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François Turcas : « Le Medef prend une responsabilité énorme : il peut perdre la CCI de Lyon et la CRCI »

Les élections à la CCI de Lyon seront cette fois marquée par deux listes concurrentes et non pas unies comme en 2005 : l’une menée par la CGPME, l’autre par le Medef. Subissant une affaire judiciaire, le président actuel, Guy Mathiolon ne se représentera pas pour « pour pouvoir assurer sa défense ». François Turcas, président de la CGPME qui mènera la liste, mais ne brigue pas la présidence, explique les raisons qui l’ont amené à ce choix. Il présente son programme au sein duquel est affiché un désengagement de la CCI, d’EM Lyon, avec une implication souhaitée des collectivités dans son financement. Reste désormais à choisir le candidat à la présidence. Interview.

Pourquoi n’avez-vous pas été capable de faire une liste commune CGPME/Medef, comme en 2005, pour les élections à la CCI de Lyon qui se déroulent d’ici quelques semaines ?

François Turcas-La raison tient à une déclaration par voie de presse de Bernard Fontanel, le président du Medef Lyon-Rhône et de Patrick Martin, son homologue pour la région, pour remettre en cause l’accord qui stipulait que la CGPME conservait la présidence de la CCI de Lyon pendant deux ans et demi encore. Or, je devais rencontrer Bernard Fontanel deux jours plus tard. Dans ces conditions, une telle déclaration était inacceptable.

Pourquoi ?

Tout simplement parce qu’il n’y avait plus d’accord et que le Medef voulait m’imposer Benoît Soury, le vice-président de la CCI de Lyon. Or, ce même Benoît Soury n’a eu de cesse de critiquer Guy Mathiolon, le président actuel issu de la CGPME. On ne pouvait monter une liste à 50/50 avec un élu qui a scié la planche à Guy Mathiolon !

Ne pouviez-vous pas trouver un accord avec un autre candidat ?

C’est bien ce que j’ai proposé au Medef en mettant en avant deux candidats qui ont la double appartenance Medef et CGPME, Christophe Gruy, de Maïa Sonnier et Philippe Grillot, un ancien président du Tribunal de Commerce de Lyon. J’ai rencontré par deux fois Bernard Fontanel : il a voulu maintenir la candidature de Benoît Soury. L’intérêt général aurait voulu que l’on tombe d’accord. Mais ce ne sera pas le cas. La liste séparée devenait inéluctable.

Cette cohabitation Medef/CGPME à la CCI de Lyon ne s’est-elle pas en réalité pas très bien passée ?

Il y a au moins un point sur lequel Bernard Fontanel et moi-même sommes tombés d’accord : cette idée de présidence tournante que nous avions élaboré lors du précédent accord, n’était pas bonne : c’était une mauvaise idée. C’était en fait ingérable. Un président doit faire son mandat de cinq ans. Quel qu’il soit, le futur président de la CCI de Lyon qui sortira des urnes aura les mains libres.

Quelle analyse faites-vous du mandat du Guy Mathiolon, qui, rappelons-le est issu des rangs de la CGPME ?
Sur le fond, ce fut un très bon mandat. Chose rare : il laissera en partant une trésorerie en très bon état, ce qui n’est pas si courant au sein d’une CCI. Il a pratiqué l’ouverture auprès des entreprises et a activé les antennes, notamment à Tarare ou à Villeurbanne. C’est une gestion de chef d’entreprise à mettre à son crédit.

Et sur la forme ?

Sa présidence a pêché à ce niveau, suite à des déclarations intempestives et un manque de tact et de diplomatie, vis à vis de Gérard Collomb, du préfet, de Michel Mercier. Il a manqué de sens politique.

Guy Mathiolon conserve-t-il la confiance de la CGPME ?

Je ne lâche pas un membre de ma famille. Nous avons osé toucher un bastion du Medef, qui aurait souhaité que nous ne sortions pas du rang. De ce fait, le Medef ne nous a pas facilité la tâche…

Pourtant Guy Mathiolon ne sera pas candidat au renouvellement de son mandat. Il ne sera même pas sur la liste de la CGPME…

Ce n’était pas possible. Son objectif est désormais de laver son honneur et de préparer à l’audience du 12 janvier prochain.

Qui sera alors le candidat de la CGPME du Rhône à la présidence de la CCI de Lyon ?

La décision sera prise prochainement. La liste des délégués consulaires est presque complète. Je reçois les élus le lundi 4 octobre. Les prétendants seront là. On discutera. Une chose est certaine, je serai en tête de liste, mais pas dans le but de prendre des responsabilités au sein de la CCI de Lyon.

Mais derrière cette élection à la CCI de Lyon, n’y a t il pas un autre enjeu ?
Assurément, car la réforme des chambres de commerce va donner un poids beaucoup plus important aux Chambres régionales de Commerce et d’industrie. Or, la CGPME détient déjà un certain nombre de CCI en Rhône-Alpes et lors de cette élection à la CRCI Rhône-Alpes, si nous sommes élus, le poids de la CCI de Lyon pèsera beaucoup. Le Medef prend une responsabilité énorme et peut perdre à la fois la CCI de Lyon et la CRCI Rhône-Alpes !

Quel programme allez-vous proposer lors de cette élection ?

L’international, la proximité, vis à vis du commerce et des services seront mis en avant : il est vital pour nous de rapprocher les entreprises au plus près de l’activité de la Chambre de Commerce.

Nous voulons faire participer les 60 000 ressortissants du Rhône. Nous allons nous engager pour que soit privilégiée une relation directe entre nos candidats et les chefs d’entreprise : qu’ils soient disponibles. Nous voulons en finir avec cette tour d’ivoire qu’est la CCI. Nous voulons que celle-ci soit recentrée sur son cœur de métier, les PME et les TPE : que les électeurs se la réapproprient.

Dans ce cadre là, nous estimons qu’ EMLyon qui est faite pour les grandes entreprises, doit être financée par les grandes entreprises. EMLyon doit s’émanciper du monde consulaire. Cette école qui se situe parmi les meilleures françaises participe au rayonnement du territoire. Il serait logique que les collectivités participent aussi à son financement.

Nous voulons aussi une répartition plus équitable de la manne de la taxe d’apprentissage.

Optimiste alors ?

Cette élection sera plus difficile qu’en 2005 lorsqu’on nous donnait 77 % des suffrages. La réforme des organismes consulaires a changé la donne électorale. Les grandes entreprises n’ont plus une seule voix, mais chacune de leur succursale peut voter. Ainsi par exemple le groupe Casino pèse désormais 180 voix. Mais nous avons, dans ces conditions difficiles, montré notre capacité à gérer une grande CCI. Il y a là un défi que nous entendons bien relever !

Photo (DL) : François Turcas : « EM Lyon doit s’émanciper du monde consulaire ».