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Pour Jean-Marie Lambert, président de la Capeb : «Le secteur du bâtiment est en péril»

Une grande manifestation a rassemblé vendredi 18 janvier, près de mille cinq-cents artisans du bâtiment devant la Préfecture de Région à Lyon. Pour Jean-Marie Lambert, président de la Capeb Rhône-Alpes rassemblant les 44 200 entreprises du secteur, cette manifestation d’ampleur provenant d’artisans qui n’ont pas pour habitude de défiler dans la rue, illustre le profond malaise que traverse cette profession. L’activité dans le neuf a chuté de près de 20 %. Près d’un millier d’artisans ont mis la clef sous la porte en 2012, trois mille emplois ont disparu. Interview vidéo.

Les artisans du bâtiment : une profession qui fait connaître son profond malaise

Contrairement aux paysans, on voit très rarement les artisans manifester dans les rues. C’est la raison pour laquelle la manifestation qui s’est déroulée vendredi 18 janvier devant la préfecture de Région à Lyon, constitue un événement. Que signifie-t-elle ?

 Jean-Marie Lambert-En fait, il s’agissait d’un rassemblement statique et non pas d’une manifestation. Près de 1 200 artisans de toute la région Rhône-Alpes ont répondu à notre appel, et plus encore sont venus, ce qui nous a laissés pantois. Nous avons été les premiers surpris. Nous ne nous attendions pas à un tel nombre. Ce qui illustre, à mon avis, la profonde inquiétude qui traverse notre profession.

 Qu’est-ce qui motive cette inquiétude ?

Un ensemble de mauvaises nouvelles : nous connaissons une baisse importante de nos carnets de commandes. L’année dernière, la construction neuve a reculé de près de 20 %. Les délais de paiement se sont encore allongés, nos trésoreries sont exsangues.

 Tout ceci résulte des mesures prises d’ailleurs tant par le précédent gouvernement de droite que celui actuellement au pouvoir.

 Parmi ces mesures quelles sont celles qui vous paraissent les plus préjudiciables pour votre profession ?

 Parmi celles que je citerai en premier figure la décision de François Fillon de créer le statut d’auto-entrepreneur. Je veux bien reconnaître que dans certaines professions, il s’agit d’une avancée, mais pour l’artisanat du bâtiment, il s’agit tout bonnement d’une catastrophe. Pourquoi ? Parce qu’elle crée des situations de concurrence déloyale avec nos entreprises qui ne sont pas acceptables.

 Vu la croissance du nombre d’auto-entrepreneurs dans le bâtiment, tout le secteur est en cours de déstructuration A ce rythme, d’ici cinq à dix ans, la moitié des entreprises du bâtiments sera constituée d’auto-entrepreneurs, tirant l’ensemble du secteur vers le bas.

 Pourquoi ? Parce que ce sont les entreprises classiques qui embauchent des apprentis, ce sont les entreprises classiques qui offrent la garantie décennale à leur client, pas les auto-entrepreneurs. Nous ne demandons pas la suppression totale de ce statut d’auto-entrepreneur, mais sa suppression pour l’ensemble du secteur du bâtiment. Et pour l’instant, le gouvernement actuel fait la sourde oreille, contrairement aux engagements de campagne.

 Vous parliez d’autres mesures dont souffre l’artisanat du bâtiment ?

 Oui, la TVA à taux réduit qui avait été décidée et a permis de créer en son temps 44 000 emplois en France, dans la rénovation de l’habitat est successivement passée de 5,5 % à 7 % sous Fillon, puis de 7 à 10 % sous Ayrault ! Même si cette dernière mesure ne sera pas en vigueur avant le 1er janvier 2014, les effets se sont tout de suite fait sentir avec un recul de 20 % de l’activité dans la rénovation.

 C’est incroyable ! La classe politique prend des mesures sans se poser la question de savoir quelles conséquences elles vont avoir sur l’ensemble d’une profession.

 Quelles sont les dernières mesures dont souffre votre secteur ?

 Il y a la Contribution Foncière des Entreprises destinée à remplacer la taxe professionnelle qui a frappé très durement l’artisanat. Moi-même qui suis installé en Haute-Savoie et qui n’a pas connu d’augmentation de mon chiffre d’affaire, ni embauché l’année dernière, ma contribution a été multipliée par trois. Pour certains, c’était encore plus !

 Il faut ajouter l’absence de toute incitation visant à la rénovation thermique des bâtiments, si souvent annoncée et qu’on ne voit toujours pas venir, alors notre profession a fait d’intenses efforts de formation.

 La dernière mesure qui nous met en colère est l’absence de représentation de l’artisanat au sein de la futur Banque Publique de l’Investissement, la future BPI. A croire que les petites entreprises n’existent pas : on nous ignore. C’est la raison pour laquelle nous sommes bien décidés à sortir du bois, même si ce n’est pas notre habitude.

 Quelles conséquences, tout cela ?

Elles sont pour pour le moins inquiétantes. Notre secteur est en péril : mille entreprises artisanales ont disparu l’année dernière, ce qui représente près de 3 000 emplois, soit l’équivalent du plan social chez PSA !

 Pire, avec le recul de 20,80 % des chantiers en Rhône-Alpes, les grandes entreprises tournées vers la construction neuve qui manquent de travail pour faire travailler leurs équipes, viennent directement nous concurrencer sur le secteur de la rénovation, provoquant un effet cascade qui accentue encore la crise que nous connaissons.