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Une hausse de la vacance qui n’inquiète pas encore mais interpelle

Les chiffres sont là, bruts et sans détour : le taux de vacance commerciale à Lyon, bien qu’en hausse, reste inférieur à la moyenne nationale. Pourtant, derrière ces statistiques, se cache une réalité bien plus complexe, façonnée par des tendances lourdes, des transformations urbaines et des changements de comportements des consommateurs. Quelles stratégies pour les commerçants et comment la ville tente-t-elle de relever ces défis ?

Une hausse de la vacance qui n’inquiète pas encore mais interpelle

Selon Cédric Ducarrouge, directeur de l’agence retail chez JLL, le phénomène de rattrapage post-Covid est en marche mais reste maîtrisé à Lyon. La ville affiche un taux de vacance légèrement supérieur à celui d’avant la crise, mais loin des pics observés dans d’autres métropoles françaises. En France, la moyenne nationale tourne autour de 11 à 14 %, chiffre qui témoigne d’un marché encore en reconstruction.

Il faut cependant garder en tête que cette hausse n’est pas une alerte à la catastrophe, mais plutôt une étape naturelle dans la mutation du commerce de centre-ville. Les grandes métropoles comme Bordeaux ou Nantes connaissent des évolutions similaires, avec des taux de vacance en progression mais pas encore alarmants. La raison ? un rattrapage de la période de compression liée aux aides publiques, aux prêts garantis par l’État et à la morosité de certains secteurs en difficulté, notamment l’habillement.

Les mutations du commerce : entre habitudes qui changent et nouveaux comportements

La pandémie de Covid-19 a accéléré des tendances qui étaient déjà à l’œuvre. La transformation des habitudes de consommation, notamment la montée du e-commerce, a bouleversé le quotidien des commerçants lyonnais. Selon Régis Poly, vice-président aux commerces de la CCI Lyon Métropole Saint-Étienne Roanne, 96 % des Français utilisent le shopping en ligne au moins une fois dans l’année. Cette pratique, devenue incontournable, fragilise encore davantage un centre-ville qui peine à renouveler son offre commerciale.

Le secteur de l’habillement, traditionnel pilier du commerce urbain, connaît un véritable recul. Le désir de consommer différemment, avec une préférence pour la friperie ou la seconde main, se traduit par une demande qui ne trouve pas toujours preneur dans des locaux vacants ou peu adaptés. Avec un taux de vacance tournant autour de 4 % à la sortie de la pandémie, le centre-ville lyonnais accuse un retard face aux nouvelles tendances, ce qui limite sa capacité à attirer des enseignes innovantes ou des concepts plus jeunes.

Les mutations du commerce : entre habitudes qui changent et nouveaux comportements

Ce contexte favorise l’émergence du e-commerce, qui séduit tous les profils de consommateurs. La difficulté pour les commerçants traditionnels ? S’adapter rapidement à ces nouvelles attentes. Johanna Benedetti, présidente de l’association My Presqu’île, insiste sur l’importance pour les commerçants de se remettre en question : « Qu’est-ce qui ne fonctionne plus ? Comment transformer mon commerce pour attirer une clientèle plus jeune et plus connectée ? »

Une adaptation qui passe aussi par des investissements et des stratégies

Les petites structures, souvent à capacité d’investissement limitée, doivent envisager des stratégies pour continuer à exister face à la concurrence du numérique. La digitalisation des points de vente, la création d’événements ou d’animations, ou encore la mise en place d’une offre plus ciblée sont autant de pistes pour relancer l’intérêt. La collaboration entre commerçants ou la mutualisation des ressources s’avère également essentielle pour faire face à ces mutations.

Les loyers en hausse : un frein à la revitalisation commerciale ?

Les difficultés économiques se doublent d’un facteur souvent oublié : l’augmentation des loyers. Depuis la crise inflationniste, l’indice des loyers commerciaux a progressé de 13 %, alors que le chiffre d’affaires moyen des enseignes a plutôt tendance à diminuer. Une situation qui pèse lourd sur la rentabilité des commerçants, et qui pousse plusieurs à plier bagage ou à fermer boutique.

De nombreux acteurs pointent un « jeu de pouvoir entre foncières et commerçants » où ces dernières jouent souvent sur des tableurs Excel pour faire grimper les loyers, sans forcément tenir compte de la réalité économique des petites structures. Thierry Fontaine, président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, évoque la difficulté pour certains d’entre eux de faire face à des loyers qui peuvent tripler, alors que leur chiffre d’affaires baisse.

Ce phénomène crée un cercle vicieux : des loyers trop élevés prolongent la vacance, empêchant la rotation commerciale nécessaire pour renouveler l’offre et attirer de nouvelles enseignes. La question d’un encadrement des baux commerciaux est désormais sur la table, avec l’ambition de limiter ces effets délétères pour le tissu commercial lyonnais.

Les enjeux liés à la mobilité et à l’urbanisme

Les changements dans la manière de se déplacer ont aussi un impact direct sur le commerce en centre-ville. La généralisation du télétravail et la recherche de proximité modifient la carte commerciale de Lyon. Régis Poly observe une croissance des bassins de vie autour de la ville, ce qui diminue la fréquentation du centre-ville. La réduction de la mobilité, accentuée par des travaux d’aménagement urbain, fragilise encore davantage la dynamique commerciale.

Les projets d’aménagement, souvent très médiatisés, comme la Zone à Trafic Limité (ZTL), perturbent l’accès aux commerces historiques. Certains commerçants imputent leurs difficultés aux travaux publics, qui dissuadent une partie de la clientèle. La manifestation organisée par le collectif des Défenseurs de Lyon, devant la charcuterie Bonnard, en témoigne. Ces perturbations, bien qu’éphémères, ont des conséquences économiques lourdes, estimées à plusieurs millions d’euros pour les commerçants concernés.

Face à ces enjeux, la ville tente d’adopter une approche équilibrée. La hausse de la fréquentation des transports en commun, notamment, est un indicateur positif. Mais toute la difficulté réside dans la gestion des travaux et des aménagements pour préserver l’attractivité. Certains experts craignent que la réduction de la place de l’automobile, si elle n’est pas accompagnée de solutions alternatives, accentue le phénomène de désertification commerciale.

Une ville en mutation : entre défis et opportunités

Les chiffres montrent que, malgré une légère hausse de la vacance, Lyon conserve une dynamique qui ne doit pas être sous-estimée. La création de 164 nouvelles installations en Presqu’île en 2025 témoigne d’un potentiel de rebond. Les travaux d’aménagement, même s’ils ont causé des perturbations, s’inscrivent dans un projet de transformation visant à faire de Lyon une ville plus piétonne, plus verte, et donc plus attractive à long terme.

Ce changement de paradigme nécessite cependant une gestion fine et une écoute attentive des commerçants. La mise en place d’un encadrement des loyers, la diversification de l’offre commerciale, la valorisation des circuits courts, ou encore le développement d’événements locaux sont autant d’actions qui peuvent soutenir le tissu urbain face à ces mutations.

Il est évident que le commerce lyonnais doit faire preuve d’agilité et d’innovation. La ville, pour sa part, doit continuer à investir dans des projets qui concilient mobilité, accessibilité et qualité de vie, afin d’attirer autant qu’elle fidélise. Le défi consiste à transformer ces bouleversements en opportunités, en privilégiant une approche durable et inclusive.