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Pierre Millet, repreneur de Fagor-Brandt : «Notre rythme de production de camions électriques s’accélère »

Il s’agit sans doute d’une des plus importantes reconversions d’usine en France. Les ouvriers de l’usine Fagor-Brandt de lave-linge du quartier de Gerland à Lyon basculent progressivement vers la fabrication de véhicules électriques à deux ou quatre roues. Pierre Millet, un entrepreneur isérois, le repreneur du site est confiant. Il estime respecter son plan de marche. La réussite de ce pari étonnant pourrait bien être au rendez-vous. Interview.

Vous avez inauguré votre ligne de fabrication de camions électriques SITL, le 5 septembre dernier, au sein de l’ancienne usine Fagor-Brandt. Où en est la gestation, neuf mois après ?

Pierre Millet-Peu après le lancement de cette ligne, nous avons participé au Mondial de l’automobile à Paris. Nous y avons reçu un excellent accueil, d’autant que nous étions pratiquement le seul constructeur de poids-lourds électriques à être présents au milieu des voitures ! Nous n’avons pas signé de commandes fermes. Comme nous sommes une marque récente, nos clients veulent tester nos camions pendant plusieurs jours avant de signer. Mais nous avons eu d’excellents contacts dont certains se sont depuis concrétisés. Nous commençons à vendre nos véhicules depuis novembre, avec une accélération graduelle depuis le début de l’année.

Quel est actuellement le rythme de fabrication de la chaîne ?

Elle est capable de produire de vingt à vingt-cinq véhicules par jour, en deux équipes .Ce sera son rythme en 2016. Mais nous n’en sommes bien sûr pas encore là. Nous sommes en phase avec notre plan de marche, soit une dizaine véhicules par mois, actuellement. Nous en sommes à notre quarante-neuvième véhicule produit. Nous accélérons progressivement la cadence.

N’est-ce pas trop lent comme plan de marche face à vos besoins de trésorerie ?

Non, car dans l’accord de reconversion que nous avons signé avec Fagor-Brandt, l’ancien propriétaire des lieux, nous disposons d’un laps de temps suffisant, jusqu’en 2015 pour assurer le passage définitif des lave-linge qui sont toujours fabriqués sur le site, mais en moindre quantité, vers les véhicules électriques à quatre ou deux roues.

Actuellement un tiers des 430 salariés de l’usine Fagor-Brandt travaille sur les nouvelles chaînes : pour les filtres à haute performance pour le traitement des eaux que nous fabriquons aussi sur une autre chaîne et pour les camions électriques.

Mais j’ai bien conscience que le plus dur reste à faire.

Qui sont les clients de vos camions électriques, des collectivités ou des entreprises privées ?

De très loin pour l’instant, des entreprises privées. Ce sont nos principaux clients. Ils recherchent des véhicules de livraison pour le dernier kilomètre. Nous venons par exemple de livrer des véhicules à « Normandie Course », une société située près de Rouen. Nous en avons vendu un autre à un traiteur pour des livraisons, etc.

La première collectivité à nous acheter des camions a été le Grand Lyon qui vient de prendre livraison de deux véhicules, l’un sera utilisé dans la partie dédiée aux modes doux du tunnel de la Croix Rousse, l’autre pour assurer la maintenance des Velo’v. Nous avons en outre répondu à l’appel d’offres de l’Ugap, la structure de commandes publiques de l’Etat. Mais on sait bien que ce processus prend du temps.

Vous aviez prévu de fabriquer également une gamme de poids-lourds hybrides. Où en est ce projet ?

Il est prêt. Nous avons déjà fabriqué les prototypes. Nous allons les commercialiser d’ici la fin juillet. Ils sont équipés de moteurs hybrides essence de Honda. Nous réalisons tout le reste. Ils seront vendus à un prix proche des véhicules tout électriques : de 500 à 1 000 euros de plus, seulement.

On se rend compte qu’hormis Renault avec la Zoë, les constructeurs indépendants de voitures électriques souffrent. Pourquoi n’en serait-il pas de même avec les poids-lourds électriques ?

Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, il y a une poussée générale de l’Europe aux Etats-Unis, en passant par la Chine pour les véhicules électriques.

Le mouvement est irréversible et de surcroît le marché du poids-lourd de livraison va être puissamment aidé par les législations qui, comme en Italie, vont peu à peu interdire les centres-villes aux camions à moteurs thermiques.

Enfin, les professionnels sont en train de se rendre compte qu’un camion électrique ne revient pas plus cher qu’un véhicule thermique. Désormais avec la prime de l’Etat, les prix sont proches et avec un coût de transport de un euro pour cent kilomètres, ils font vite le calcul.

Vous avez également prévu de construire au sein de l’usine des vélos et des scooters électriques. Où en êtes-vous ?

Ils seront commercialisés à la rentrée. Nous achetons les pièces à des sous-traitants : toute la gestion de l’électricité provient de nos ateliers. Nous sommes en train de finaliser notre site Web : une partie de ces deux roues sera vendue sur la Toile.

Le dernier volet de votre projet est de construire une voiture citadine électrique. Où en est-il ? N’est-ce pas risqué, vu la faiblesse du marché ?

La voiture est toujours dans les cartons, il n’y a pas d’urgence.

Pourquoi les voitures électriques se vendent en général plutôt mal ? Parce qu’à mon avis, il s’agit de véhicules de bureaux d’études, ils ne sont pas faits pour répondre aux véritables besoins des clients.

Celle que nous allons fabriquer devra répondre à ces besoins précis. Celle que j’ai en tête n’existe pas encore. Lorsque nous la mettrons sur le marché, nous escomptons en produire près de deux mille chaque année.