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Réunis à Sainte-Foy-lès-Lyon le 5 novembre 2025, plus de 150 acteurs publics et privés ont participé à la 5e Rencontre Régionale de la Route, organisée par Routes de France Auvergne-Rhône-Alpes, l’AITF et Syntec Ingénierie. Au cœur des échanges, une question devenue centrale pour la filière : comment inscrire les infrastructures dans le besoin collectif face à une acceptabilité sociale de plus en plus fragile.

Une filière confrontée à un changement de paradigme

Le secteur routier constate une montée des oppositions, liées aux préoccupations environnementales et à la transformation des usages. Selon Thierry Morel, président de Routes de France Auvergne-Rhône-Alpes, la filière doit désormais intégrer durabilité, réduction de l’empreinte carbone et prise en compte des attentes citoyennes dès la conception des projets. L’enjeu ne porte plus uniquement sur la performance technique, mais sur la capacité à repenser la mobilité dans toutes ses dimensions.

Impliquer les citoyens dès l’amont des projets

Pour répondre à ces attentes, l’implication des citoyens apparaît comme une condition incontournable. Les intervenants ont rappelé que la prise en compte des préoccupations locales et la recherche de solutions innovantes peuvent contribuer à limiter les nuisances et à renforcer la légitimité des projets. Dans un contexte où l’argument économique ne suffit plus, la définition de l’intérêt général doit être clarifiée et partagée.

Vers une ingénierie de l’acceptabilité

Stéphane Panin, président du comité régional Auvergne-Rhône-Alpes de l’AITF, a mis en avant l’importance d’intégrer l’acceptabilité au même niveau que l’ingénierie technique dans les appels d’offres. L’objectif : éviter les projets contestés, refusés ou retardés, qui fragilisent les entreprises. De son côté, Syntec Ingénierie a insisté sur la nécessité d’un dialogue constant entre capacités opérationnelles, attentes des maîtres d’œuvre et compréhension du terrain.

Anticiper les controverses et repenser la notion d’intérêt général

Le sociologue Fabrice Hamelin a rappelé que l’acceptabilité n’est pas l’adhésion unanime, mais la capacité à anticiper les controverses pour élaborer une stratégie de dialogue. Il évoque un « permis social d’opérer » qui dépasse les autorisations légales et repose sur des pratiques participatives. Cette approche, déjà observée dans des secteurs soumis à fortes tensions, pourrait devenir un critère décisionnel à part entière dans les projets d’infrastructures.

Créer les conditions du dialogue local

Pour Marie Leugé Maillet, directrice de l’agence Tact, la réussite d’un projet sensible passe par une compréhension fine des dynamiques locales et une concertation ciblée. Elle souligne l’importance d’un travail de terrain patient, construit en petits comités ou en porte-à-porte, pour prévenir les risques de blocage.

Des exemples concrets de gestion des oppositions

Lors de la table ronde, plusieurs intervenants ont illustré comment un dialogue structuré peut transformer des projets contestés en initiatives acceptées. Anne-Laure Gaultier (Eiffage Concessions) a rappelé le rôle essentiel d’un porte-parole capable de vulgariser des enjeux techniques auprès du public. Elle insiste également sur l’importance de relations régulières avec l’État, les communes et la presse régionale.

Yves Nicolin, maire de Roanne, a évoqué le cas de l’A89 et celui du parc éolien roannais, financé à hauteur de 31 millions d’euros et mis en service fin 2023 avant son inauguration en juillet 2025. Grâce à des ateliers, une charte de bon voisinage et un porte-à-porte méthodique, ces projets ont finalement obtenu l’adhésion locale.

L’ingénierie au service de la multimodalité et de l’environnement

Virginie Willaert (Egis, Syntec Ingénierie) a rappelé que les projets routiers neufs sont souvent les plus contestés. Elle a encouragé la profession à adopter une posture d’humilité et à aller davantage vers le public. Le récent Livre Blanc sur l’éco-conception illustre ces efforts, mettant en lumière les avancées en matière de biodiversité, de décarbonation et d’analyse du cycle de vie.

Claire Garaud, avocate spécialisée en urbanisme et environnement, a souligné le rôle clé des études environnementales. Associé très en amont, l’avocat peut contribuer à la pédagogie du projet et fluidifier les échanges avec les autorités.

Une volonté politique indispensable pour avancer

En conclusion, Jean-Pierre Paseri, président de Routes de France, a rappelé le rôle central de la route dans la mobilité des personnes et des marchandises. Il a appelé à une volonté politique forte pour mener à terme les projets validés après concertation, tout en encourageant les entreprises à innover pour répondre aux objectifs de décarbonation, notamment la réduction de 55 % des émissions de CO2 d’ici 2030.

La 5e Rencontre Régionale de la Route laisse entrevoir plusieurs leviers : intégrer l’acceptabilité dans les processus de décision, renforcer les partenariats autour d’infrastructures durables et multimodales, et valoriser une filière engagée dans la transition écologique.