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Christophe Marguin : « Je suis le Poutine de la cuisine lyonnaise »

Après avoir célébré avec faste les 80 ans des Toques Blanches Lyonnaises, Christophe Marguin, président de l’association, évoque le présent et l’avenir d’une vieille dame… en pleine forme. Morceaux choisis.

Plus de 520 invités sur leur trente-et-un, un parterre de personnalités (Gérard Collomb, monseigneur Barbarin, Emmanuel Imberton, Pascal Blache, Olivier Ginon, Pierre Gagnaire, Régis Marcon…), un repas de gala signé du Mégevan Emmanuel Renaut (trois étoiles Michelin), des numéros d’artistes du cirque Médrano, des playmates de la Folie Douce pour mettre la Sucrière en fusion…

El Presidente Christophe Margin a mis les petits plats dans les grands, le dimanche 5 juin, pour fêter dans l’allégresse les 80 ans des Toques Blanches Lyonnaises.

Quelques semaines plus tard, les effluves de cette mémorable soirée enfin évaporées, le restaurateur des Echets – passé maître dans l’art de « pomponnette » – se met à table, pour Lyon Gastronomie. A point ? Non, bien saignant !

Photo Pascal Auclair

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 A 80 ans, on a dépassé depuis longtemps l’âge de raison pour s’approcher de la sénilité, non ?

Pas du tout. C’est l’âge de la jeunesse, du renouveau. Une nouvelle génération de cuisiniers est en train d’émerger et prend position dans la ville comme dans le noyau dur de l’association. Les belles années sont devant nous…

 A qui pensez-vous lorsque vous évoquez ce noyau dur de l’association ?

A des fleurons comme Mathieu Viannay, Christophe Roure, mais aussi à des jeunes pleins de talents comme Jérémy Galvan ou Anthony Bonnet, le chef de la Cour des Loges, qui devrait bientôt nous rejoindre.

 Donc, progressivement, on met les « vieux » sur la touche ?

Non, c’est juste dans la logique des choses. Le temps passe. De nouvelles générations arrivent. Cela n’empêche pas d’avoir toujours parmi nos membres actifs un personnage comme Pierre Orsi. Il a 76 ans et continue de diriger ce qui est certainement la plus belle maison de Lyon. On en est très fier.

 Les Toques Blanches Lyonnaises, c’est quoi au juste ? Une joyeuse confrérie, une association professionnelle ou un groupement d’intérêt économique ?

Aujourd’hui, c’est surtout une référence, un label, une vraie puissance économique aussi, forte de 116 membres générateurs d’emploi et de richesse… En revanche, ce n’est pas un groupement d’intérêt économique car chaque membre est indépendant, avec ses propres fournisseurs.

 116 membres, c’est beaucoup… Les conditions d’adhésion à l’association n’ont-elles pas été un peu trop assouplies avec le temps, notamment sur le plan géographique ?

Non, dans la mesure où 90% de nos membres sont de Lyon et de sa région. Et puis, n’oubliez pas qu’à l’origine, le vrai nom déposé de l’association était : Amicale des Toques Blanches de Lyon et de sa Région. Par ailleurs, la région s’agrandit. Lors de l’assemblée générale de janvier dernier, on a donc décidé de se rapprocher de l’Auvergne. Cela va se traduire par l’arrivée dans l’association de Serge Vieira, Bocuse d’Or 2005, installé à Chaude-Aigues dans le Cantal.

 Il y a donc toujours une volonté d’élargir le champ des membres ?

Oui, mais pas forcément d’augmenter les effectifs. La preuve ? Lors de notre dernière réunion de bureau, on a refusé deux candidatures et mis deux autres en suspens. Par ailleurs, on va faire voter lors de la prochaine AG de janvier un article dans les statuts afin de vérifier plus régulièrement la qualité de nos membres. Si certains se laissent aller, ne répondent plus aux critères, ils pourront être exclus. A l’avenir, il sera de plus en plus dur de rentrer comme de rester dans l’association.

 Cela signifie-t-il qu’avec le temps, une forme de complaisance s’est installée dans l’association ?

Non, seulement, avec les années, certains membres ont peut-être tendance à se relâcher. Il faut juste leur faire comprendre que rien n’est acquis. Il en va de la pérennité et de la crédibilité des Toques Blanches Lyonnaises.

 Certains sont dans le collimateur ?

Effectivement, deux ou trois membres sont dans le collimateur pour des mauvais retours de clients. On a tous raté un repas. Mais si on enregistre plusieurs retours négatifs en un court laps de temps, c’est qu’il y a un problème.

 Comment comptez-vous vérifier le caractère fondé ou non de ces critiques ?

Les membres actifs de l’association n’ont pas vocation à jouer les clients mystère. On fera appel à des « inspecteurs » extérieurs, retraités ou cabinet d’audit, à voir.

 Vous comptez donc vous rapprocher des méthodes du Michelin et autres guides gastronomiques ?

Oui, dans la mesure où il faut prouver que les Toques Blanches Lyonnaises, ce n’est pas du copinage. Quoi qu’en disent certains, ce n’est pas la « bande à Marguin ». La mise en place du titre de Maître restaurateur a déjà permis d’éliminer tout ceux qui font mal leur travail, qui ne font pas entièrement la cuisine chez eux. On va poursuivre ce travail de sélection pour tendre vers l’excellence.

 Combien de nouveaux membres vont rejoindre l’association cette année ?

Au moins quatre pour l’instant, tous étoilés : Emmanuel Renaut (Megève), Jean Sulpice (Val Thorens), Serge Vieira (Chaudes-Aigues et Edouard Loubet (Domaine de Capelongue). Il y a aussi deux candidatures en stand-by et d’autres devraient encore être admis en fin d’année, notamment Anthony Bonnet qui attend son titre de Maître Restaurateur.

 En signant des accords de partenariat avec Brake, Garofalo, DS Automobile, Banque Rhône-Alpes… n’avez-vous pas vendu votre âme au diable ?

Non, au contraire, c’est pour renforcer notre indépendance. Parmi nos sept partenaires majeurs figurent six groupes mondiaux et une Banque régionale, filiale de Crédit du Nord. C’est une fierté qu’ils nous fassent confiance, qu’ils soient à nos côtés pour défendre nos valeurs, notre savoir-faire. Comme eux, on se bat pour défendre notre territoire.

 Donc, ce n’est pas qu’une affaire d’argent…

Pas du tout. Bien sûr, l’argent est important pour financer les actions de l’association. Mais la finalité de ces partenariats va bien au-delà.

 Après deux mandats, vous avez repris la présidence de l’association après une transition assurée par Laurent Bouvier. Votre icône, c’est Poutine ?

C’est vrai que j’aime beaucoup ce monsieur car il a le courage de dire et surtout de faire ce qu’il pense. Beaucoup de chefs d’états et de présidents d’associations devraient s’en inspirer au lieu de s’endormir !

 Cela signifie-t-il que vous voulez être président à vie ?

Les statuts ne me l’autorisent pas pour l’instant (rires). Et puis, je m’investis aussi beaucoup à la commission tourisme de la Chambre de Commerce et bientôt avec la Région. Donc, je ne vais pas me maintenir éternellement à la présidence, même s’il reste beaucoup de choses à faire.

 Justement, François Mitterrand a construit la Pyramide du Louvre, Michel Mercier a eu son Musée des Confluences. Vous, quel est votre grand dessein pour marquer définitivement de votre empreinte l’histoire de l’association ?

Sincèrement je n’en sais rien. En dix ans, on a déjà fait tellement de choses : trois beaux anniversaires, un guide, un site internet. Comme je ne sais pas quand s’achèvera mon dernier mandat, je ne sais pas quel sera mon dernier projet !!

 Avez-vous conscience d’avoir beaucoup de détracteurs, en externe comme en interne ?

Bien sûr Quand on veut bouger les choses, on est toujours confronté à des détracteurs. Ça ne me gène pas du tout. J’attends juste que ceux qui me critiquent me montrent ce dont ils sont capables de faire. J’ai toujours essayé d’être un élément fédérateur. Mais si certains ne sont pas à l’aise dans l’association, ils peuvent sortir. Ça ne me gênera pas du tout…

 Propos recueillis par Pascal Auclair