Artisanat et sobriété hydrique : la CMA et l’Agence de l’eau unissent leurs forces en Auvergne-Rhône-Alpes

En Auvergne-Rhône-Alpes, la gestion de l’eau devient une priorité stratégique pour l’artisanat. Face à la raréfaction de la ressource et à la hausse des coûts, la Chambre de Métiers et de l’Artisanat (CMA) et l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse lancent un programme d’accompagnement ambitieux pour aider les artisans à réduire leur consommation d’eau. Diagnostics personnalisés, aides au financement, sensibilisation des équipes… L’approche est complète et pensée pour faire émerger des solutions concrètes et durables.
Un partenariat au service d’une économie artisanale plus résiliente
Depuis avril 2025, la CMA Auvergne-Rhône-Alpes et l’Agence de l’eau ont déployé un plan commun pour accompagner les entreprises artisanales dans une gestion plus sobre et intelligente de l’eau. Cette initiative s’inscrit dans le cadre plus large du plan de sobriété hydrique piloté par la préfecture de région, avec un objectif clair : éviter que les futures restrictions d’eau ne viennent fragiliser davantage les TPE du secteur.
En pratique, les artisans volontaires peuvent bénéficier d’un diagnostic environnemental pris en charge à 100 %, réalisé par un conseiller de la CMA. Ce diagnostic permet de repérer les postes de consommation les plus énergivores et de proposer des solutions concrètes, adaptées à chaque métier.
Au moins 20 % d’économies d’eau attendues
Les premières entreprises accompagnées affichent déjà des résultats significatifs. Selon les données communiquées, la plupart des structures peuvent économiser 20 % de leur consommation d’eau sans perte d’efficacité, uniquement en optimisant leurs équipements et leurs usages.
Les pistes d’action sont variées :
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remplacement de douchettes et mousseurs,
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installation de chasses d’eau double débit,
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récupération d’eau de pluie,
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circuits fermés pour le refroidissement ou le nettoyage,
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sensibilisation des équipes.
Mais au-delà des conseils, l’un des points clés de ce programme réside dans l’identification et la mobilisation des financements adaptés. L’Agence de l’eau soutient notamment les investissements via son Appel à projet pour la sobriété en eau des acteurs économiques, qui couvre les dépenses d’équipement pour les entreprises artisanales hors secteur agricole.
L’exemple concret de la Turbine à Saveurs (Isère)
Parmi les premiers bénéficiaires, La Turbine à Saveurs, glacier artisanal installé à Saint-Alban-de-Roche (Isère), illustre parfaitement le potentiel de ce dispositif. Déjà engagée dans une démarche de transition énergétique avec l’installation de panneaux solaires, l’entreprise a souhaité aller plus loin sur le plan hydraulique.
Grâce au diagnostic de la CMA, elle a pu finaliser un projet de boucle fermée pour le refroidissement de ses équipements, un système désormais alimenté par un refroidisseur d’eau, remplaçant l’utilisation d’eau potable par un circuit fermé. Le soutien financier de 22 500 € apporté par l’Agence de l’eau a permis de concrétiser l’investissement.
Parallèlement, des équipements à faible débit ont été installés dans le laboratoire, renforçant la démarche globale. L’entreprise sécurise ainsi son activité face à de futures restrictions hydriques tout en maîtrisant mieux ses charges fixes.
Une prise de conscience accélérée chez les artisans
La crise hydrique ne relève plus de la théorie. En 2023, 189 communes de la région ont connu des tensions d’approvisionnement en eau potable, parfois avec des coupures affectant les entreprises. Le prix de l’eau, quant à lui, a augmenté de 5,5 % en moyenne, avec des pointes à +15 % en Ardèche. Les projections à horizon 2030 évoquent des hausses de 50 % selon France Eau Publique.
Dans ce contexte, la maîtrise de la consommation d’eau devient un facteur de compétitivité, en particulier dans les métiers à forte intensité hydrique : alimentation, coiffure, blanchisserie, nettoyage de véhicules…
Certaines entreprises ont déjà dû recourir à des solutions coûteuses comme le transport d’eau par camion-citerne, avec des impacts logistiques et financiers importants. Pour d’autres, les restrictions ont conduit à des baisses de production, voire des arrêts temporaires.
D’où l’urgence de se doter de dispositifs pérennes, avec des outils concrets, financés et accompagnés.
Une réponse territoriale aux enjeux climatiques
« Préserver cette ressource, c’est garantir la continuité de l’activité artisanale, et donc la vitalité économique de nos territoires », rappelle Vincent Gaud, président de la CMA Auvergne-Rhône-Alpes.
Avec 241 000 entreprises artisanales dans la région, dont 315 000 salariés et 21 600 apprentis, l’enjeu est de taille. Ce tissu dense, localisé et diversifié est particulièrement exposé aux effets du changement climatique.
Le partenariat avec l’Agence de l’eau permet de donner un cadre d’action concret à cette transition, en misant sur la proximité des CMA et leur expertise de terrain.
La pédagogie au cœur de la démarche
Pour l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, dirigée à Lyon par Nicolas Alban, ce programme est aussi un levier de transformation comportementale. « Avec les grandes entreprises, on déploie des solutions techniques lourdes. Mais avec les artisans, ce sont les gestes du quotidien qui comptent« , insiste-t-il.
D’où l’importance du travail de sensibilisation mené par les CMA, sur le terrain, en lien direct avec les artisans. Chaque diagnostic devient ainsi un moment de transmission : nouvelles habitudes à adopter, réflexion sur les équipements, anticipation des besoins futurs.
Ce rôle de tiers de confiance, à la fois technique et humain, est l’une des clés de réussite du dispositif.
Une opportunité économique pour les filières du bâtiment durable
Le programme génère aussi une dynamique locale pour les acteurs du bâtiment, de la plomberie, des équipements sanitaires et de l’efficacité énergétique. Mousseurs, récupérateurs, dispositifs de réutilisation ou d’économie circulaire : les entreprises de l’écotech et les installateurs peuvent proposer des solutions adaptées aux besoins des TPE artisanales, avec un accompagnement CMA pour structurer les projets.
Pour les industriels du matériel ou les PME spécialisées dans la performance environnementale, cela ouvre des perspectives concrètes : un marché de la sobriété hydrique artisanale à l’échelle régionale, soutenu par des aides publiques et porté par des prescripteurs territoriaux.
Un modèle reproductible à plus grande échelle ?
L’initiative pourrait servir de modèle à d’autres régions. En structurant la chaîne complète — diagnostic, conseil, financement, suivi — le duo CMA/Agence de l’eau réussit à enclencher un cercle vertueux, basé sur des outils opérationnels et une logique d’anticipation.
Alors que la sécheresse s’installe comme une réalité climatique durable, l’artisanat doit repenser ses usages, et ce partenariat montre qu’il est possible de concilier écologie, économie, et adaptation concrète au changement climatique.