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Henri Biscarrat (Orapi) : “ L’industrie française face aux défis de l’après-crise “

Pour Henri Biscarrat, le président du directoire de la société lyonnaise Orapi : « préserver une plus grande dépendance du tissu industriel français est essentiel pour faire face à de futures crises. »

“Depuis le printemps 2020, la planète est confrontée à l’une des plus graves crises sanitaires de son histoire. D’abord balbutiants dans chaque pays, les plans de gestion de la pandémie, se sont peu à peu forgés et adaptés en fonction de l’évolution de la crise sanitaire. La fermeture inattendue des frontières et les fortes demandes en produits de désinfection ont amené les pays à repenser leurs forces de production sur leur propre territoire.

Cette crise sanitaire a ainsi servi de révélateur et mis en exergue deux faits saillants : notre très forte dépendance vis-à-vis d’autres pays dans l’approvisionnement de certains biens médicaux, et en parallèle, la capacité de la France à mobiliser en urgence son outil industriel.

Une agilité made in France

Au mois de mars 2020, notre pays comme beaucoup d’autres pays européens a connu une forte pénurie en produits essentiels pour lutter contre la diffusion de la pandémie : gel hydro alcooliques, désinfectants mais aussi masques, gants et autres équipements de protection individuels.

Comme souvent dans les crises, l’improbable s’est produit : une forte demande simultanée dans le monde pour les mêmes produits et le retour d’un protectionnisme exacerbé que l’on pensait révolu. Les Etats-Unis en particulier ont utilisé les ressources industrielles dont ils disposent dans le monde, y compris, parfois sur le sol Français, pour satisfaire les besoins de leur population.

Pour s’approvisionner en masques chirurgicaux, l’absence d’outil industriel a contraint notre pays, soit à participer à la surenchère mondiale des prix à l’importation, soit à s’orienter vers des solutions de fortune et des productions en tissu sans grand avenir.

S’agissant du gel hydroalcoolique et des produits de désinfections, la France dispose encore de capacités industrielles sur son territoire.

Ces dernières ont été fortement mobilisées et en un temps record, après quatre semaines de pénurie et la présence ponctuels de produits douteux, l’appareil de production français a su répondre présent et satisfaire aux besoins des personnels de santé et de l’ensemble de la population.

Beaucoup critiqués pour leur manque d’anticipation et de vision, il faut aussi saluer la mobilisation des pouvoirs publics qui à différents échelons : administration centrale, régions ou collectivités locales, grandes entreprises publiques, ont su faire preuve d’une grande réactivité et agilité pour approvisionner nos concitoyens en produits devenus essentiels.

Pour avoir vécu cette crise de l’intérieur, nous pouvons témoigner de l’engagement des ministères, des régions, des mairies pour s’approvisionner et dans certains cas mobiliser l’appareil logistique de l’armée pour garantir la livraison de lieux stratégiques.

Puissions-nous garder la mémoire au sein de nos administrations de cette logique d’efficacité qui a prévalu et amené chacun à prendre ses responsabilités et à surmonter l’inertie bureaucratique.

Mais pour que cela fût possible, encore fallait-il disposer de capacités industrielles nationales, dignes de ce nom et capables de faire face à des productions en grands volumes et dans le respect des conditions de qualités et de sécurité sur lesquelles nos concitoyens ne peuvent transiger. Grâce à son passé industriel et au dynamisme de son industrie chimique historique, notre pays dispose encore des installations industrielles capables de fournir les produits de désinfection et de détergence indispensables à notre souveraineté. Gageons que nous saurons les conserver et engager les moyens de les moderniser dans le futur proche.

L’urgence : le long terme !

Pour y parvenir, quelques mesures de bon sens et une vision à long terme sont les ingrédients du cercle vertueux qu’il est urgent d’alimenter. En premier lieu, les grands donneurs d’ordre publiques comme privés doivent désormais inclure dans leur cahier des charges une clause visant à sécuriser tout ou partie de leurs approvisionnements. Ces critères favoriseront de facto l’essor des productions de proximité. Portés par un volant d’affaires pérenne, les industriels français auront ainsi les moyens d’accélérer leurs investissements tant en recherche et développement que dans des outils de production plus modernes pour mettre à disposition des produits détergents et désinfectants respectueux de l’environnement et des utilisateurs.

Quel est le prix à payer pour s’engager dans cette voie ? Il n’y en a pas ! Le différentiel de prix initial est dérisoire par rapport aux coûts engendrés par une guerre des prix qui fragilise et fait disparaître notre tissu industriel en inondant le marché de produits bas de gamme et peu respectueux de l’environnement.

Les technologies pour développer des produits écologiques, sûrs et efficaces sont aujourd’hui disponibles et il est parfaitement possible de concilier développement durable, croissance économique et souveraineté.

Au moment où la sortie de crise se profile, nous devons tirer les leçons de ces derniers mois et ne pas revenir au modèle qui prévalait dans le monde d’avant. Ainsi, peut être devrons nous faire évoluer le code des marchés publiques pour inciter les donneurs d’ordre à faire des choix d’approvisionnements plus durables et plus sûrs. Mais c’est surtout un gros effort de pédagogie et du courage qui seront nécessaires pour convaincre nos concitoyens qu’il est possible et même indispensable de développer sur notre territoire de nouveaux outils de production.

C’est en s’engageant résolument et sans idéologie vers l’industrie du futur que nous pourrons réaliser concrètement le développement durable que chacun appelle de ses vœux.”