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Le projet de loi de sauvegarde des entreprises portant réforme des procédures collectives actuellement soumis au Parlement prévoit un certain nombre de modifications essentielles de la loi, dont certaines des plus remarquables concernent le règlement amiable des difficultés des entreprises.

La procédure de règlement amiable, telle qu’elle existe en sa forme actuelle ( articles L. 611-3 à L. 611-6 du Code de commerce ), peut être ouverte par le juge à la demande du représentant d’une entreprise artisanale ou commerciale qui, sans être en état de cessation des paiements, éprouve une difficulté juridique, économique ou financière ou des besoins ne pouvant pas être couverts par un financement adapté aux possibilités de l’entreprise (seules sont exclues du bénéfice de cette procédure les entreprises individuelles civiles ).

S’il est fait droit à la demande, le juge désignera un conciliateur, dont la mission consistera à favoriser le fonctionnement de l’entreprise et à rechercher la conclusion d’un accord avec tous ou certains des créanciers. Le juge peut ordonner, à la demande du conciliateur, une suspension provisoire des poursuites, s’il estime que celle-ci serait de nature à favoriser la conclusion de l’accord. L’accord conclu suspend pendant la durée de son exécution toute poursuite sur les biens du débiteur relative au paiement des créances qui en font l’objet, le tribunal pouvant en outre accorder des délais de paiement pour les créances non incluses dans l’accord, ceux-ci s’imposant même à l’Administration fiscale ou aux salariés. La procédure présente un caractère facultatif, contractuel, amiable et confidentiel, chacune des parties appelées à la conciliation étant tenue au secret, sous peine de sanctions pénales.

Pourtant, malgré les avantages évidents de souplesse et de confidentialité de la procédure, auxquels il faut ajouter la précision du support juridique offert par l’institutionnalisation de la conciliation, le règlement amiable ne connaît pas un grand succès en pratique, du fait de plusieurs lacunes de la loi que le projet de réforme se propose de combler. Ces principales causes d’insuccès sont les suivantes :

– Le tribunal éventuellement saisi l’est souvent tardivement : le débiteur ayant refusé de prendre conscience de ses difficultés, il se trouve déjà en état de cessation des paiements. Le projet de réforme prévoit à ce sujet de substituer à la procédure existante une procédure de « redressement amiable », également ouverte aux entreprises se trouvant depuis moins d’un mois en état de cessation des paiements, l’accord conclu y mettant fin ( la date de la cessation des paiements ne pourrait corrélativement plus être reportée par les tribunaux avant la date de la conclusion d’un accord amiable, sauf fraude avérée ). Il est permis de douter de la pertinence du choix proposé : le délai relativement court courant à partir de la cessation des paiements ne permettra pas toujours d’éviter les saisines tardives et le système peut créer un risque d’utilisation délibérée du redressement amiable pour éviter les conséquences de l’ouverture d’une procédure judiciaire et pouvoir dans le temps gagné organiser son insolvabilité ou avantager un créancier ;

– La demande d’ouverture d’une procédure amiable appartient au seul débiteur. L’irrecevabilité de la requête des créanciers constitue peut être l’obstacle principal au succès du règlement amiable. Le droit anglo-américain des faillites prévoit la possibilité pour les créanciers importants de demander l’ouverture d’une procédure amiable. Les propositions du MEDEF sur ce point prévoyaient cette possibilité pour des créanciers représentant au moins 15% des créances ( V. « Pour une réforme du droit des entreprises en difficulté », www.medef.fr ) . Le projet de loi ne retient pas cette possibilité, alors qu’elle existe en droit français dans le cadre des procédures collectives agricoles. En outre, la saisine du ministère public ou des salariés sont également irrecevables, alors que la réforme entend associer les salariés à la préparation du redressement ;

– Les créanciers sont souvent réticents à s’engager dans un procédure qui ne leur fera bénéficier d’aucun traitement de faveur en cas de dépôt de bilan du débiteur. Le projet de loi prévoit ici d’accorder un véritable privilège de paiement aux créanciers parties à un accord amiable dans le cas de l’ouverture ultérieure d’une procédure de redressement judiciaire. Ce privilège est néanmoins relatif, dans la mesure où la place réservée en cas de liquidation ou le caractère aléatoire de l’existence d’un plan de continuation sont à rappeler ;

– Enfin, le conciliateur, élément central de la procédure, ne dispose pas d’un pouvoir propre d’investigation, ni même d’assistance ou de représentation du débiteur. Il tient les informations dont il dispose du juge. Le projet de loi vise à renforcer le rôle du conciliateur en lui confiant une mission de surveillance à l’égard du débiteur. Sans renforcement de ses pouvoirs d’investigation, on peut douter de la possibilité pour le conciliateur d’exercer un tel pouvoir, qui en revanche pourrait constituer une source d’engagement de sa responsabilité.

La réforme du règlement amiable des difficultés des entreprises, visant à promouvoir celui-ci, n’est ainsi pas exempte de lacunes ni de contradictions, d’autant qu’elle prévoit la suppression de la suspension provisoire des poursuites, seule mesure dans le système actuel à permettre de manière effective la promotion du règlement amiable.