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Opération séduction réussie d’Emmanuel Macron en direction des experts-comptables

Le ministre de l’Economie, Emmanuel Macron a clôturé par un discours de 45 minutes le congrès des experts-comptables qui se déroulait à Lyon. Il leur a demandé d’être les ambassadeurs des réformes économiques du gouvernement. Un message plutôt bien reçu, même si le scepticisme reste grand.

D’abord déminer. Incontestablement, le nouveau ministre de l’Economie est plutôt brillant-il a quasiment déroulé son discours sans note- et habile. Devant 3 500 experts-comptables réunis en congrès, il a, jeudi 9 octobre, d’abord voulu tordre le cou à la rumeur insistante qui veut que le CICE soit synonyme de contrôle fiscal.

Il se rend bien compte, ce que confirment les experts-comptables, que cette crainte freine bon nombre de PME de recourir au CICE.

Il a donc demandé aux experts-comptables présents, de se faire les ambassadeurs des réformes économiques du gouvernement.

« Oser agir, conquérir »

Reprenant habilement à son compte le thème du congrès, il reconnaît : « Nous traversons une crise historique. Nous n’avons pas d’autre choix que d’oser, agir, conquérir. »

Développant longuement ce thème du CICE, il explique : « Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’il doit nécessairement créer des embauches. S’il est utilisé pour générer de la trésorerie, pour aider les entreprises à résister, tant mieux. Mais s’il est utilisé pour augmenter les salaires ou les dividendes, ce n’est pas une bonne chose. Si nous continuons à défendre ceux qui ont un emploi ce n’est pas comme cela que nous avancerons, ce n’est pas l’esprit du CICE ». Une séquence qui suscite des applaudissements nourris dans la salle.

Demandant aux experts-comptables présents de s’adresser même directement à son ministère en cas de blocage, il poursuit : « Nous devrons aider ceux qui veulent travailler, ceux qui veulent produire, ceux qui veulent innover. Ce qui convient à demander à des secteurs qui sont plus protégés de la concurrence internationale de faire certains efforts, se moderniser, innover, baisser leur prix là où c’est possible et aller se battre dans la mondialisation. Il s’agit de fournir un cadre et des incitations pour encourager les gains de productivité, recréer des libertés. »

Et d’annoncer une prochaine initiative d’ici la fin de l’année : «  Ce sera le sens de la loi que je dois porter, cette Loi pour l’Activité que je présenterai dans les prochains mois ». 

Mais, pour le ministre de l’Economie, une loi ne suffira pas pour changer l’économie française. C’est un esprit qu’il dit vouloir porter, « esprit qui ne s’incarnera que si ce texte a des ambassadeurs ». Il exhorte donc les experts-comptables d’être « les artisans de la transparence et de la pédagogie », eux qui ont « su réformer » leur profession réglementée. 

Ce langage porté par un discours au débit de mitraillette séduit plutôt les experts-comptables présents dont bon nombre se lèvent pour une standing-ovation.

Le scepticisme reste grand

Reste que si le ton et la fraicheur du discours ont séduit, le scepticisme reste fort, tant la réalité sur le terrain dans lequel évolue les experts-comptables reste en contradiction avec ces belles paroles.

Un exemple : d’ici quelques semaines, ces professionnels des chiffres devront expliquer à leurs clients comment mettre en œuvre le compte pénibilité qui constitue un carcan supplémentaire pour les entreprises, du moins, tel qu’il doit être appliqué.

Reste aussi que les experts-comptables présents à ce congrès avaient tout lieu d’être satisfaits de la visite du ministre.

Ils ont été désignés comme les bons élèves des professions libérales, eux qui ont su s’adapter à la concurrence, puisque aucun numerus clausus ne réglemente la profession : tout un chacun à condition d’être muni des diplômes professionnels peut s’installer comme expert-comptable sur n’importe quel territoire. Ils ont également su ouvrir leur capital.

Cette modernisation de la profession est dotée de contreparties . Les experts-comptables vont pouvoir élargir le spectre de leurs activités et développer de nouvelles missions en matière sociale, au-delà de la gestion de la feuille de paie que beaucoup de cabinets pratiquent déjà.

« Full service »

C’est la notion de « Full service » qui permet à l’expert-comptable de s’occuper de l’ensemble de la gestion sociale d’une entreprise : de la relance en direction des mauvais payeurs, à l’organisation des élections pour le comité d’entreprise, en passant même par la gestion du standard téléphonique, si nécessaire !

Pour ce faire, comme pour les avocats avec la « Carpa » les experts-comptables vont bénéficier d’un fonds de règlement : le décret est en cours de signature et sa parution est prévue d’ici la fin de l’année, assura Emmanuel Macron.

Ce décret leur permettra de manier des fonds pour le compte de leurs clients.

Grâce à la loi sur la dépendance qui va accentuer le contrôle les comptes des tutelles des personnes vulnérables ou très âgées, les experts-comptables vont également voir un nouveau et vaste champ d’activité s’ouvrir à eux.

Bref, le message subliminal lancé à cette occasion par le ministre en direction des autres professions réglementées que son ministère entend décorseter, telles que les notaires ou les huissiers, voire les pharmaciens : si votre profession s’assouplit, il y aura des contreparties.

Reste à savoir si ce qui est vrai pour les experts-comptables, le sera aussi pour les autres professions sous tutelle de l’Etat…