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Philippe Bernand : « Notre objectif est de développer à Lyon-Saint Exupéry les ressources issues des commerces et de l’immobilier d’entreprise »

A l’heure où la privatisation de l’aéroport de Lyon-Saint Exupéry se profile, comment évolue son modèle économique ? La priorité pour Philippe Bernard, président du directoire d’Aéroports de Lyon, est de proposer aux compagnies aériennes des redevances qui restent compétitives par rapport aux autres aéroports. D’où sa volonté de développer les ressources extra-aéronautiques : provenant des commerces dont la superficie va doubler et l’immobilier d’entreprise, prometteur… Interview.

Comment se situe l’Aéroport de Lyon-Saint Exupéry en termes de taxes d’aéroport par rapport à ses concurrents ?

Il faut distinguer deux choses. Pour les compagnies traditionnelles nous sommes dans la moyenne haute. Pour le low cost, en revanche, nous sommes particulièrement compétitifs, nous sommes même en position de leader. Il faut savoir qu’entre un traitement classique et un traitement low cost, il existe près de 40 % de différence.

Nous réalisons régulièrement des études de benchmarking : il faut bien comprendre que les redevances constituent un élément important de la compétitivité des compagnies aériennes. C’est donc très important pour le développement de l’aéroport.

Quel pourcentage du chiffre d’affaires de l’aéroport représentent ces redevances ?

Elles pèsent 23 % du chiffre d’affaires, soit 35 millions d’euros. Il faut bien comprendre ce dont il s’agit. Ces redevances sont liée à la mission de sûreté, d’inspection et de filtrage que l’Etat a délégué à l’aéroport. Ce sont des dépenses contraintes que nous récupérons sous forme de taxes d’aéroport.

Mais il existe aussi d’autres taxes perçues par l’aéroport..?

Oui, le chiffre d’affaires dit aéronautique est plus important encore : il représente 35 % du chiffre d’affaire , soit 56 millions d’euros. Il s’agit là des taxes d’atterrissage, des taxes concernant les passagers.

Les redevances et taxes aéronautiques représentent donc 58 % du budget de l’aéroport. Elles sont contraintes. Cela signifie que c’est surtout sur les 42 % restants que vous avez le plus de faculté à agir, non ?

Les recettes extra-aéronautiques représentent effectivement 42 % de notre budget, soit 67 millions d’euros.

Celles-ci sont de trois ordres : les parkings qui représentent près de la moitié de cette somme, les commerces et l’immobilier qui sont à part à peu près égales et que nous sommes en train de développer. Je vous confirme que nous sommes très motivés pour développer ces taxes non aéronautiques.

Ces perspectives de développement concernent-elles les parkings ?

Non, je pense que les ressources provenant des parking sont arrivées à maturité. Nous avons désormais près de 14 000 places de parking à l’aéroport et je pense qu’elles ne sont pas destinées à se développer de manière très importante à l’avenir. Ce que nous voulons faire désormais, c’est améliorer le service : faitre en sorte que le passager puisse réserver sa place, que les tarifs soient adaptés, bref nous voulons coller encore plus à la demande.

Il est vrai aussi à cet égard que vous êtes concurrencé par les nombreux parkings privés qui ont poussé dans tout l’Est lyonnais..?

Ils constituent effectivement une vraie concurrence, même si la qualité de service n’est pas toujours à la hauteur de celle de l’aéroport où nos parkings sont surveillés et où il existe en permanence des patrouilles. Il n’y a pas de mauvaises surprises, ce qui n’est pas pas toujours le cas dans les parkings privés que vous évoquez.

Vous avez donc beaucoup d’ambitions dans l’une des deux autres ressources extra-aéronautiques : les commerces ?

Absolument. Les commerces se sont développés au fur et à mesure de la croissance de l’aéroport, sans véritable plan d’ensemble. Ils représentent désormais près de 2 500 m2.

Avec les très importants travaux que nous avons engagés pour développer le Terminal 1, ce chiffre va doubler : nous allons passer à près de 5 000 m2 de commerces qui seront installés sur les flux du trafic international Schengen et non Schengen, à l’horizon 2017.

Ces ressources issues des commerces vont-elles doubler à cette occasion ?

Malheureusement non, mais après une montée en charge, elles devraient constituer une hausse de près de 20 % d’ici 2020, ce qui est déjà appréciable.

Le dernier levier sur lequel vous entendez agir est celui de l’immobilier d’entreprise…

Oui, nous sommes engagés dans un programme immobilier d’entreprise, dit de diversification. Il concerne le programme « Airparc » qui propose des bureaux aux entreprises désireuses d’être présentes sur un site multimodal. C’est la cas, par exemple de Gérard Perrier SA qui va installer son siège social sur ce site. Car rappelons-le, l’aéroport Saint Exupéry, c’est bien sûr l’avion, mais c’est le TGV, c’est aussi la navette Rhônexpress vers Lyon, c’est encore un réseau d’autobus, des taxis.

Cela se sait peu, mais pour augmenter l’attrait de l’aéroport pour les entreprises, nous avons développé en partenariat avec les opérateurs téléphoniques un important réseau de fibre optique à très haut débit. Désormais, l’ensemble de l’aéroport est irrigué en très haut débit.

L’aéroport de Lyon-Saint-Exupéry est réputé pour être un des aéroports européens dotés des plus importantes réserves foncières. Une fois cette opération AirParc terminée, y-aura-t-il d’autres projets immobiliers ?

L’opération AirParc prévoit six ou sept immeubles. Le deuxième est en cours de construction. Cela nous laisse de la marge. Nous aurons en sus une possibilité d’extension de six hectares qui pourraient nous permettre de construire deux à trois autres immeubles de bureaux supplémentaires.

Mais il est vrai que dans un deuxième temps, des projets à plus long terme concernent l’ouest de l’aéroport. Des espaces ont déjà été identifiés pour une poursuite du développement immobilier, mais sur près de 900 hectares…

Economiquement, donc, l’aéroport se porte bien ?

Cela se sait peu dans le grand public, mais l’aéroport ne dépend pas de subventions. Nous n’en touchons aucune : il se développe avec ses propres ressources. Nous assurons notre propre autofinancement.

Pour procéder aux importants investissements en cours, nous nous appuyons sur notre cash et sur des emprunts rendus possible par le désendettement que nous avons opéré ces dernières années. Nous avons affiché en 2014 un résultat net avant impôt de 10 millions d’euros, ce qui signifie que nous avons payé 5 millions d’euros d’impôts.

Ce mode de gestion autonome par autofinancement ne se retrouve pas dans tous les aéroports de Rhône-Alpes.

Ce n’est pas, par exemple, le cas de celui de Grenoble Saint-Geoirs en Isère et de celui d’Andrézieux-Bouthéon dans la Loire qui bénéficient, eux, d’importantes subventions et nous font, de ce fait, directement concurrence.