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Les navettes fluviales, une vraie solution ?
Tous les candidats ou presque promettent de développer la mobilité sur le Rhône et la Saône. Et le Sytral, un temps récalcitrant, a deux projets de lignes. Reste un écueil : les temps de transport…

Les élus viennent-ils de découvrir que Lyon est traversée par un fleuve et une rivière ? Depuis quelques semaines déferlent dans leurs programmes des projets de navettes sur le Rhône et la Saône. Couzon / Gerland et Cité internationale / Pierre-Bénite pour David Kimelfeld, Collonges / Confluence et Cité internationale / Hôtel-Dieu (voire Gerland) pour Gérard Collomb. Même Bruno Bernard (EÉLV) qui se montrait réservé surfe sur la vague.

DES NAVETTES À BORDEAUX ET NANTES

Il faut dire que de telles lignes existent ailleurs. Nantes dispose de son Navibus, intégré à son réseau de transport, qui traverse la Loire en six minutes. Et le Bat3, à Bordeaux, relie les deux rives de la Garonne en 4 minutes et compte de cinq arrêts, dont la Cité du vin. Des projets plus futuristes émergent aussi, comme les Sea Bubbles, ces taxis volants électriques que Paris devrait – peut-être – adopter. Même la très sérieuse Compagnie nationale du Rhône (CNR) planche sur des barges à propulsion hydrogène vert.

À ce jour, une seule navette circule quotidiennement à Lyon : le Vaporetto qui relie la Confluence à Vaise via Bellecour. En 2019, le “bateau-bus” a embarqué 128 000 personnes. On peut faire mieux… “En termes de trafic, la rivière peut largement absorber une hausse du nombre de bateaux”, assure Maryline Revol, chef du service fluvial lyonnais à Voies navigables de France. Elle fait aussi remarquer l’intérêt  d’utiliser les voies d’eau pour la logistique urbaine. “On a une Presqu’île desservie par un fleuve et une rivière”, souligne-t-elle.

UN INVESTISSEMENT PEU CHER

Si les professions de foi regorgent de projets, il faut passer la porte du Sytral pour voir le projet le plus avancé. Ironie de l’histoire : c’est l’ancêtre du Sytral – l’OTL (Omnibus et tramways lyonnais) – qui mit un terme aux bateaux-mouches lyonnais en 1913 (lire ci-dessous).

S’impose un premier avantage : le coût d’investissement. On est loin des 120 à 150 millions du kilomètre d’un métro ou des 25 millions au kilomètre d’un tramway. Pour la liaison sur la Saône, il est question de 7 à 9 millions d’euros pour aménager les bas ports, et 7,2 millions pour acquérir les huit navires nécessaires.

Côté Rhône, quelque 5 millions d’euros pour l’infrastructure et 5,4 millions pour les six bateaux. Des deux côtés, le service afficherait un départ toutes les quinze minutes en heures de pointe. Mais il accuserait un gros point noir : les temps de parcours. 47 minutes entre Vaise et la Confluence, 29 minutes entre la Cité internationale

et la halle Tony-Garnier. De telles durées font douter de leur futur usage pour des déplacements domicile-travail. Dans ces conditions, le Sytral aurait-il vocation à subventionner un mode de transport réservé aux touristes et plaisanciers du dimanche ?

DES NAVETTES-TORTUES

L’écueil est bien celui de la vitesse. “Elle est limitée pour des raisons de sécurité, comme sur la route”, explique Maryline Revol. Il est notamment question d’éviter le batillage (soit la déferlante de vagues) entre les bateaux et en direction des quais. Mais le plafond n’est pas de 50 km/h comme en ville ou de 30 km/h comme en Presqu’île… mais de 12 km/h ! Cette norme s’applique au Rhône et à la Saône en traversée de Lyon, tandis qu’elle est de 30 km/h en amont de l’île Barbe et en aval de la Confluence.

Ce chiffre de 12 km/h peut cependant être relativisé. Les navettes circulent lentement, mais s’arrêtent très peu sur leur parcours. En comparaison, un bus peut être piégé dans le trafic automobile, s’immobilise aux feux et marque souvent des arrêts pour récupérer des voyageurs. Keolis, l’exploitant des TCL, nous a communiqué leur vitesse moyenne en centre-ville. Celle-ci varie de 11,5 km/h pour S1 (Saint-Paul / Confluence) ou 12 km/h pour le C4 (Cité internationale / Jean-Macé) à 23,5 km/h pour la ligne 40 (Neuville / Bellecour).

Toutefois cette limite de vitesse fluviale est en passe d’évoluer. Une expérimentation est en cours sur le Rhône, à 20 km/h. “C’est plus simple ici, les quais sont plus hauts, le fleuve est plus large, moins sinueux et il y a moins de ponts”, résume Maryline Revol. “On n’arrivera pas au-delà de 30 km/h”, prévient-elle toutefois.

Reste une autre difficulté : les épisodes de crue. Lorsque le niveau de l’eau monte, un système de circulation alternée est mis en place, par tranche de trois heures. Ce qui fait une sacrée attente… Et lorsque la situation est franchement critique, la navigation est carrément interdite. Pareille interruption ne s’est pas produite en 2019, mais les années antérieures, notamment en hiver et au printemps. “Il y a moins de jours de crue que de grèves des TCL”, relativise toutefois grinçant Roland Bernard, conseiller municipal et promoteur de ce mode de transport.

 

QUAND LES BATEAUX-MOUCHES FAISAIENT FUREUR

Il suffit de plonger dans l’histoire de Lyon pour constater que le Rhône et la Saône furent des axes de déplacement. Sans remonter à l’Antiquité où l’un et l’autre ont servi d’artères majeures pour le transport de marchandises, le XIXe siècle a vu surgir les fameux bateaux-mouches, fabriqués à Gerland (et arrivés à Paris en 1867). Ils assuraient une liaison quotidienne entre Vaise et La Mulatière jusqu’à la Première Guerre mondiale. Lesquelles mouches se mueront en guêpes, plus grosses, qui remonteront jusqu’à Collonges et qui transportaient 1,5 million de passagers par an – avec un pic en 1871 à 4 millions. Et après les guêpes vinrent les abeilles…

 


NOUVEAU LYON #39

 

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