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Les délocalisations ne sont pas toujours une fatalité pour les entreprises. Certaines délocalisent alors même qu’elles réalisent d’importants bénéfices et que leurs positions concurrentielles ne semblent pas être menacées. En fait, les délocalisations visent simplement à réaliser encore plus de bénéfices. Cet argument cliché est pourtant bien vrai. Est-ce étonnant ? Non, il s’agit même de leur raison d’être. Cependant, il faut savoir que les entreprises n’ont pas toujours le choix. En effet, aujourd’hui le capital social d’un grand nombre d’entreprises est aux mains d’actionnaires ou de fonds de pension, qui n’ont qu’un objectif, avoir un rendement maximum (certains fonds de pension promettent à leurs actionnaires jusqu’à 15% de rentabilité annuelle). Or, si une entreprise n’est pas en mesure d’offrir des rémunérations suffisantes, elle sera immédiatement sanctionnée par la chute boursière du cours de ses titres, ce qui l’expose à divers risques tels qu’une OPA hostile.

Cette contrainte pèse fortement sur l’entreprise d’autant plus qu’il existe de fortes disparités entre le monde de la finance et celui de l’industrie. Alors que la finance fonctionne sur le court terme, l’entreprise elle, se situe dans une logique de long terme. Lorsqu’une entreprise lance un projet d’investissement, il existe un temps de construction pendant lequel la firme enregistre d’importants flux de dépenses et peu de flux de recettes. Durant cette période, l’équilibre financier de l’entreprise peut être compromis et il lui est donc difficile de distribuer des dividendes. Pour ne pas affecter le cours de leurs titres, les entreprises peuvent alors être tentées de comprimer leurs coûts. Cette stratégie permet une augmentation mécanique de leurs marges et donc de leurs bénéfices, ce qui les autorise à distribuer des dividendes. On se souviendra, par exemple, qu’en septembre 1999, lorsque le groupe Michelin a annoncé le licenciement de plus de 7500 salariés, l’action a enregistré une hausse immédiate de 12%.

Les marchés financiers ont pris une grande importance dans la stratégie des firmes et leur volatilité les incite en permanence à renforcer leurs profits. En fait, les groupes sont également en concurrence sur les marchés boursiers, et leur compétitivité dépend de la rémunération qu’ils proposent à leurs actionnaires.

Les économistes ont souvent défendu l’idée que ce système, appelé gouvernance d’entreprise, est un mode de fonctionnement qui garantit l’efficacité des entreprises. Néanmoins, la réalité est plus contrastée. Certaines entreprises, pour ne pas être pénalisées par les marchés boursiers, s’inscrivent dans une logique de court terme pour s’adapter à leurs exigences. Elles prennent alors des décisions qui paraissent à court terme intéressantes, mais qui, sur le long terme, peuvent être plus contestables, telles que les délocalisations. Il est permis de dire, dès lors, que les entreprises qui délocalisent pour augmenter leurs bénéfices négligent souvent les effets de leurs agissements sur long terme.

Une enquête de AT Kearney (rapportée dans Capital n°155, Août 2004) révèle par exemple que 59 % des sociétés américaines ayant délocalisé leur société en Inde avouent ne pas avoir atteint leurs objectifs. En effet, les entreprises sous estiment souvent les coûts de la délocalisation, tels que la formation et le fort « turn over ». Les salariés ayant un faible salaire et d’importants besoins de consommation, sont peu fidèles et faciles à débaucher. Toute offre de salaire ne serait-ce que faiblement supérieure, est suffisante pour les faire changer d’employeur. Cela conduit à multiplier les coûts de formation sans compter tous les problèmes de confidentialité que cela peut poser. A ces différents coûts, s’ajoute la charge supplémentaire que représente l’expatriation de cadres chargés de superviser l’implantation, qui avec les frais liés à l’éloignement (avions, téléphone, etc…) peut amputer de 60% les bénéfices de la délocalisation.. C’est peut être pour cela qu’un grand nombre d’entreprises japonaises commence à rapatrier leurs activités. En 2002, 300 entreprises japonaises se sont délocalisées et 300 ont ramené leur production sur le territoire japonais, ce qui conduit à un équilibre des mouvements.

On peut dès lors, se demander si ce n’est pas les entreprises qui, de leur propre initiative, inverseront le mouvement.