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Daniel Karyotis (Banque Populaire AURA) : « Nos régions : une réponse concrète à la 4e révolution industrielle »

« A bien des égards, la 4e Révolution industrielle peut faire peur : accélération de l’innovation, accumulation des données, poussée de l’automatisation, intelligence artificielle…  Ce bouleversement va toucher le monde entier simultanément, sur un temps très court, et affectera tous les secteurs économiques, tous les régimes politiques, toutes les couches de nos sociétés ou encore tous les âges de la vie.

Et pourtant l’Industrie 4.0 ne m’inquiète pas car pour moi une des réponses pour affronter cet immense défi, c’est la région ! En particulier Auvergne-Rhône-Alpes : première région industrielle française et celle qui abrite le plus d’ETI, la deuxième pour la R&D et pour la qualité de l’enseignement supérieur, et d’où plus de 16 000 entreprises exportent à travers le monde entier et regardent sans peur l’avenir. Et le PIB de la région Auvergne-Rhône-Alpes est supérieur par exemple à celui de l’Irlande ou du Portugal !

C’est le fruit de l’histoire de ce territoire pionnier de toutes les révolutions industrielles depuis le XIXe siècle – de la sériculture et des magnaneries, à la high-tech. C’est la résultante d’un état d’esprit familial et entrepreneurial que nous accompagnons au quotidien. C’est enfin la conséquence d’un phénomène : la fin de la ville-usine. Nos régions, en particulier Auvergne-Rhône-Alpes, se construisent désormais en réseau, avec des sites de production multiples, spécialisés, connectés, capables de faire ressortir les atouts et les spécialisations locales. L’industrialisation des vallées alpines, le pôle lyonnais de la Santé, la longue histoire de Grenoble dans l’intégration recherche-industrie, nous ouvrent de nouveaux horizons, à condition d’aller à l’étranger, d’y nouer des partenariats avec des régions comparables, comme nous le faisons depuis quinze ans avec la Chine.

Notre défi est donc là : rendre nos territoires plus compétitifs, plus accueillants, mieux intégrés. Pour cela, nous avons besoin de projets communs entre les PME et ETI, les acteurs financiers, les pouvoirs publics, les clusters d’innovation pour engager des dynamiques locales – prenant exemple sur les niveaux d’autonomie et de vitalité que l’on trouve en Suisse, en Italie du Nord, en Allemagne du Sud.

Avec eux, nous devons renforcer les passerelles transfrontalières pour construire ensemble les équipements de réseau et de transport. Comme eux, nous devons investir dans l’intelligence collective qui seule permettra de prendre une longueur d’avance dans une révolution industrielle dont le cycle de vie pourrait être très long. Aujourd’hui, la France dépense 2,25% de son PIB pour la recherche, quand l’Allemagne est au-dessus de 3%. N’y a-t-il pas un effort à faire pour franchir cette marche supplémentaire ?

Notre deuxième défi, c’est l’éducation et la formation, enjeux majeurs face aux dangers que fait peser l’automatisation sur l’emploi. En 2020, il faudra 28% de data scientistes de plus qu’en 2017. Où les formerons-nous si ce n’est chez nous au plus près des entreprises ? Dans mon secteur d’activité, la banque, la mutation va s’accélérer : entre les néobanques, les « quant funds » et les monnaies virtuelles. Il faudra réallouer le temps disponible pour nous consacrer à ce qui fait réellement la différence : la relation personnelle, l’écoute, l’accompagnement dans le long terme et les services à vraie valeur ajoutée pour nos clients.

Ultime défi, et non des moindres : cette révolution industrielle nous fait basculer dans une « civilisation du risque », qui favorise les spéculations, la volatilité et les temps courts. Notre mission et notre responsabilité en tant que banque régionale, puissante et autonome, c’est de dépasser les visions court-termistes. Ainsi ont été fondées les grandes banques au XIXe siècle, pour accompagner ces grandes mutations industrielles. Nous avons désormais la même responsabilité pour que la révolution industrielle 4.0 apporte les mêmes effets positifs à notre économie et à notre société. »

Daniel Karyotis, directeur de la Banque Populaire AURA