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« Nous savons vendre nos produits, mais pas nos savoir-faire à l’export » 

Délégué interrégional-est de l’OSCI, patron de Datem, une société privée d’accompagnement des entreprises à l’international, Guy Romain représente la face cachée de l’export. Celle des sociétés privées qui au côté des grandes institutions régionales (CCIR ou Erai) ou nationales (UbiFrance) jouent un rôle non négligeable à l’international. Leur témoignage est important car ce sont des professionnels de terrain qui n’ont d’autres choix que d’être efficaces pour leurs PME clientes. D’où un regard lucide et parfois critique sur les politiques menées pour accompagner les entreprises à l’esport. Le solde négatif de nos échanges internationaux égrené chaque mois ne leur donne pas tout à fait tort.

Vous êtes délégué interrégional-est de l’OSCI, l’association regroupant les Opérateurs Spécialisés du Commerce International. Que représentez-vous ?

Guy Romain-Notre association, les Opérateurs Spécialisés du Commerce International (OSCI) regroupe actuellement cent trente sociétés privées œuvrant en France dont une vingtaine en Rhône-Alpes, mais aussi une quinzaine à l’étranger, dans l’accompagnement des entreprises à l’export. Pour ma part je représente ces entreprises privées dans les régions Rhône-Alpes-Auvergne, Bourgogne et Franche-Comté.

Nous proposons aux PME essentiellement deux types de services. D’abord comme accompagnateur classique à l’international : la PME me délégue ses services, j’agis pour son compte pour vendre ses produits ou ses services dans un pays donné.

Le deuxième type de sociétés privées sont ce qu’on appelle les SCI : les Sociétés de Commerce International. Ce sont des entreprises qui mettent au point les stratégies de développement à l’export, qui montent des projets, réalisent des études de marché, recherchent des partenaires financiers, etc.

Comment expliquez-vous les difficultés de notre pays à l’international ?

L’un de nos problémes majeurs est la Recherche&Développement qui n’est pas assez tournée vers le marché. C’est vrai que les pôles de compétitivité rhônalpins ont en 2012 récupéré 47 % des fonds du FUI, le Fonds Unique Interministériel, pour développer les programmes de recherche, mais si ceux-ci ne débouchent pas sur des produits et donc sur des emplois, cet argent est pour une part stérile.

La question qui se pose est de savoir comment transformer ces pôles de compétitivité, ces clusters, en véritables outils de développement commercial. Ils ont le mérite d’exister, ils fonctionnent bien, mais le volet commercial leur manque désormais cruellement.

L’OSCI fait désormais partie de l’Equipe Rhône-Alpes à l’export, aux côtés d’Erai et des CCI. Comment cela se passe-t-il ?

Nos instances nationales avaient d’abord refusé d’entrer dans cette équipe Rhône-Alpes à l’export. La raison résidait dans le fait que l’on nous imposait des procédures pour faire la promotion des programmes régionaux « Idéclic » ou « Go-export » qui devaient être obligatoirement accompagnés de formations pour les chefs d’entreprises qui voulaient se lancer dans l’export. Sinon, pas de subvention. Or, vous savez aussi bien que moi que les chefs d’entreprise qui ont le nez dans le guidon n’ont pas de temps à perdre avec de telles formations, non indispensables.

Nous avons dans un premier temps reçu une fin de non recevoir à notre demande de suppression de cette obligation. Puis nous avons adhéré à la charte régionale en 2012 avec la promesse que cette problématique serait modifiée dans l’année.

Vous êtes donc, vous, sociétés privées, depuis peu aux côtés des organismes publics , territoriaux ou consulaires à l’international. Avec quelle retour d’expérience ?

Nous avons effectivement préféré participer à l’intérieur de l’Equipe Rhône-Alpes à l’export pour voir ce qui se passait. La première retombée à été de permettre à des structures comme Erai de découvrir ce que font les privés. Il faut savoir que cette structure émanant du Conseil régional a refait dans certains pays, les mêmes choses que nous, nous réalisions depuis longtemps et ce, sans aides publiques, alors que nous, nous gagnons notre vie en vendant des honoraires et du temps passé.

Nous avons également constaté que le Medef nous écoutait avec beaucoup d’intérêt. Notre présence au sein de cette équipe est donc positive.

Que pensez-vous du PRIE (Plan Régional pour l’Internationalisation des Entreprises), le premier du genre, qui vient d’être lancé dans la région Rhône-Alpes ?

Il est bien structuré, c’est sûr, mais il subsiste encore des lacunes. Quelle sera sa gouvernance, quel va être le rôle réel de chacun dans les missions ? On n’en sait rien à ce jour. Il est sûr que l’on va donner un pouvoir immense à la Région, mais sans dire précisément comment ça fonctionnera.

Que pensez-vous des objectifs fixés par ce PRIE en matière de développement de la région Rhône-Alpes à l’international ?

Actuellement, Rhône-Alpes exporte 26 % de son PIB (Produit Intérieur Brut) à l’international. L’objectif du PRIE est de porter ce pourcentage à 30 % d’ici cinq ans. Je suis un peu sceptique. On aura gagné sans doute en masse, mais l’important n’est pas là, si l’on sait que d’autres régions françaises, comme l’Alsace ou les deux Normandies, réalisent 35, voire 40 % de leur PIB à l’international. La Région Rhône-Alpes a aussi la capacité d’atteindre de tels niveaux.

Si ce PRIE ne s’affiche pas comme une vraie force collective animée de mesures, elles aussi collectives, nous aurons perdu trois ans.

Nous avons la chance en Rhône-Alpes d’avoir une région riche en centres de recherche, en industries, mais le taux de tansformation à l’export n’est pas très bon. Comment l’augmenter ?

Justement, que faire pour améliorer notre système d’appui à l’international ?

Il existe une chose que ce PRIE ne prend pas suffisamment en compte : l’innovation à l’international. A côté des produits, on peut vendre aussi notre savoir-faire, des brevets, des technologies. Pourquoi ne pas les proposer sous conditions, bien sûr. Il faut savoir que les transferts de technologies rapportent entre six et sept fois plus que la vente d’un produit !

Nous avons une recherche très importante en Rhône-Alpes, mais elle est à cet égard insuffisamment exploitée.

Or, j’ai un énorme doute sur la capacité des organismes publics à vendre ces savoir-faire à l’export. Nous pouvons, nous privés, les aider si l’on se fixe un objectif de cet ordre.

Photo (DR)-Guy Romain, délégué interrégional-est de l’OSCI (les Opérateurs Spécialisés du Commerce International) et patron de la société Datem à Aix-les-Bains.