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Marc Sanchez, secrétaire général du SDI (Syndicat des Indépendants) : la lockdown nation ?

“ La crise sanitaire a un mérite : obliger notre pays à découvrir que les clefs de l’économie sont dans les mains de millions d’Indépendants et Très Petits Entreprises.

Ces derniers sont depuis longtemps réduits à un sigle fourre-tout de l’INSEE, méprisés pour ce qu’ils ne sont pas, c’est-à-dire ni le MEDEF et ses fleurons du CAC40, ni une armée de salariés de l’industrie susceptibles de mobiliser les médias mainstream, comme dans le cas des fermetures spectaculaires d’usines en voie de délocalisation. Les TPE sont un écosystème faisant fonction de rempart – hélas ignoré – contre l’inactivité et le chômage. Une armée de l’ombre bâtie sur un micro-capitalisme de proximité non financiarisé et sur la valeur ajoutée du travail hors de toute velléité spéculative.

On est tout aussi loin du prolétariat industriel du XIXe siècle que du modèle néolibéral des GAFAM.

Coup de grâce ?

Le reconfinement, quelle que soit sa légitimité sanitaire, s’est abattu sur les TPE comme une nouvelle déflagration après le confinement du printemps et les restrictions administratives sectorisées de septembre. Les artisans, commerçants, restaurateurs, coiffeurs, libraires, professionnels de l’événementiel… ne sont plus seulement « en danger », mais proches du coup de grâce.

Nous pourrions vivre le dernier acte de la chronique d’une mort sociale annoncée. Les invitations à l’optimisme lancées aux TPE depuis la glorification de la Start-Up Nation sont aujourd’hui en parfait décalage avec la réalité de ceux qui vivent de leur activité.

Une TPE sur quatre a enregistré en 2018 un bénéfice annuel moyen de 14 000 €. Hélas, les médias paraissent le plus souvent incapables de rendre compte des drames qui se jouent par centaines de milliers, alors que le socle des petites activités se dérobe en ce moment sous les pieds de la société française.

Un pan entier du front social

La « mère des batailles » a démarré sur le front sanitaire. Sur le front économique, l’Etat a engagé ses forces pour protéger le capital industriel de la France. Mais après avoir sacrifié ses TPE, en sera-t-il réduit à une seule politique de traitement social du chômage ?

Des dizaines de milliers de microstructures font encore vivre, sans argent public, un entrepreneur, son conjoint et sa famille avec moins d’un SMIC. Sans accès, comme l’avait promis le Président candidat, à l’ouverture de droits à l’indemnisation du chômage en cas d’échec. Un pan entier du front social repose sur les TPE dont 92 % des Prêts Garantis par l’Etat ont déjà été absorbés par les dettes et les charges courantes, 5 % seulement ayant pu être affectés à l’investissement. Selon la Banque de France, 150 000 d’entre elles sont menacées de cessation de paiement.

Leur moral ? 80% estiment que France Relance n’aura aucun impact positif sur leur activité. La trésorerie est l’oxygène des TPE. Nous connaissons depuis longtemps les solutions pour garantir leur viabilité : l’application du principe « zéro chiffre d’affaires = zéro charge » et la suppression promise de l’Impôt sur les Sociétés pour des milliers de SAS et SARL.

Mais l’Etat n’est-il capable que de réagir à la crise, au risque de n’en gérer que ses dégâts sociaux ?

Ou décidera-t-il enfin de desserrer l’étau qu’il maintient depuis des années sur les TPE, premiers actifs non délocalisables, et faire enfin confiance à leur rôle d’intégration socio-économique, rôle que personne d’autre n’est capable d’assumer ?

A l’évidence, les déclarations compassionnelles des responsables publics laissent craindre le pire, et une inquiétante option « schumpétérienne » résonne déjà comme une renonciation : la destruction accomplirait son œuvre créatrice futuriste au profit d’une société d’innovation qui n’attendait que d’enterrer l’Ancien Monde. Mais après la Startup Nation, la Lockdown Nation ne laisserait pour le présent que des cadavres économiques et des drames humains dont aucun technocrate n’aura appris à gérer la facture pharaonique. “

Une tribune déjà parue dans le JDD
Par Marc Sanchez, secrétaire général du SDI (Syndicat des Indépendants)

Co-signée par : 
Yves Censi, ancien député, entrepreneur,
Yves Jégo, ancien ministre, président fondateur de la Certification Origine France Garantie
Thibault Lanxade, PDG du groupe Jouve et ancien VP du Medef
Gilles Babinet, entrepreneur, VP du Conseil National du Numérique
Marc Touati, économiste