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Lafuma : Philippe Joffard cède ses parts au groupe suisse Calida et démissionne

On l’avait marié un temps avec le conglomérat sud-coréen E.land. C’est finalement la famille suisse propriétaire de la marque de lingerie Aubade, le groupe Calida, qui rachète la société drômoise Lafuma. Avec une première conséquence : la démission de Philippe Joffard, Pdg depuis vingt-huit ans. Il est remplacé par Felix Sulzberger, membre du conseil d’administration. Cette vente pourrait avoir des conséquences sur le plan de l’emploi.

Coup de tonnerre à Anneyron, dans la Drôme, siège de la marque d’équipement et de vêtements outdoor, Lafuma. Les salariés s’y attendaient, certes, mais le pas est désormais franchi. Et les conséquences sur le plan de l’emploi pourraient être significatives.

Le groupe rhônalpin a annoncé la démission de son directeur général, Philippe Joffard et la cession par ce dernier et sa famille de leur participation de 15,2 % dans le capital, au groupe familial suisse Calida.

Le Lyonnais Philippe Joffard, 59 ans, petit-fils d’un des trois frères Lafuma, créateurs de l’entreprise, était à la tête de la société depuis vingt-huit ans. Il sera remplacé par le patron de Calida, Felix Sulzberger. Ce dernier connaît fort bien la maison : il est membre du conseil d’administration de Lafuma depuis huit ans.

La conséquence de l’échec des négociations avec E.Land

Philippe Joffard demeurera cependant président du conseil d’administration jusqu’à la prochaine assemblée générale, afin d’assurer la transition managériale

En cédant sa participation familiale de 15,2 % au groupe de lingerie, Philippe Joffard, tire les conséquences de l’échec des négociations avec le sud-coréen E-land l’an dernier que nous avions alors évoquées.

Ses marges de manœuvre étaient étroites puisque le spécialiste de l’outdoor était dans le rouge, affichant une perte nette de 15,2 millions d’euros l’an dernier. A l’origine de ces difficultés : la crise sans doute pour partie, mais aussi la fragilité récurrente de son pôle Surf, Oxbow : – 10,7 millions de dépréciations lors du dernier exercice.

C’est la raison pour laquelle, à la mi-décembre, le groupe drômois avait présenté un plan de relance de ce pôle Surf, prévoyant la suppression d’un quart de ses effectifs, soit 38 salariés sur 145, ainsi qu’une réduction drastique de sa gamme qui devait passer de six cents à trois cents modèles.

Calida plus petit que Lafuma !

Ce rachat représente une opération d’envergure quelque peu risquée pour la société Calida et ses 1500 salariés. Avec un chiffre d’affaires de 167 millions d’euros, pour un résultat d’exploitation (Ebit) de 20 millions d’euros en 2011, le groupe suisse est plus petit que la société qu’il acquiert, puisque cette dernière a réalisé lors de son dernier exercice, 225 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Calida s’est engagé à ne pas posséder plus de 29 % des titres à l’issue de l’opération, afin d’éviter le déclenchement d’une Offre Publique d’Achat. Le groupe suisse ne prendra donc pas (pour l’heure) le contrôle total de Lafuma.

Le leader de l’outdoor étant coté en Bourse (+ 38 % depuis un an à 20,80 euros), parallèlement à cette opération se déroulera une augmentation de capital accroissant de 50 % le nombre des actions existantes, avec maintien des droits préférentiels de souscription des actionnaires existants.

Cette opération est censée répondre à trois impératifs. Il s’agit de fournir aux différentes marques du groupe (Lafuma, bien sûr, mais aussi Millet , Eider, Le Chameau et Oxbow), les moyens de leur développement.

Il s’agit enfin de permettre à Lafuma de bénéficier des ressources financières suffisantes pour poursuivre la réduction substantielle de son endettement, et enfin, mettre en œuvre l’exécution du plan stratégique long terme que ne va pas manquer de mettre en œuvre Calida.

L’annonce de cette opération qui sera dilutive a fait chuter le cours de Bourse de 4,67 %, mardi 15 janvier.

La crainte des 1 600 salariés de Lafuma est que le nouveau propriétaire, Calida aille encore plus loin dans le plan de redressement d’Oxbow, lancé par Philippe Joffard.

L’industriel suisse a, en effet, déjà montré sa fermeté dans les moments de crise. Face à la chute des ventes d’Aubade, sa filiale française rachetée en 2005, la société avait fermé son unique usine située à Saint-Savin dans la Vienne, afin de délocaliser sa production en Tunisie, où les salaires des couturières sont cinq fois inférieurs à ceux pratiqués en France.

Un total de 244 sur les 272 employés par la marque avait alors perdu leur emploi dans cette opération.

Philippe Joffard, un grand entrepreneur

Ce rachat rappelle un autre opération récente qui avait fait couler beaucoup d’encre en novembre dernier et impliqué un autre groupe suisse, Maus Frère, qui, profitant de dissensions familiales, ont acquis la célèbre marque Lacoste.

Lafuma constitue donc la deuxième grande marque française à passer en quelques mois, sous le giron de nos voisins suisses.

Il reste cependant au moment de son départ, à saluer Philippe Joffard, un grand entrepreneur. Sous sa direction, Lafuma est passé de 16 à 225 millions d’euros de chiffre d’affaires. Partant d’un marché de niche, il est parvenu à élever Lafuma au rang de leader français de l’outdoor. Même si son départ apparaît précipité, chapeau !

Photo (DR)Philippe Joffard, depuis vingt-huit ans à la tête de Lafuma, démissionne.