à sa survie », Photowatt prévoyait d’être même rentable d’ici à 2012. On en est donc fort loin.

Les effectifs de la société n’ont cessé de rétrécir. Elle comptait 800 salariés en 2009. Ce chiffre est tombé à 441 salariés après le dernier plan social intervenu en début d’année 2011. Celui-ci s’était déjà traduit par la délocalisation de l’assemblage des panneaux solaires auprès de sous-traitants chinois.

Ce départ avait entraîné la fermeture d’une des deux usines de la société à Bourgoin-Jallieu. Cette seconde usine pourrait ne pas rester vide très longtemps. Le groupe Hermès, déjà présent dans cette partie du Nord-Isère pourrait y relocaliser une part de ses activités, mais dans un domaine totalement différent.

Avec une production annuelle de 75 MW, Photowatt est un acteur de petite taille, ne représentant qu’un petit pourcentage du marché, quand des entreprises chinoises ont des capacités de plusieurs milliers de Mégawatts.

La société de panneaux photovoltaïques est handicapée par des coûts de production et par son appartenance à un groupe qui ne souhaite pas l’intégrer ou ne peut l’intégrer dans une stratégie mondiale.

La solution pour Photowatt serait de migrer vers un groupe industriel  assez solide et motivé, ayant une stratégie déterminée. C’est l’espoir caressé par les salariés et de leurs représentants, comme Robert Dufour, de la CFDT, secrétaire adjoint du Comité d’entreprise et délégué syndical.

Une stratégie jouable, mais pas facile, peu de groupes français industriels ayant investi en France dans le photovoltaïque, directement, à une échelle suffisante. Total s’est directement intéressé à l’Américain Sunpower. EDF coopère avec First Solar.

Du côté des étrangers, Photowatt a intéressé un temps le norvégien Elkem lui-même en difficulté, qui pourrait revenir à la faveur d’une reprise dans le cadre d’un plan de cession, à des conditions favorables pour le repreneur.

 Mais le contexte mondial reste incertain. Certes le photovoltaïque se développe, mais les capacités mondiales excèdent la demande, même si la croissance est au rendez-vous.

Bref, le Tribunal de commerce que préside Pierre Sibut ne va pas avoir la tâche facile, même s’il a su dans un passé récent gérer avec une certaine réussite, un dossier aussi sensible que celui du dépôt de bilan de l’ex-n°1 mondial du marbre automobile, Celette.

Photo (DR) : Le site de Photowatt à Bourgoin-Jallieu (Isère)