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Le Barreau lyonnais atteint pour la première fois les 3 200 avocats,… qui «  se paupérisent »

Me Laurence Junod-Fanget prendra ses fonctions le 1er janvier prochain. Deuxième Bâtonnière de l’histoire du Barreau de Lyon, elle  sera à la tête d’une profession qui compte désormais 3 200 avocats. Pas de numerus clausus pour l’instant dans la profession, mais ça pourrait changer. D’autant qu’un nombre grandissant d’avocats ne gagnent plus correctement leur vie.

 Spécialiste du droit du travail, cette avocate qui affiche vingt-sept années d’activité, très impliquée dans les institutions de la profession, va notamment avoir pour tâche d’accompagner les travaux du futur siège du Barreau qui comportera une sorte de pépinière pour jeunes avocats. Entretien croisé, en présence des journalistes du Club de la Presse de Lyon, en compagnie de celui qu’elle s’apprête à remplacer : l’actuel bâtonnier, Pierre-Yves Joly.

« Oui, la profession se paupérise »

 «  La vie d’avocat, au démarrage de la vie professionnelle n’est pas facile. Un tiers des avocats du Barreau de Lyon, en général les plus jeunes, vivent avec un revenu inférieur ou égal à 25 000 euros net par an. Oui, on est bien obligé de constater que notre profession se paupérise.

 Rien ne vient réguler l’installation des jeunes avocats toujours en plus grand nombre, si l’on considère qu’à Lyon, 16 000 étudiants en droit sont inscrits en première année de fac ! Sur ces 16 000 étudiants, d’ailleurs, 40 % sont boursiers tout au long de leurs études.

 Ces difficultés d’installation se traduisent aussi par une moyenne annuelle de 70 à 80 cabinets en redressement judiciaire. Mais heureusement, grâce à un suivi des cabinets en difficulté et à la solidarité professionnelle, seuls, chaque année, entre cinq et huit cabinets sont mis en liquidation judiciaire, ce qui est très peu. »

 « Vers un numerus clausus dans la profession ?»

 « Dans la profession on trouve deux camps opposés : les uns pour un numerus clausus pour l’accès à la profession, d’autres farouchement contre.

 Pour l’instant, il n’existe pas. Mais cela pourrait changer. On s’achemine en effet vers un examen unique, unifié au niveau national, à partir de la rentrée 2017, ce qui pourrait progressivement amener la profession à mettre à terme, en œuvre un tel numerus clausus »

 « Une pépinière de jeunes avocats dans le futur siège du Barreau »

 » Nous avons racheté l’ancien immeuble des archives départemental, situé près du Palais de Justice. Il est actuellement démoli aux deux tiers, avant que les travaux ne s’enclenchent.

 Le futur siège du Barreau bénéficiera de 3 200 m2 sur six niveaux. Il accueillera également l’Ecole des Avocats actuellement dans le quartier du Tonkin à Villeurbanne, mais aussi une forme de pépinière pour jeunes avocats qui occupera 150 m2. L’idée est de mettre le pied à l’étrier de nos jeunes confrères et de les accompagner dans le montage de leur cabinet.

 Ce nouveau bâtiment représente un investissement de 10 millions d’euros que nous financeront en partie en revendant notre siège actuel.

 Nous espérons emménager dans nos nouveaux locaux au printemps 2018. »

 « L’état d’urgence rend les avocats schizophrènes »

 « L’état d’urgence mis en place par le Gouvernement depuis les attentats du 13 novembre rend les avocats schizophrènes. C’est l’archétype même de ce que, nous, avocats, ne voulons pas.

 Mais, face aux attentas massifs comme ceux que nous avons vécus, on sent bien aussi que la société a besoin d’être protégée. Si on prend du recul, on ne peut pas être contre.

 Si l’état d’urgence est un mal nécessaire, nous devons être hyper-vigilants pour voir comment les choses se passent.

 C’est la raison pour laquelle, nous avons créé avec un syndicat d’avocats, le SAF (Syndicat des Avocats de France), un Observatoire dédié à l’état d’urgence.

 Il faut, dès que se posera le moindre problème, que nous soyions prêts à intervenir. C’est une vigilance collective que nous devons avoir. Nous devons être des vigies. Pour l’instant, nous n’avons pas eu à intervenir, mais le problème se posera sans doute, à un moment ou un autre. »

 « La grande misère de la Justice »

 « La Justice est pauvre, la Justice est misérable. Si le TGI de Lyon était une entreprise, il serait déjà en liquidation judiciaire !

Le pouvoir politique ne met pas le paquet dans le Justice, comme il le devrait.

 Onze nouveaux postes de magistrats ont été créés, mais ils ne sont toujours pas pourvus !

 Résultats : huit mois d’attente à la Chambre de la Famille. Un propriétaire qui veut récupérer ses loyers impayés devra attendre le printemps 2017 pour voir son affaire jugée à Lyon !

 « Christiane Taubira a fait marche arrière »

 » Notre action, nos grèves contre les projets de la Garde des Sceaux concernant l’aide juridictionnelle ont fini par porter leurs fruits. Christiane Taubira a fait une marche arrière considérable. Il n’y aura pas d’impôts sur les Carpa (*), nos caisses de règlement pécuniaire ; tandis que les indemnité de valeurs des interventions des avocats vont être augmentées : elle sont en train d’être votées.

 Nous restons tout de même prudents : nous avons créé pour ce faire une cellule de vigilance… »

(*) La CARPA ou Caisse des règlements pécuniaires des avocats est un organisme intra professionnel de sécurisation des opérations de maniements de fonds réalisées par les avocats pour le compte de leurs clients. Ces caisses interviennent également dans la rémunération des avocats pour l’aide juridictionnelle et les autres aides à l’intervention de l’avocat. La Carpa Rhône-Alpes pesait 180 millions d’euros en 2014.