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Depuis le début de la dernière décennie, la croissance économique américaine a été en moyenne supérieure d’environ un point par an à celle de la France . Cet écart, a priori minime, pourrait avoir des conséquences non négligeables sur le système économique français s’il perdure sur une période de temps assez conséquente. En effet, ces différences impliqueraient une paupérisation à savoir un accroissement de l’écart de niveau de vie entre les Etats-Unis et l’Europe en faveur des Etats-Unis. Ce dernier est déjà, en 2002, d’environ 25% inférieur en France ainsi qu’en Europe par rapport aux Etats-Unis.

Ceci explique pourquoi le premier ministre, Jean Pierre Raffarin, a récemment demandé au Conseil d’Analyse Economique , organe consultatif dont l’objectif est de conseiller le gouvernement dans sa politique économique, de se pencher sur la question des fondements de l’écart de croissance entre les Etats-Unis et la France. Selon Gilbert, professeur d’économie à l’université d’Aix-Marseille, cet écart s’explique pour moitié environ par des gains de productivité du travail plus élevé et pour l’autre moitié par un dynamisme plus important de l’emploi. En effet, sur les dernières décennies, les Etats-Unis ont connu une situation de quasi plein emploi alors que les pays européens se sont installés dans un chômage durable. Cependant, ce constat ne dévoile pas toute l’ampleur de la situation de sous-emploi de l’Europe. En effet, le taux de participation au marché du travail est nettement plus bas en Europe qu’aux Etats-Unis. Ceci induit un écart important du taux d’emploi en faveur des Etats-Unis. Comme le taux d’emploi joue de manière positive sur la détermination du niveau de vie d’un pays, nous voyons que par le biais d’un marché du travail plus efficace aux Etats-Unis, ces derniers ont la capacité d’avoir un niveau de vie plus élevé que le nôtre.

En ce qui concerne la productivité du travail, comme le note Olivier Blanchard, professeur d’économie au célèbre Massachusetts Institute of Technology (MIT), l’analyse est plus complexe. En effet, si l’on s’en tient à la productivité par heure de travail, cette dernière est en faveur des français. Ceci est paradoxal puisque les conclusions du rapport du Conseil d’Analyse Economique sont contraires à celles d’Olivier Blanchard. Cependant, mais, ce paradoxe n’est qu’apparent. En effet, afin d’avoir une juste analyse comparative, il est nécessaire de prendre en compte les interdépendances entre la productivité et le taux d’emploi. En supposant de façon réaliste que la probabilité d’être employé est une fonction croissante de la productivité, en d’autres termes, plus l’employé est efficace plus cela incite l’employeur à l’embaucher, alors la productivité moyenne du travail est une fonction décroissante du taux d’emploi. Par conséquent, si l’on compare les deux pays que sont la France et les Etats-Unis à structure d’emploi équivalente, autrement dit si l’on augmente le taux d’emploi de l’économie française alors mécaniquement, la productivité du travail diminuera. L’explication du niveau élevé de la productivité apparente française réside donc dans le fait que la fraction la plus importante des travailleurs les moins productifs est exclue du marché du travail. Au final, la productivité structurelle, c’est-à-dire la productivité calculée après correction des effets des écarts de taux d’emploi est plus élevée aux Etats-Unis. Or, rien ne condamne la France à rester en retrait des Etats-Unis de manière durable en ces domaines.

Cependant, la France fait face à court terme à un dilemme. En effet, comme nous l’avons vu, il existe un antagonisme entre l’augmentation de l’emploi et la hausse de la productivité. Néanmoins, cet antagonisme peut être évacué à long terme par une politique économique adéquate. Cette dernière pourrait se structurer autour de deux axes : l’accroissement des gains de productivité et la flexibilité du marché du travail ainsi que celle du marché des biens et services. En ce qui concerne l’accroissement de la productivité, l’un des chemins permettant d’aboutir à ce résultat résiderait dans l’augmentation des dépenses de recherche et développement dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication et ce d’autant plus que les dépenses effectuées par les entreprises françaises sont moindres par rapport aux firmes américaines. En outre, une pression accrue de la concurrence sur le marché des biens et services induirait une promptitude plus importante de la part des firmes à la réorganisation du travail au sein de l’entreprise pour tirer un meilleur parti de l’usage des nouvelles technologies.