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Michel Troisgros : « ça va déménager ! »

L’emblématique chef trois étoiles ligérien va quitter son établissement historique du centre-ville pour s’installer à Ouches, dans un vaste parc de 17 hectares doté d’un étang, à quelques kilomètres de Roanne. Ouverture en mars. Confidences avant déménagement…

Michel, pourquoi quitter votre belle maison familiale où vous êtes né et avez grandi ?

 Parce c’est une façon de préparer l’avenir de mes enfants, César et Léo, dans un lieu qui offre de nouvelles perspectives de développement.

Aujourd’hui, ce développement est limité par la surface de notre établissement, par l’environnement urbain, par les normes de sécurité, par le bail aussi puisque nous ne sommes pas propriétaires.

Cela fait 86 ans que nous sommes locataires ! Devant toutes ces difficultés à s’épanouir ici, nous avons donc décidé de nous épanouir ailleurs tout en restant fidèles à nos racines roannaises.

 Avez-vous songé à vous implanter ailleurs, dans une grande métropole comme Lyon par exemple, à l’instar de Christophe Roure (Le Neuvième Art) ?

 Oui, on a effectivement envisagé, évalué cette possibilité. Mais la décision a été prise de conserver notre attachement à la région roannaise.

 Ce déménagement, c’est une nouvelle page de l’histoire de la maison Troisgros, un nouveau challenge, un pari ?

 Même si on va conserver les mêmes équipes, ce sera vraiment une nouvelle aventure collective dans un lieu de travail très différent qui va surprendre par sa conception architecturale, son hospitalité. Seule l’esprit de la cuisine ne sera pas bouleversé.

 Du moins dans un premier temps, car mon fils César prend peu à peu les rênes de la maison avec sa propre sensibilité culinaire. Notre richesse, ce sera l’environnement immédiat avec le maréchage, les vergers, qui auront inévitablement une influence sur la cuisine produite à Ouches. Ce ne sera pas forcément sensible à l’ouverture, plutôt au fil du temps.

 Donc oui, ce sera une grande aventure, un challenge car on va remettre en cause tout notre environnement professionnel, notre outil de travail.

 Ceux qui ont visité le chantier parlent d’une approche très avant-gardiste. Est-ce votre sentiment ?

 

La maquette de la future Mason Troisgros

 Je ne sais pas si on peut parler de concept avant-gardistes. Une chose est sûre, Patrick Bouchain, l’architecte a fait des choix de construction ou de réhabilitation audacieux.

 A côté de l’immense ferme et du manoir qui accueillera l’hôtel, il a imaginé pour le restaurant une construction contemporaine, comme une œuvre plastique au milieu du domaine.

 C’est effectivement un parti-pris architectural assez étonnant. Le reste est juste merveilleux, ni trop classique, ni avant-gardiste, d’une grande élégance. En fait, tout a été repensé, jusqu’au nom, jusqu’à la charte graphique. Tout est remis à plat.

 Mais c’est un immense plaisir de concevoir ainsi l’avenir avec nos enfants, nos équipes.

 La carte sera aussi remise à plat ?

 Oui et non. Non, car cela signifierait que l’on va changer de concept. Or, Troisgros n’est pas un concept. Troisgros est une évolution permanente qui s’appuie sur une histoire, un socle, une tradition.

 Ce changement va s’accélérer une fois que l’on aura déménagé à Ouches. Mais oui, dans la mesure où nous allons forcément exploiter toutes les richesses du lieu.

Dans cet esprit, nous allons créer un jardin paysager agricole. Les visiteurs pourront ainsi déambuler dans le potager et le verger, regarder pousser topinambour, pomme de terre, kakis et prunes avant de les déguster dans l’assiette.

 La politique tarifaire va-t-elle évoluer ?

 Non, tout va changer sauf les prix ! Il y aura toujours les formules pour ceux qui veulent faire la fête, ceux qui recherchent des accords mets-vins, le menu pour les jeunes à 95 euros…

 Et pour les chambres ?

 Idem. Il faudra compter comme aujourd’hui entre 300 et 550 euros avec le petit déjeuner. L’hôtel sera très beau de simplicité et d’élégance, très épuré.

 On parle d’un budget global de près de 10 millions d’euros…

 Ce sera entre 8 et 9 millions d’euros. On va essayer de s’y tenir malgré les finitions, quelques imprévus. C’est une bataille de tous les jours, même si on ne se fait pas trop d’illusion !

 Vous êtes dans les délais ?

 Oui. L’ouverture est toujours prévue en mars 2017. On va fermer l’établissement de Roanne le 1er janvier 2017.

 Toutes les équipes, soit une cinquantaine de personnes, seront ensuite sur le pont durant cinq semaines pour l’aménagement du restaurant, de l’hôtel, le transfert de l’ensemble du matériel et surtout de la cave, bouteille par bouteille.

 Au total, nous allons déplacer 35 000 bouteilles, pièce par pièce. Une tâche délicate que l’on ne confiera à personne. Je le répète, on va vivre une incroyable aventure collective, merveilleuse, très intense. Une aventure que j’aborde avec de l’excitation et une certaine appréhension. J’ai à la fois hâte et peur d’y être.

Je crois que César est dans le même état d’esprit. Il faut dire que la pression monte depuis plus de deux ans.

 On touche maintenant au but…

 Propos recueillis par Pascal Auclair