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Jean-Michel Bérard, président du Clust’R Numérique : « La Région est loin d’être à la hauteur de son potentiel. Il nous faut passer du Top 15 au Top 5 européen »

La région Auvergne-Rhône-Alpes compte beaucoup d’entreprises numériques, mais elles sont très petites : 4 salariés en moyenne par entreprise ! Boosté par la fusion des deux Clusters régionaux, Jean-Michel Bérard, le Pdg d’Esker veut bénéficier de cette opportunité pour développer l’écosystème numérique régional. Pour ce faire, les propositions ne manquent pas. Entretien…

– Est-ce que Lyon et Auvergne-Rhône-Alpes ont raison de se gargariser de l’importance de leur écosystème numérique, même s’il a bien grandi et prospéré ces dernières années ?

Jean-Michel Bérard-Les chiffres sont là et sans appel. On compte 263 000 salariés en Ile de France dans le numérique, 57 000 en Rhône-Alpes. Le rapport avec la région parisienne est de 1 à 5.

Rhône-Alpes est bien la deuxième région numérique de France, mais bien loin derrière Paris , mais elle est encore loin de peser le poids qui devrait être le sien, vu son PIB.

D’après Eurostat, Auvergne-Rhône-Alpes est seulement la …15ème région pour le PIB numérique.

Pourquoi cette faiblesse relative ?

Première certitude : nous sommes déjà parti trop tard. On sait que la France est très centralisée et que les sièges sociaux sont à Paris, ça n’aide pas.

D’autre part, la région ne bénéficie pas encore d’une image numérique forte.

Enfin si elle possède un écosystème de formation de qualité, il existe encore en la matière de grandes lacunes.

Quel est le problème ?

Certes, il y a eu une montée en puissance des entreprises informatiques dans la région. Elles sont nombreuses puisque nous sommes classés à la septième place européenne en nombre d’entreprises. Mais lorsqu’on regarde de plus près, elles ne comptent en moyenne que… quatre salariés, contre six en Ile-de-France !

Pour trouver le poids légitime qui devrait être le nôtre, il nous faudrait doubler le nombre moyen de salariés par entreprise et passer à huit…

Pourtant, plusieurs écoles d’informatique se sont installées à Lyon ces dernières années, comme Simplon ou Wild Code School. Répondent-t-elles aux importants besoins des chefs d’entreprise qui peinent à recruter des informaticiens ?

Leur arrivée est une très bonne chose, mais elle n’est pas suffisante. Ce dont on a besoin, c’est une « Ecole 42 », comme à Paris qui mettrait sur le marché des promotions de mille élèves.

Dans ce cas, le projet de Laurent Wauquiez de créer un grand campus informatique à Charbonnières vous paraît-il pertinent ?

La localisation à l’extérieur de Lyon, peut être discutée, mais cette idée correspond à un vrai besoin : il y a chaque année 6 000 postes à pourvoir !

La formation est une réponse, mais ce n’est pas la seule.

Il y a aussi la question de l’attractivité . Nous avons beaucoup d’atouts à faire valoir pour attirer les informaticiens, le climat, la montagne un immobilier pas trop cher, etc.

Laurent Wauquiez veut faire d’Auvergne-Rhône-Alpes une « Silicon Valley européenne », mais toutes les grandes régions d’Europe ont cette ambition. Pourquoi Auvergne-Rhône-Alpes réussirait-elle plus que d’autres ?

Là encore, c’est indéniable, nous possédons de multiples atouts. Ce projet est envisageable à l’horizon 2020 si nous arrivons, je le répète, à faire passer le nombre de salariés par entreprise informatique de quatre à huit.

Mais comment faire alors ?

C’est l’objectif que nous nous sommes fixé en fusionnant les deux cluster numériques d’Auvergne-Rhône-Alpes, le Clust’R Numérique et Numélink, ce qui nous permet désormais avec une seule entité d’être présents sur tout le territoire régional.

Pour ce faire, il faut commencer par attirer de gros poids-lourds du Numérique. C’est possible : Salesforce s’est bien installé à Grenoble avec 200 salariés. La région est une terre de Recherche&Développement : on doit pouvoir les attirer avec cet argument.

Il faut également marketer la région : et à cet égard, nous avons beaucoup de travail à réaliser.

Qu’attendez vous de la fusion des deux clusters ?

Notre objectif est justement d’aller bien au-delà de l’addition de nos deux forces.

Nous sommes actuellement dans le top 15 des régions européennes. Nous nous sommes fixé l’objectif ambitieux d’entrer dans le Top 5, c’est-à-dire tout simplement de figurer au niveau qui devrait être le nôtre.

Outre les actions à mettre en œuvre que vous avez déjà déclinées, y en a t il d’autres ?

En fusionnant les deux clusters, nous avons collectivement listé pas moins de… cinquante propositions.

Par exemple, nous avons décidé d’attribuer un grand prix international du numérique. C’est le moment, il n’y en a pas encore beaucoup.

Nous voulons aussi pour susciter de l’émulation créer un autre un prix, régional, lui, en récompensant l’entreprise informatique qui a développé le plus grand nombre d’emplois.

Parmi ces propositions figure également le doublement du nombre de codeurs, le fait qu’un accent soit mis sur le télétravail.

Nous proposons également la mise en place de coaches numériques pour les élus, la création d’un label, etc.

Pourquoi les TPE et les PME du Numérique de la Région, ne grossissent pas plus ?

Il y a sans doute un manque d’ambition, puis une difficulté de recruter, réelle. On peut également évoquer la peur de licencier, le fait que Lyon ne bénéficie pas encore d’un véritable aéroport international, important pour un secteur de facto international : on manque de vols intercontinentaux.

Vous même, vous être aussi d’une certaine manière à la tête d’une entreprise, Esker, qui d’emblée s’est positionnée sur l’international en réalisant les deux tiers de son chiffre d’affaires à l’étranger. Où en êtes vous ?

Esker se porte bien. Les derniers résultats semestriels ont illustré une hausse de notre chiffre d’affaires de 18 % à 58,5 millions d’euros. Notre résultat net a bondi de 29 %.

Nous sommes 400 salariés, nous allons finir l’année à 420. Avec le turn over de l’effectif, nous allons embaucher 50 personnes cette année.

Vous avez raison de dire que nous sommes internationaux puisque nous faisons plus de chiffre d’affaires aux USA (42 %) qu’en France. Nous sommes également bien implantés en Asie, en Grande Bretagne…

Mais nous avons encore des faiblesses : l’Europe du Nord, les Pays Scandinaves. Nous cherchons actuellement des cibles pour mener des opérations de croissance externe.

Avec la croissance organique et les acquisitions projetées, nous devrions continuer sur le même rythme : une croissance de l’ordre de 20 % …