Toute l’actualité Lyon Entreprises

La France, terre d’ETI : et si c’était désormais possible ?

A l’heure du changement de Président et de gouvernement, la France va-t-elle franchir un cap et trouver des solutions à ses vieilles antiennes ? L’une d’elles, récurrente, touche au faible nombre d’ETI (entreprises employant entre 250 et 5 000 salariés) en France. L’accroître constitue une nécessité si l’on veut créer massivement des emplois.  

 Car les ETI sont les mieux armées pour innover et se développer sur le plan international. La France en compte aujourd’hui environ 4800 contre 3 fois plus chez nos voisins allemands et 2 fois plus au Royaume-Uni.

 Toutes proportions gardées, la France devrait compter 11 000 ETI afin d’en obtenir la même densité qu’en Allemagne ! Les solutions existent. Il faut parvenir à les mettre en œuvre. Quelles sont-elles ?

 Ne pas brider les entreprises qui se développent

 Emmanuel Macron l’a répété pendant la campagne : « je veux une administration qui facilite la vie des entreprises plutôt qu’une administration qui se contente de contrôler et sanctionner ».

 C’est une certitude : l’administration française, de par son application efficace et zélée de la réglementation, est un frein à la croissance des entreprises, en particulier à la transformation des PME en ETI.

 Ce comportement, guidé par le contrôle et la sanction et non par l’appui et l’accompagnement, pousse nombre d’entreprises à investir ailleurs qu’en France lorsque cela est possible. Et ne nous méprenons pas, cet arbitrage défavorable à la France ne profite pas uniquement à la Pologne ou à la Chine mais également à la Belgique ou à l’Allemagne. A coût sensiblement égal et réglementation équivalente, l’entrepreneur préfèrera investir là où l’administration ne va pas le ralentir.

 Les conséquences de ces « non-localisations » sur l’emploi sont nettement plus importantes que celles des délocalisations, pourtant beaucoup plus médiatisées (4 à 5 fois plus importantes selon des travaux conduits il y a une dizaine d’années par Katalyse pour la Commission des Finances du Sénat).

 On le voit, il est essentiel que nos administrations aident nos entreprises à accélérer et cessent de brider leur développement.

Aider les entreprises qui veulent se développer

 De nombreuses initiatives visant à aider les PME et ETI à se développer ont vu le jour en France depuis quelques années : accélérateurs de PME et d’ETI lancés par Bpifrance et en cours de régionalisation, accélérateurs privés, pôles de compétitivité, actions collectives portées par les Régions…

 Sur les 60 PME de la première vague de l’accélérateur de Bpifrance, 20 sont devenues des ETI. Un beau résultat qu’il convient cependant de nuancer quelque peu en rappelant que pour intégrer un accélérateur, les entreprises doivent déjà être en croissance.

Aider les entreprises en développement à poursuivre leur trajectoire de croissance, c’est bien mais qu’en est-il des PME en panne de croissance et qui ne bénéficient pas de l’appui de ces accélérateurs et autres dispositifs ?

 Figurent sans aucun doute parmi elles de nombreuses « pépites » qui s’ignorent et qui pourraient devenir de belles ETI dynamiques et innovantes.

 L’effet de levier de l’appui public serait encore plus élevé auprès de ces entreprises à la recherche de relais de croissance. Aux côtés des accélérateurs, pourquoi ne pas créer des « stimulateurs » d’entreprises, visant à stimuler leur croissance ?

Donner envie aux dirigeants de PME de développer leur entreprise

 Sans grosses PME en croissance (l’antichambre des ETI), pas de nouvelles ETI. Or, la base de données sur les PME de croissance PME+, actualisée chaque année par Bpifrance et Katalyse, montre que parmi les PME de croissance (au moins 10 % de croissance annuelle), seules 3 % (soit environ 2 000 entreprises) comptent entre 100 et 249 salariés. L’antichambre est presque déserte !

 Il nous faut donc dans un premier temps « fabriquer » ces grosses PME afin qu’elles deviennent un jour des ETI. Pour cela, il est nécessaire d’avoir à la tête des PME françaises des dirigeants souhaitant croître, voire obsédés par la croissance.

 Malheureusement, ce n’est pas le cas de la majorité d’entre eux. L’étude de Didier Chabaud, réalisée sous l’égide d’ARIANE Compétences & Management, intitulée « Qui sont vraiment les dirigeants de PME ? » est claire : elle montre que 71% des dirigeants de PME françaises préfèrent le statu quo à la croissance.

 Pas question pour eux de changer de taille dans les 3 à 5 ans à venir. Pourquoi ? Essentiellement par volonté de limiter les risques : risques en matière de ressources humaines (en particulier conflits avec les salariés), risques financiers, risques commerciaux…

 Lorsqu’un dirigeant veut développer son entreprise, il n’est pas sûr qu’il y parvienne. Mais lorsqu’il ne veut pas la développer, il est sûr d’y parvenir ! Il est impératif d’inverser la tendance mais il s’agit d’un travail de longue haleine car il porte sur la culture et les croyances profondes des dirigeants. En nous y attelant dès maintenant, cela prendra une génération. Trois leviers principaux peuvent être mobilisés :

  • Attirer de nouveaux talents dans les PME

Les dirigeants de PME ne détiennent pas toujours les compétences managériales pour structurer leur entreprise et leurs cadres sont souvent des compagnons de route ayant bénéficié de promotions internes. Du sang neuf serait fort utile mais les PME ont du mal à attirer les diplômés de l’enseignement supérieur. Les choses ont certes évolué dans le bon sens depuis une dizaine d’années avec l’attrait des start-ups mais les jeunes diplômés boudent encore les PME. Ces dernières leur offrent pourtant des parcours attrayant comportant des prises de responsabilités plus rapides.

  • Encourager les PME à ouvrir leur capital

Autre frein à la création d’ETI : les PME françaises ont aussi tendance à vouloir conserver la gouvernance au sein du noyau dur de l’entreprise, les décisions se prenant en général en famille. Une tradition bien ancrée dans la culture publique et l’histoire françaises. En nationalisant les banques au lendemain de la seconde guerre mondiale, le Général de Gaulle en a fait des banques prêteuses plus qu’investisseuses.

 En Allemagne (toujours cet encombrant voisin avec qui se comparer), les banques sont à l’inverse fréquemment entrées au capital des PME, jouant ainsi un rôle dans leur gouvernance. Plus que de l’argent, les investisseurs extérieurs apportent des idées neuves et de l’ambition.

 Contrairement aux idées reçues, les PME ont pourtant de plus en plus accès au capital investissement… lorsqu’elles sont dans une dynamique de croissance, ce qui nous renvoie à la volonté de croître. Cette peur – irrationnelle – du « loup entrant dans la bergerie » en faisant entrer au capital un nouvel investisseur a pour conséquence une forme de « consanguinité » non créative et un manque de capitaux nuisibles à la croissance.

 Dirigeants, laissez donc entrer le loup dans la bergerie et les moutons seront bien gardés !

  • Se former et faire évoluer la pédagogie entrepreneuriale

Pour pallier réticences et lacunes, un travail est donc à réaliser avec les dirigeants de PME. Il faut les convaincre de se former pour faciliter et sécuriser le développement de leur entreprise : apprendre à déléguer, demander de l’aide extérieure pour rompre l’isolement, tirer des leçons des conflits salariaux passés sont autant de thèmes de formation et de partage entre pairs.

 Plus important encore, il est primordial d’intervenir dans les écoles de management, les universités et les écoles d’ingénieurs, voire dans les collèges et lycées, dans l’espoir de faire évoluer la culture des dirigeants de PME de demain.

 L’envie reste le nerf de la guerre. Lorsque la majorité des dirigeants de PME français souhaitera se tourner vers la croissance, pour leur satisfaction personnelle comme pour celle de leurs salariés, la France pourra devenir une terre d’ETI. La résolution du principal problème de notre pays, son niveau de chômage dramatiquement élevé, sera alors à portée de main.