Toute l’actualité Lyon Entreprises

La réforme du Règlement n° 4064/89 du 21/12/1989 est enfin publiée au Journal officiel de l’Union européenne1. La Commission européenne, après avoir été favorable au maintien du test de la position dominante, a subi les critiques d’une partie de la doctrine qui a proposé d’adopter le test concurrentiel américain SLC2. Finalement, le Règlement CE n° 139/2004 retient les deux tests en utilisant une rédaction proche de la législation française.

La réforme va permettre à la Commission européenne de rechercher des effets unilatéraux. En effet, il est précisé qu’une concentration doit être interdite si elle entrave d’une manière significative une concurrence effective3 Le critère englobe donc tous les effets anticoncurrentiels sur les marchés oligopolistiques où l’entreprise issue de la concentration ne serait pas dominante au sens strict du terme.

Incontestablement, dans certaines situations d’oligopole, le risque essentiel de restriction de la concurrence réside dans la faculté des entreprises parties à la concentration d’augmenter leur prix sans avoir à tenir compte des autres opérateurs ou de la clientèle. Par exemple, une entreprise partie à une concentration peut augmenter ses prix sans subir pour autant une perte consécutive de clientèle car celle-ci se reporte sur les produits fabriqués par l’autre entreprise partie à la concentration. Dans cette hypothèse, l’opération crée effectivement un effet contraire au maintien de la concurrence4 Toute la difficulté dans l’application de la théorie des effets unilatéraux réside dans la juste appréciation des mécanismes de report de la demande susceptible d’intervenir entre les deux parties à une concentration. En outre, les effets unilatéraux peuvent exister lorsque l’entreprise parvient à faire augmenter le niveau des prix, en réduisant unilatéralement le volume de sa production. Dans cette hypothèse, les concurrents ne sont pas capables d’augmenter leurs capacités de production pour absorber la demande. Ainsi, l’entreprise peut augmenter les prix et, ses concurrents étant limités en capacité, la fuite de la demande est également restreinte.

Désormais, la Commission européenne va donc devoir apprécier les effets unilatéraux des concentrations. Elle pourra se fonder sur les décisions rendues en France en matière de concentrations5. La communication sur les concentrations horizontales semble bien confirmer notre argumentation. En effet, celle-ci précise qu’une concentration peut porter atteinte à la concurrence, soit parce qu’elle entraîne l’éviction d’un concurrent du marché, supprimant ainsi une contrainte importante sur le plan de la concurrence, soit parce qu’elle rend plus probable la coordination entre entreprises restant sur le marché. Enfin, la Communication consacre la faculté, pour la Commission de prendre en compte les gains d’efficacité6. Elle dispose que la Commission, dans son appréciation globale d’une concentration, analyse toute justification motivée des gains d’efficacité avancés. Elle ajoute que la Commission peut décider que l’opération n’entrave pas la concurrence en raison des gains d’efficacité.

——————————————————————————–

1.Règlement CE n° 139/2004 du 20/01/2004, JOUE n° L 24, 29/01/2004, p. 1 et s. Voir aussi, communiqué de presse n° IP/07/70, 20/01/2004. Ce dernier entrera en application le 01/05/2004.

2.Substantial Lessening of competition. Traduction de l’auteur : réduction substantielle de la concurrence.

3.Considérant 25 et article 2 § 3 du Règlement CE n° 139/2004 du 20/01/2004, JOUE n° L 24, 29/01/2004, p. 4 et 7.

4.Voir, J.-C. Bermond, « Test de dominance et effets unilatéraux », RD aff. int. 1/2004, p. 82.

5.Voir les Lettres du Ministre de l’Economie et des Finances, du 29/08/2002, Mr. Bricolage/ tabur SA, du 31/12/2002, Socpresse/ Groupe Express-Expansion, du 11/04/2003, ATAC SAS/ Pascal SAS et du 29/04/2003, France Antilles/ Comareg.

6.Cette faculté est prévue par l’article 2-1b du Règlement CE n° 139/2004 : dans l’appréciation des concentrations, « la Commission tient compte (…) de l’évolution du progrès technique et économique pour autant que celle-ci soit à l’avantage des consommateurs et ne constitue pas un obstacle à la concurrence ». Néanmoins, la précision de la Communication est essentielle car une partie de la doctrine doutait de la prise en considération des gains d’efficacité en droit communautaire de la concurrence.