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Il est un des rares fabricants de semi-conducteurs en France : guerre au sommet chez le Grenoblois Soitec…

Le groupe d’électronique Soitec qui pèse 1 600 salariés et plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires est un des rares spécialistes en France des semi-conducteurs innovants. Un marché, actuellement en tension car manquant cruellement de produits à vendre notamment en direction des constructeurs automobiles, ce qui fait les choux gras de l’entreprise grenobloise.

Alors que tous les chiffres de l’entreprise sont au vert, brutalement, l’action Soitec a décroché de plus de 18 % le vendredi 21 janvier, puis à nouveau de 8 % le lundi 24 janvier.

Inexplicable ? Non, car ce plongeon boursier illustre une étonnante et inattendue crise de gouvernance au sein du fleuron isérois. Une crise qui inquiète fortement les analystes, d’où la chute libre en Bourse.

Tout démarre avec la désignation, apparemment normale, par le conseil d’administration de l’entreprise de Pierre Barnabé, 51 ans, l’actuel patron de la branche “big data” et cybersécurité du groupe Atos, comme directeur général de Soitec.

Tout en serait resté là, sans la vivre réaction du comité de direction de Soitec à cette nomination.

Les termes ne sont pas feutrés, c’est le moins que l’on puisse dire : dans ce courrier dont le journal Les Echos a eu la copie, “le comité de direction de Soitec déplore la prise de contrôle de Soitec par le président du conseil d’administration depuis trois ans qui culmine aujourd’hui avec la nomination incompréhensible d’un nouveau directeur général…”

Plus loin encore, ledit comité de direction ajoute qu’il “est incompréhensible que la succession ait été organisée dans une telle précipitation et dans une opacité totale, sans associer le directeur général au processus de recrutement et sans considération sérieuse des candidats internes…”

Fermez le ban !

Un patron emblématique

Il faut dire qu’actuellement Soitec a à sa tête un patron emblématique, Paul Boudre, 63 ans, un patron baroudeur qui a mené l’entreprise vers les sommets où elle culmine actuellement, mais jugé trop proche de la limite d’âge.

Or, Paul Boudre qui pouvait prendre en juillet prochain ses droits à la retraite aurait pu rester dix-huit mois de plus à la tête de l’entreprise et aurait préparé même un plan de succession.

C’est aussi l’homme qui est à l’origine du plan stratégique qui vise à permettre à Soitec de doubler de taille d’ici à 2026 et donc de dépasser le milliard d’euros de chiffre d’affaires.

Bref, on se retrouve là devant une guerre ouverte entre deux entités de la gouvernance d’une entreprise qui devraient travailler la main dans la main.

On peut enfin s’étonner de la manière cavalière qu’a un conseil d’administration de se séparer d’un homme-clé qui a réussi à redresser l’entreprise après qu’elle ait été en diffculté et a su la redresser de belle manière.

En quinze années de présence au sein du groupe isérois dont cinq à la direction générale, c’est lui qui a procédé à un virage stratégique et géré les années noires avec un plan de restructuration à la clef et l’arrêt de sa diversification vers le solaire, mais aussi celui qui a permis à Soitec d’afficher le meilleur exercice trimestriel de son histoire : + 53 %, avec un bénéfice net bondissant de… 234 %.

La CGT dans la danse

L’affaire n’en reste pas là puisque même la CGT, syndicat majoritaire chez Soitec vient d’entrer dans la danse, appuyant de facto la décision du conseil d’administration.

Le syndicat rappelle ainsi que « la décision qui vient d’être prise doit être acceptée par tous », bien que “reconnaissant des ratés dans le processus de succession.”

C’est le moins que l’on puisse dire.

Tout laisse à penser cependant que c’est bien Pierre Barnabé qui in fine reprendra les rênes de l’entreprise, mais l’épisode pourrait laisser de sérieuses séquelles…