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Guy Lassausaie entre au musée (des Confluences) : « j’aime donner du bonheur à mes clients »

Auréolé de ses deux étoiles Michelin, Guy Lassausaie demeure l’une des valeurs sûres de la gastronomie rhônalpine. Aussi talentueux que discret, le chef de Chasselay prépare son arrivée imminente au musée des Confluences. Confidences.

Vous avez été retenu pour prendre en charge la restauration du futur musée des Confluences dont l’ouverture est imminente. Quel est votre projet ?

Dans le cadre d’un appel d’offres, nous avons effectivement monté un dossier commun avec Jean-Paul Pignol, dossier suffisamment solide pour être retenu. Nous aurons la responsabilité de l’ensemble des espaces de restauration, dont deux salles de banquets de 350 et 160 places. Jean-Paul aura plus spécifiquement en charge le bar snacking/salon de thé implanté sur le toit-terrasse pour proposer sandwiches, salades, hamburgers… Il aura aussi la gestion du kiosque prévu dans les jardins pour une offre essentiellement liquide. Moi, j’aurai la responsabilité de la brasserie, un établissement de 120 couverts situé au rez-de-chaussée, dans le pilier sud, qui donnera sur le petit bassin. On y retrouvera l’esprit qui fait le succès du Beluga, notre restaurant de Villefranche-sur-Saône.

C’est-à-dire ?

Une brasserie chic, semi gastronomique, pour mettre en valeur la cuisine française et régionale. Je concevrai la carte qui sera ensuite déclinée par un chef et une équipe dédiée au musée. Pour ne pas être trop décalé par rapport à l’architecture des lieux, il faudra faire preuve de créativité. Cela dit, le musée doit accueillir entre 500 000 et 750 000 visiteurs par an, avec une affluence très internationale. On devra donc concilier cette touche originale avec une offre susceptible de satisfaire tous les types de clientèle. Mon savoir-faire de cuisinier devrait faire le reste.

Une vingtaine de dossiers ont été déposés pour répondre à l’appel d’offres. Cette approche innovante a-t-elle fait la différence ?

Oui, je pense, au même titre que le fait de pouvoir associer deux MOF (Meilleurs ouvriers de France) autour d’un projet commun. Deux professionnels sérieux, expérimentés qui, je pense, ont une bonne image et un fort ancrage dans la vie lyonnaise.

Comment abordez-vous cette ouverture ?

Comme un beau challenge à relever dans ma ville, une opportunité à saisir dans le cadre d’un projet atypique. Il faudra répondre aux attentes des visiteurs extérieurs tout en jouant la carte de la proximité avec les quartiers de Gerland et de la Confluence. Il y a aura le tram et 40 places de parking pour faciliter l’accès. A mon sens, c’est d’abord cette clientèle de proximité qui doit assurer la pérennité de la brasserie au quotidien. Il ne faudra pas les décevoir…

 Vous êtes cuisinier depuis 35 ans. Ne ressentez-vous pas une forme de lassitude ?

Non. C’est un métier qui peut être très dur si on ne le prend pas dans le bon sens. Une fois que l’on maîtrise la technique, la notion de partage est fondamentale pour conserver le feu sacré. Partage avec son équipe, partage avec les clients. Mon plus grand bonheur, c’est de voir le sourire sur leur visage lorsque le plat est servi.

En une décennie, sous l’impulsion de la télévision, le statut du chef a beaucoup évolué en France. Il est sorti de sa cuisine pour devenir une star à part entière. Comment percevez-vous cette mutation ?

Le fait de valoriser notre profession est une bonne chose. Malheureusement, la télévision est un miroir déformant. Le meilleur chef du monde ne pourra rien envoyer s’il n’est pas bien entouré, s’il ne peut pas s’appuyer sur une brigade compétente, motivée et expérimentée. Un chef ne joue pas en solo. La télé, ce n’est pas la vraie vie…

Dans la famille Lassausaie, la relève est-elle assurée pour une cinquième génération ?

Je ne sais pas encore. Mon fils cadet a 15 ans. Il aime bien la cuisine, il goûte bien, a du palais, connait les produits. Maintenant, est-il prêt à travailler les samedis et dimanches toute sa vie ? Je ne le pousse pas car c’est un métier extrêmement exigeant, un métier de passion qui nécessite un investissement personnel à 100%.

Qu’est-ce qui fait encore avancer Guy Lassausaie… la perspective d’une troisième étoile par exemple ?

(Sourire) Non. Bien sûr, si on me la donne, je la prendrai avec plaisir. Ce serait une satisfaction pour moi et une récompense pour mes employés qui contribuent à la réputation de la maison. Mais certains attendent cette troisième étoile toute leur vie. Et comme je n’ai pas l’intention de me rendre malheureux… Bref, je préfère ne pas trop y croire. Deux étoiles, c’est déjà très bien. En fait, mon vrai plaisir, c’est de voir le bonheur que je peux donner à mes clients, une clientèle très familiale qui a ses habitudes et un bon rapport qualité/prix. Une troisième étoile attirerait forcément un autre type de clients, plus exigeants. Je ne suis pas sûr que ce soit souhaitable.

Avec aussi une pression encore plus forte sur vos épaules…

La pression, je l’ai tous les jours pour faire de mon mieux. Le fait d’avoir une troisième étoile ne changerait rien. L’essentiel, c’est de prendre du plaisir au quotidien. Et c’est mon cas aujourd’hui. Je suis beaucoup plus à l’aise qu’il y a dix ou quinze ans. Je pense être arrivé à maturité. Je ne me cherche plus. J’ai trouvé mon style…

A SAVOIR

Guy Lassausaie vient de publier « Cuisinier », un livre dans lequel il fait partager la passion de son métier… et ses bonnes recettes.

Editions De Borée – Préface de Jean Fusaro – 29,90 €