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Eric Alessandri (Wizaplace) : « Pourquoi Amazon prospère ? Parce qu’il n’a pas de concurrent. Un Amazon régional, ça a vraiment du sens ! »

Avec ses 65 salariés, sa croissance multipliée par 3,2 entre 2019 et 2020, Wizaplace qui a levé 13 M€ l’année dernière, est l’une des « scale-up *» les plus en vue dans l’écosystème numérique lyonnais. Son métier, le e. commerce, en l’occurrence, la fabrication de « places de marché ». Alors que Laurent Wauquiez, le président de la région, annonce sa volonté de créer un « Amazon régional », qu’en pense Eric Alessandri, le créateur et boss de Wizaplace ? Entretien.

Vous avez entendu comme tout le monde l’annonce de Laurent Wauquiez qui veut créer un « Amazon régional ». Or, le e.commerce, les « market places », c’est votre métier. Qu’en pensez-vous ?

Eric Alessandri-Cela a d’autant plus résonné à nos oreilles qu’il y a un an, nous avions répondu à un appel d’offres de la Région justement sur ce thème. Et nous l’avions emporté ! Mais c’est un appel d’offres qui n’a pas été consommé.

Depuis cette annonce de Laurent Wauquiez, nous ne savons pas si c’est l’ancien appel d’offres qui est réactivé ou un nouveau qui est lancé. Je suis en tout cas actuellement souvent en discussion sur ce sujet avec la région.

Lors de sa conférence de presse, Laurent Wauquiez avait expliqué vouloir lancer très rapidement cet « Amazon régional ».. ?

Ce n’est pas un problème car nous avons les outils pour lancer un tel « Amazon régional » en trois jours !

Mais cela ne suffit sans doute pas ?

C’est vrai, mais ce n’est pas un aussi gros investissement que cela. Car derrière, après le lancement, il faut y mettre du marketing, des équipes, des formations ; bref créer une vraie dynamique.

Amazon fait désormais plus de 20 % du chiffre d’affaires du e.commerce en France, rien ne semble l’arrêter. Une telle « market place » régionale vous paraît-elle à même de contrer le géant américain ?

C’est désormais plus près de 25 % de part de marché que détient Amazon et c’est énorme ! Une place de marché régionale serait effectivement à même de stopper cette croissance incroyable.

Il faut bien comprendre que si les acheteurs se tournent vers Amazon c’est qu’ils y trouvent tout et qui’l n’y a rien ou presque rien en face. Ils préfèrent une plate-forme où il a plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de vendeurs, que de passer d’une petit plateforme à une autre.

Une plateforme régionale en Auvergne-Rhône-Alpes où l’on retrouverai aussi bien les sites des commerçants individuels, que des sites déjà existants, créés par exemple par le chambres de commerce ou des municipalités aurait donc un vrai sens et serait à même d’attirer les clients, au détriment d’Amazon.

Vous pensez donc que les petits commerces de proximité pourraient y trouver leur compte ?

Complétement, car avec une telle plateforme régionale, on pourrait le mettre en avant, en faire la promotion ; alors que noyé dans Amazon, il n’aura aucun impact.

Le niveau régional vous paraît donc être la bonne dimension ?

Effectivement, c’est la bonne dimension. Et pourquoi pas après, se regrouper avec d’autres régions ?

Je ne comprends pas pourquoi d’ailleurs on ne l’a pas encore réalisé ! Toutes les places de marché qui ont été créées en France dans l’ensemble fonctionnent très bien et certaines, dans leurs créneaux spécifiques concurrencent même Amazon, comme par exemple le site « Mano Mano » créé par deux créateurs de start-up et qui fait déjà plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires dans le domaine du bricolage.

La menace Amazon est donc réelle et il faut agir rapidement, donc ?

Oui, on parle beaucoup de B to C (Business to Consumer).

Mais c’est la même chose dans le B to B (Business to Business). Or, là, on n’en parle pas, mais à travers sa filiale Business, Amazon est en train de tailler des croupières à tous les grossistes de France. N’oublions pas que le tiers du commerce en France est le fait de grossistes. Et là, ce sont des parts de marché que l’on ne retrouvera pas !

(*) Une scale up va au-delà de la start-up. Si le mot scale-up n’a pas encore fait son entrée dans le dictionnaire, il est déjà présent depuis quelques années dans le langage du monde des start-up. Ce terme anglo-saxon indique un changement d’échelle d’une entreprise, grâce à une stratégie d’accélération de la croissance, en particulier à l’international. C’est le cas pour Wizaplace qui prévoit de se développer l’année prochaine en Allemagne et en Espagne.