Année de tous les dangers en 2013 : quitte ou double ?
En ce début d’année 2013, je vais vous dresser, de façon synthétique, un bilan de l’Union européenne pour 2012, largement dominé par l’économie et en particulier par la crise économique, sociale, budgétaire et financière.
Le bilan 2012 présente, objectivement, des avancées importantes pour l’Europe, quoiqu’insuffisantes pour répondre réellement à la hauteur des enjeux et défis qui attendent l’UE face à un monde (Asie, Afrique entre autres) en pleine mutation du fait d’une croissance qui ne ralentit pas, malgré les faiblesses durables de l’Europe du Sud, ou plus temporaires des Etats-Unis. Globalement, en effet, l’économie mondiale croîtra de + 3,6% en 2013, après un –quasi-définitif – + 3,3% en 2012 et + 3,8% en 2011.
Avec ce que cela signifie en terme de richesse produite, d’élévation du niveau de vie, d’émergence de classes moyennes, d’épargne disponible qui servira à nous prêter à nous, pays cigales, ou à racheter nos dettes abyssales. Le chiffre à lui seul peut faire rêver les Européens du « vieux-continent » qui oscillent depuis trois ans entre une quasi-stagnation et une quasi- récession, avec un écart grandissant entre le Nord et le Sud.
Même si 2012 a mieux finie qu’elle n’avait commencé, passant de la dégradation par Standard and Poors de la note française le 10 janvier, sans conséquence majeure pour l’instant, à la … « regradation » de la note grecque le 18 décembre, passant de « défaut sélectif » à « B -». La raison est que nos prêteurs européens et mondiaux ont renouvelé leur confiance à l’euro et ont été rassurés par les mesures prises par l’UE (BCE et institutions européennes), faisant baisser du coup les taux d’intérêt, y compris pour les pays malades.
Toutefois, 2013 n’échappera évidemment pas à la crise économique, avec la progression accélérée du chômage et donc de la précarité dans plusieurs pays de l’UE et de la zone euro, endettés jusqu’au cou et incapables d’adapter leur économie à la mutation du monde… Pour les Etats membres les plus fragiles (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne, Italie, France), l’année 2013, voire également 2014, sera l’année à risque maximal, entre une incertitude sur l’acceptabilité sociale de réformes structurelles forcément impopulaires et une reconnaissance de nos bailleurs de fonds sur le sérieux et l’efficacité de ces réformes.
Au sein de la zone euro, la France, chef de file des pays du « Sud », en tant que seconde économie de l’UE, sera tout particulièrement à surveiller en 2013 : croissance nulle (entre 0,0 et 0,2% pour les analystes les plus optimistes !), chômage en augmentation (entre 10,5 et 11%), avec de nombreux plans sociaux attendus, exportations toujours largement déficitaires. Evidemment, malgré la « méthode Coué » en matière de communication économique gouvernementale (remake de la méthode Sarkozy ?!), personne, absolument personne, ne croit une seconde que la France puisse retrouver une croissance de 0,8% en 2013 et atteindre le fatidique 3% du PIB en terme de déficit budgétaire. Qu’à cela ne tienne, les dirigeants, année après année, privilégient toujours le « volontarisme politique » aux faits et mécanismes factuels ou objectifs.
Pour tenter de rassurer, sans doute ? Personne n’est dupe ! Les élections corrigent ensuite les errements. La réalité est qu’en 2013, la France sera le premier emprunteur de l’UE pour le financement de sa dette (1.840 milliards d’euros), passant devant l’Italie. En l’absence de politique de réduction réelle des dépenses publiques, et faute de politique de relance économique à l’échelle européenne (à la différence de l’Italie et de l’Espagne), la seule option reste une hausse significative des impôts (solidarité intérieure) et des emprunts massifs sur les marchés de l’ordre de 150 à 200 milliards d’euros (soit 40 à 60 millions par jour !), pour boucler son budget (solidarité extérieure).
A quel taux ? Là est, je crois, avec une situation sociale tout à fait incertaine, face à la précarité et à l’explosion du chômage, l’enjeu majeur de 2013 pour la France. Saura-t-elle alors inspirer toujours autant confiance à ses prêteurs et investisseurs, comme c’est le cas depuis six mois, avec des taux d’intérêt d’emprunts historiquement bas (de 0 à 1,5% pour des emprunts à deux ans ; et 1,5 à 2,5% pour des emprunts de 5 à 10 ans), et ce, malgré une dégradation en début d’année ? Il est vrai que la France conserve des atouts : sa position géographique, sa main d’œuvre de qualité, ses infrastructures remarquables, sa stabilité politique. Rien n’est moins sûr, même si (soyons optimistes, en ce début d’année !…) le « pire n’est jamais le seul probable » !
La France inquiète beaucoup d’analystes, d’experts, et d’institutions majeures (OCDE, FMI, Commission, FED) et même quelques dirigeants leaders en Europe, parmi les plus puissants (suivez mon regard…). A ce jour, la France paraît toujours incapable de se réformer réellement en coupant drastiquement dans les dépenses publiques, en réformant le marché du travail, en remettant à plat la réforme boiteuse, car temporaire, des retraites, et en mettant en place, avec ses partenaires européens, une vraie réforme industrielle (je rappelle ici que l’Europe est née par une politique industrielle audacieuse et magistralement réussie, la CECA).
Et, le pire de tout, François Hollande refuse depuis juin la main tendue de Madame Merkel, et même de Monsieur Monti (qui, espérons le, ne disparaîtra pas de la scène politique italienne) pour aller plus loin dans la voie de l’intégration politique et institutionnelle, et pour tout dire, fédérale. La classe politique actuelle, sans courage ni vision, démontre toujours un attentisme frileux, trop prudent et souvent ambigu à l’égard du fait européen. Syndrome du « nonisme » de 2005, la France n’a pas « digéré » ses extrêmes, de plus en plus – crise oblige – nationalistes déclarés et fiers de l’être…
Fallait-il pour autant créer un ministère du « redressement productif », pour développer l’illusion de solutions nationales, surtout pour l’industrie ? Là où partout, seuls les Etats-continents survivront avec la nécessité de géants industriels ayant la taille critique du type Airbus, ou Ariane Espace ?
« La France, problème de l’Europe ? » titraient quelques gazettes anglo-saxonnes, fin 2012. On se rassure parce qu’elles sont anglo-saxonnes. Mais le « hic » est que cette phrase cruelle est prononcée partout en Europe, aussi : à Berlin (entourage de Mme Merkel), à Bruxelles (Commission, Parlement européen), et même à Paris par nombre d’économistes sérieux, de droite comme de gauche. Et chacun de déplorer l’incapacité à se réformer vraiment. On en parle toujours, on diagnostique, on fait des milliers de rapports, on en reparle, mais au final, on avance peu, comparé à nos voisins. En moins d’un an, Mario Monti a réussi à prendre des mesures drastiques pour relever le pays : explosion des impôts, allongement de la durée du travail jusqu’à … 67 ans, réforme du monde du travail, véritable réforme en profondeur de la fiscalité (ce dont on est incapable en France, depuis 30 ans, alors on bricole), mesures contre les désindustrialisations .
Résultat : Mario Monti a vu sa côte de popularité chuter, bien sûr, mais l’Italie garde sa place de 2ème puissance industrielle de l’UE, derrière l’Allemagne, et 3ème économie de la zone euro. Il a redonné confiance à l’Union européenne, et aux marchés (les taux d’intérêt sont retombés de 7 à 5%). L’Italie a même retrouvé une situation excédentaire de sa balance commerciale sur les produits manufacturés et industriels.
Bref, la France, avec ses réformes en demi-teintes, donne du souci à beaucoup, et notamment à ses amis allemands, italiens : refus du fédéralisme (plus tard, toujours plus tard, a dit Hollande…), alors qu’il est la seule solution pour exister, refus, sur le plan des réformes économiques, de prendre le tournant du 21ème siècle, refus d’augmenter le budget européen (là « Hollande » n’est pas le seul…), refus de renégocier intelligemment la PAC, régression même sur l’Union bancaire (j’y reviendrai plus loin). La France lance même « sa » réforme bancaire en attendant, ou « sa » réforme fiscale radicalement différente des propositions européennes… Le problème est que la France a du poids (légitime) au sein de l’UE et de la zone euro, compte tenu de son influence démographique, spatiale, économique. Elle présidera peut-être l’Eurogroupe un jour (Moscovici ?), et se devrait donc de montrer l’exemple, et de donner moins de leçons aux autres.
La France peut ainsi, comme l’Allemagne, freiner, voire bloquer des avancées du Conseil européen, ou revenir en arrière comme pour l’Union bancaire. Si la France, très endettée, perdait la confiance des marchés et des prêteurs, sa dette et ses taux de remboursement exploseraient et sa situation connaîtrait une dégradation sans précédent. Cela inquiète beaucoup l’Allemagne qui a besoin de la France pour aider financièrement les plus modestes qu’eux… Or tout le monde sait que ces engagements de ramener le déficit budgétaire à 3% fin 2013 sont intenables, sans coupes drastiques dans les dépenses, et sans croissance. Une hausse d’impôt ne suffit pas à redresser les comptes…
A l’heure de l’interdépendance totale et constante de nos économies profondément imbriquées les unes dans les autres, la chute d’un domino affecte de plus en plus rapidement tous les autres. Jacques Delors et Giscard d’Estaing, nos consciences vivantes pour l’Europe (avec Helmut Schmidt et Helmut Kohl) le rappelaient encore récemment à nos dirigeants « nationaux » – voire nationalistes – actuels. Tous deux disent en substance que l’Europe est à la croisée des chemins : sans intégration politique poussée, elle accentuera son déclin. Si l‘on n’explique pas aux Européens, et aux Français en particulier, qu’il vaut mieux accepter un transfert de souveraineté (budgétaire, fiscale, sociale et politique bien sûr) plutôt que de décrocher du monde et de l’Histoire tout court.
Les opinions publiques deviennent de plus en plus individualistes, inquiètes d’une mondialisation qu’on ne leur explique pas, ou mal (car elle n’a pas que des inconvénients, loin s’en faut !), identitaires, et, hélas, de plus en plus nationalistes. Cela tombe vraiment mal, d’autant qu’en France, on a toujours rêvé, finalement d’une Europe qui « devait » ressembler à une « France en plus grand ».
Résultat : plus on perd de temps pour avancer sur le nécessaire fédéralisme européen, perte de temps savamment orchestrée et « dosée » au gré des Conseils européens par Merkhollande et consorts, plus on perd, en fait, au nom de la sauvegarde de « notre » souveraineté, notre capacité d’autonomie. Les Etats-Unis et la Chine doivent bien rire de nos postures suicidaires ! Nos dirigeants ( peu aidés, il est vrai, par les médias) ne parviennent même pas à convaincre leurs compatriotes qu’il vaut mieux une souveraineté partagée que… plus rien du tout ! La décadence et le déclin ! Et nos dirigeants pensent déjà être réélus avec un tel programme ! La naïveté le dispute parfois au mensonge, en politique !
L’avenir proche dira si la France devient le « problème de l’Europe ».
Pour l’heure, et malgré toutes ces insuffisances, l’UE s’en est relativement bien tirée en 2012, par rapport à 2011. Franchement, le bilan global pour l’UE, et surtout pour les 17 pays de la zone euro, est loin d’être négatif. Car la crise économique, budgétaire, fiscale et sociale, et même politique (12 chefs d’Etat et de gouvernement remerciés en 3 ans, à l’issue de leur mandat !) a poussé nos dirigeants européens frileux à sortir enfin du bois et à se rapprocher les uns des autres dans une Union un peu plus solidaire. Ce doit être cela, le réflexe de survie !
Bref, on a beaucoup plus fait, en 2 ans, pour l’intégration européenne qu’en dix ans. Même si cela ne suffit évidemment pas à nous rendre compétitifs par rapport aux Etats-continents qui émergent à toute allure, avec des taux de croissance insolents de 3 à 8% par an, comme le Brésil, l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud, la Russie. Il faut s’y faire, la route tourne, et le vieil Occident (surtout l’Europe) doit s’unir et se réformer s’il veut survivre. En Europe, les pays nordiques l’ont bien fait, ainsi que l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas. Pourquoi pas nous ?
Mais quand même, nos gouvernants se sont décidés à sauver la Grèce, en la maintenant dans la zone euro afin d’éviter un démembrement en cascade, et un délitement de l’Europe. En quelques mois, ils ont réduit sa dette (privée et publique), ils ’ont massivement renflouée avec un programme drastique de redressement des comptes. Résultat : chacun a compris (marchés et spéculateurs) que l’UE ne « lâchera » aucun Etat en difficulté, et l’accompagnera autant que nécessaire. Fin 2012, Standard and Poors viennent de « regrader » la Grèce de « Défaut sélectif » à « B – » Chapeau !
Les dirigeants européens ont enfin pu s’entendre, grâce à la crise, pour mettre en place des mécanismes de solidarité efficace, pour renflouer les pays défaillants : le Fonds européen de stabilité financière (FESF), puis le Mécanisme européen de stabilité (MES). On a même su assouplir les politiques de la Banque centrale européenne (BCE) en la faisant intervenir dans le rachat des dettes, en injectant massivement des liquidités à des taux nuls ou très bas pour irriguer l’économie de liquidités.
En 2012, la crise a également fait énormément bouger les choses pour sortir les Etats d’une spirale infernale. En effet, la crise financière terrible née aux Etats-Unis a contaminé rapidement l’Europe en créant la crise des dettes souveraines, puis la crise économique tout court… Pourquoi ? Car la crise financière a entrainé la faillite de Lehman Brothers, géant mondial de la finance, des géants aussi de l’assurance (Freddy Mac et Fanny-Mae), et des centaines de petites banques.
D’où un dérèglement mondial de financement des Etats, des collectivités, des entreprises, des particuliers. En Europe, où la régulation et le contrôle bancaire sont plus importants qu’ailleurs, il y a eu moins de faillites, mais des situations très difficiles pour nombre de banques (qui avaient des créances à risque un peu partout dans le monde), comme nos principales grandes banques. Les plus atteintes sont à ce jour Bankia et Dexia, renflouées depuis. Des banques malades ne prêtent plus, ou peu. L’économie est donc moins irriguée, et les faillites en chaîne d’entreprises (même prospères !) commencent. De plus, les Etats sont pris dans cet engrenage, car outre leurs propres dettes, ils doivent recapitaliser leurs banques fragiles ou en état de quasi faillite.
L’idée est donc de briser le cercle vicieux entre les banques et les Etats, ce qui a caractérisé la crise de la dette en Europe, en faisant refinancer les banques non plus par les Etats, mais par la BCE, via un mécanisme garanti par elle : le MES (Fonds de 500 milliards d’euros). Mais le Conseil européen a institué une contrepartie à cette aide financière à taux d’intérêt exceptionnellement très avantageux : une supervision bancaire très poussée, appelé MSU (mécanisme de surveillance unique), composée de la BCE et… des autorités nationales compétentes. Ce mécanisme de surveillance contrôlera la solvabilité des banques mais aussi leur activité, notamment dans le cadre d’opérations financières qui pourraient s’avérer être à risque. Il est même prévu qu’en cas de dysfonctionnements particulièrement graves et avérés, l’établissement financier fautif se voie interdire d’opérer.
Et c’est ainsi que le dernier Conseil européen a terminé l’année 2012, avec un accord historique, sur la supervision des banques par la Banque centrale européenne, première étape d’une Union bancaire, qui recapitalisera les établissements financiers, via le Mécanisme européen de stabilité, en allégeant ainsi la dette des Etats, déjà bien endettés. Mais cette supervision bancaire portera sur les banques les plus importantes dans un premier temps, c’est-à-dire celles qui détiennent au moins 30 milliards d’euros en actifs (exemple la BNP-Paribas, la Société générale, le Crédit Lyonnais), soit + de 80% des opérations bancaires de l’UE. L’Allemagne et l’Espagne ont obtenu que le contrôle des petites banques (leurs caisses d’épargne) reste sous l’égide des Etats…
Bien sûr, on est toujours dans le marchandage entre Etats… C’est encore l’Allemagne qui a repoussé la mise en place de cette supervision bancaire à … mars 2014, soit après les élections allemandes de septembre 2013. C’est un recul grave par rapport aux décisions de juin… Et tant pis pour les banques espagnoles, qui sont en grande difficulté dès maintenant. Les Etats paieront, en attendant la BCE et le MES.
L’année 2012 a encore fait bouger les choses, en adoptant le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG), interdisant aux Etats cigales de continuer à dépenser plus qu’ils ne gagnent. Ce Traité a été validé, en 2012, par une décision positive de la Cour constitutionnelle de Karsruhe. Sinon, le projet européen aurait été fort compromis. Ce Traité s’est enrichi aussi, à la demande de la France sous présidence Hollande, d’un Pacte de croissance de 120 milliards, pour relancer l’économie, et donc l’emploi. C’est mieux que rien, mais certainement pas à la hauteur des enjeux : on a augmenté le capital de la Banque européenne d’investissement.
On va recycler 55 milliards de fonds européens inutilisés et lancer quelques projects bonds. Face aux 45 milliards de dollars qui s’ajoutent aux 40 autres milliards mensuels déjà prévus qui sont injectés chaque mois dans l’économie des Etats-Unis par la Réserve fédérale américaine (FED), ce Pacte de compétitivité européen est dérisoire. Certes, en faisant autant marcher la planche à billets, les Américains prennent le risque d’une inflation forte et d’une dégringolade du dollar… qui ferait grimper l’euro !…
Face à cette émergence de solidarité européenne, les Etats forts se portant garants des Etats faibles (comme aux Etats-Unis), les marchés, c’est-à-dire tous nos bailleurs de fonds du monde entier, ont peu à peu repris confiance dans l’UE et la zone euro, ayant compris qu’on ne lâchera jamais l’euro, symbole de réussite de toute la construction européenne depuis 60 ans. Il était temps ! D’ailleurs, l’euro est demandé, acheté par tous les pays émergés, qui veulent diversifier leur portefeuille et ont confiance dans la monnaie européenne, et c’est pour ça qu’il est fort.
Solidarité budgétaire, monétaire, et bientôt bancaire, l’UE a progressé aussi en 2012 sur la taxe financière puisque 11 pays ont signé un accord qu’a ratifié le Parlement européen le 12 décembre 2012 par un vote massif (533 voix pour, 91 contre et 32 abstentions), instaurant une taxe sur les transactions financières. Cette taxe concernera tout actif, opération d’achats d’action ou d’obligations d’une société dont le siège social est en UE. Même si la taxe sera de 0,01% du prix de la transaction, la Commission a calculé que cela représenterait 60 milliards d’euros par an, soit presque la moitié du budget européen annuel !
La Commission européenne a beaucoup travaillé aussi sur une ré-industrialisation européenne, l’industrie manufacturière représentant aujourd’hui 15,6% du PIB européen. L’objectif est d’atteindre 20% de ce PIB européen en 2020. L’UE s’appuiera pour cela sur l’Institut européen de technologie, qui réunit depuis deux ans des entreprises, des centres de recherche et même le monde universitaire.
Fin 2012, l’UE a enfin créé le brevet européen, car l’addition de « brevets nationaux » pénalisait outrancièrement les entreprises européennes qui, pour protéger leur brevet, devaient multiplier les frais d’enregistrement ! Désormais le coût du brevet européen sera divisé par sept, se situant à un coût autour de 4 à 5.000 € pour toute l’Europe.
Tous ces dispositifs ont donc fait retomber la pression sur les marchés, et les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas, même pour les pays cigales du Sud de l’Europe. La France n’a jamais emprunté à un taux si faible ! Même les taux espagnols et grecs ont baissé. L’Italie (de Monti) a vu ses taux bien baisser également. La fin de la crise financière peut être un préalable utile pour envisager (2014 ? 2015 ? ) un début de reprise économique, pour quelques Etats bien réformés.
Enfin, cerise sur le gâteau, 2012 aura été une consécration pour l’Europe de la paix et de la démocratie retrouvées, il y a 67 ans, après des siècles de guerres civiles et de barbarie entre Européens. Ce Prix Nobel de la Paix décerné à l’Union européenne est une consécration du chemin parcouru et un encouragement pour s’unir davantage, dans une voie plus fédérale, plus solidaire.
Mes satisfecits s’arrêtent là. Car l’UE ne sera pas allée assez loin dans la relance économique, dans l’intégration fiscale, et surtout politique de l’UE, seule capable de redonner à l’Europe un poids déterminant face aux nouveaux géants du monde. De même, sans politique commune d’innovation et de recherche, l’Europe souffrira d’un manque de compétitivité qui l’éjecte progressivement des secteurs économiques clés.
L’Europe entamera 2013 sans véritable diplomatie européenne, sans être une puissance de défense autonome, sans budget européen digne de ce nom. Budget est de 1% du PIB européen, quand un Etat fédéral comme les Etats-Unis, a un budget global de … 23% de son PIB !
Sans compter nos désunions, nos dissensions permanentes, surtout entre Français et Allemands, masquées par des sourires hypocrites, de dirigeants n’ayant aucune vision de long terme sur notre nécessaire vivre-ensemble. Les Allemands, déçus de la France cigale, lorgnent sur l’Asie (comme les USA). Les Français, eux, ne sont toujours pas remis du rejet du Traité constitutionnel de 2005, et voient toujours dans l’Europe, une « Europe à la française », tout en refusant réformes structurelles et ouverture sur le monde. La France ne parvient pas à prendre vraiment le tournant du 21ème siècle, et à sauter le pas fédéral que lui proposent les Allemands depuis 20 ans, et à présent, également, les Italiens, ou les Polonais.
L’illusion d’un « Etat-nation » pour s’en sortir, est totalement utopique, à l’heure d’une globalisation et mondialisation. Car l’Europe nécessite, de plus en plus, mutualisation des dettes, des investissements, des budgets de recherche, et des cerveaux.
L’Europe d’aujourd’hui, c’est 7% de la population mondiale, et 21% du PIB mondial. Dans 30 ans, ce sera 5% de la population mondiale et 10% du PIB mondial. La France aura, au mieux, la 15ème ou 20ème place sur l’échiquier économique mondial. L’avion chinois, le COMAC, va bientôt concurrencer Airbus et Boeing. La crise industrielle ne saurait se limiter à l’automobile, à la sidérurgie et au textile.
Elle touche en fait de très nombreux secteurs. Dans un article du « Monde » du 18 décembre 2012, Michel Barnier et Antonio Trajani, respectivement membre de la Commission européenne et vice-président de la même Commission, expliquent que la crise touche de plus en plus des secteurs à forte teneur technologique. Ils prennent l’exemple des télécoms : « sur les huit industriels occidentaux qui dominaient le marché il y a dix ans, seuls quatre existent encore aujourd’hui. Dans le même temps, deux industriels chinois, Huawei et ZTE, sont devenus des champions mondiaux ».
Je pourrais d’ailleurs donner un autre exemple : des trois grands constructeurs européens, Renault, Peugeot et Volkswagen, on sait bien qu’un seul demeurera (après fusion) d’ici 15 à 20 ans maximum. Il semble bien que ce sera… Volkswagen. Et pourtant, l’Europe a des atouts pour des projets d’avenir : véhicules du futur, hôpital numérique, maisons à faible consommation énergétique, nanotechnologie, macro et nano-électronique, bio-technologie ; sans oublier les investissements dans le secteur de la défense, qui a donné tant d’innovations technologiques transposables dans le civil : internet ; les micro-ondes ; le GPS ou encore l’ingénierie médicale.
Encore faudrait-il que l’on se décide à mutualiser nos financements et nos cerveaux au bénéfice d’une véritable politique industrielle, plutôt que se concurrencer bêtement entre 27 micro-industries nationales. Car, encore une fois, le monde en pleine croissance, Asie et Afrique, ne nous attendra pas.
L’année 2014 pourrait être décisive
Nous devrions profiter vraiment des élections européennes de 2014 pour faire le saut qualitatif si nécessaire à une Europe crédible. L’année 2014 pourrait être ainsi (devrait être..) décisive pour l’UE, si l’on avait le courage d’accélérer le pas sur les propositions et travaux du Parlement et de la Commission, en rendant les élections législatives européennes enfin visibles, enfin… européennes, pour qu’elles ne soient plus l’otage des partis politiques nationaux qui ne cessent, à chaque échéance, de « renationaliser » les débats et cette élection.
Or, les élections européennes, ce scrutin majeur, au suffrage universel direct, permettent d’élire des députés qui voteront dans de plus en plus de domaines, des lois essentielles pour la vie quotidienne de 500 millions d’Européens. En bref, il faudrait organiser des élections transnationales le même jour, sur un vrai programme européen. En commençant par l’organisation d’un vote au Parlement européen, qui lui permettrait de s’ériger en Assemblée Constituante, afin de préparer les réformes institutionnelles nécessaires à l’élaboration d’une Constitution fédérale.
J’ose encore espérer, que, « grâce » aux années de crise économique qui nous attendent encore, les dirigeants sud-européens comprendront enfin que la seule voie du salut est dans la démarche fédéraliste. Auront-ils ce sursaut dès ces élections de 2014 ? J’en doute, au vu des positions actuelles de la deuxième économie de la zone euro…
Un tel courage politique est pourtant urgent, car plus la crise économique dure, plus elle radicalise les opinions publiques dans le nationalisme et le repli sur soi, entretenu de surcroît par du « national-populisme ». On vient encore d’en avoir un exemple pitoyable avec le vote du budget européen, où nos politiciens se chamaillent pour des « queues de cerise », pour faire baisser leur propre contribution au budget, ce qui est la négation même du projet européen communautaire et solidaire créé par les Pères fondateurs.
L’Europe et le monde sont de plus en plus interdépendants. Rester seul ou en repli dans un protectionnisme arrogant et démagogique est aussi stupide que suicidaire. Nous avons (presque) tout à vendre à l’autre moitié du monde, qui s’éveille et s’enrichit. Saisissons cette chance, et fusionnons enfin nos forces, stratégiquement, économiquement et politiquement.
Sinon, ce sera le délitement et l’enlisement, car nos Etats-nations, isolés, divisés, minuscules, seront balayés par le choc des mutations du 21ème siècle.
Puissent nos « dirigeants » être un jour à la hauteur de ces enjeux….