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Redressement judiciaire : savoir pour ne pas en avoir peur [Dossier II/II]

Le vocable de redressement judiciaire évoque plutôt dans l’esprit commun une procédure contraignante et souvent douloureuse. Pourtant, ce n’est pas ainsi que le législateur l’a entendu lors de sa mise en place. 

Sommaire et accès rapide

[Partie I] [Partie II]

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Il s’agit plutôt d’une procédure qui vise à la sauvegarde de l’entreprise elle-même au travers de la poursuite de son activité, au maintien de ses emplois et à la protection des intérêts de ses créanciers en vue de l’apurement de la dette.

Le redressement judiciaire pour qui ?

Le redressement judiciaire vise essentiellement les personnes physiques ou morales exerçant une activité commerciale ou artisanale, les agriculteurs ou autres personnes physiques exerçant une activité professionnelle indépendante (y compris une profession libérale comme celles d’avocat ou de médecin), ainsi que toute personne morale de droit privé (société civile, association).

Pour bénéficier d’une telle procédure de redressement judiciaire, la personne concernée doit se trouver en état de cessation des paiements mais sa situation ne doit pas être définitivement compromise.

Qu’est-ce qu’une cessation de paiements ?

Une entreprise est en état de cessation de paiements lorsqu’elle se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible (ses dettes) avec son actif disponible (liquidités essentiellement). Cette notion de cessation de paiements recouvre des réalités différentes suivant que l’acception est utilisée en droit, en comptabilité, … etc. Mais l’idée générale est celle qui précède.

La situation n’est pas obligatoirement dramatique ; elle peut seulement résulter de retards de règlement de la part de clients indélicats. Elle ne sera, dans ces conditions, que ponctuelle et sa résolution peut passer par un redressement judiciaire.

Que doit-on faire lorsqu’on n’y arrive plus ?

Afin de préserver le potentiel de l’entreprise, le maintien de l’emploi et de faire en sorte de garder ses fournisseurs, outre le fait de se protéger d’une éventuelle condamnation personnelle, le dirigeant de l’entreprise est engagé à déposer une déclaration de cessation de paiements, au plus tard dans les 45 jours de sa constatation.

Celle-ci peut, également, être le fait d’un créancier ou du procureur de la République sauf si une procédure de conciliation est en cours.

Cette déclaration s’effectue, pour les commerçants, auprès du greffe du tribunal de commerce dans lequel se trouve l’établissement principal ou le siège social de l’entreprise (le greffe auprès duquel l’entreprise est immatriculée) ou auprès de tribunal de grande instance pour les structures relevant du droit civil (formulaire en ligne). 

Que va-t-il alors se passer ?

La déclaration de cessation de paiements donne lieu à une audience du tribunal de commerce ou de grande instance. Au cours de cette audience, la situation de la personne en cessation de paiements est examinée et les observations du déclarant recueillies.

Le tribunal rend, ensuite, un jugement d’ouverture de procédure collective, qui sera, si la situation le permet, de redressement judiciaire.

Dans le cas où il est estimé que l’entreprise ne peut pas être redressée, le tribunal invite le débiteur à présenter ses observations sur l’ouverture éventuelle d’une liquidation judiciaire. Sans opposition, la liquidation judiciaire peut être ensuite prononcée.

La période d’observation

Si l’entreprise présente des possibilités de redressement, une période d’observation de 6 mois maximum, renouvelable sans pouvoir dépasser 18 mois, est alors ouverte. Pendant cette phase, un bilan économique et social de l’entreprise sera réalisé, par un organe très important de la procédure qu’est l’administrateur judiciaire.

L’ouverture de la procédure entraîne, également, la suspension des poursuites : cela signifie que les créanciers de l’entreprise, qui existaient avant l’ouverture de la procédure, ne peuvent plus engager de poursuites en justice ni procéder à des saisies. Elle arrête aussi le cours de la plupart des intérêts et des majorations.

Pendant la période d’observation, seuls les licenciements économiques ayant un caractère urgent, indispensable et inévitable, peuvent être prononcés. Après information des représentants du personnel s’il y a lieu, ces licenciements doivent être autorisés par le juge commissaire en charge du dossier de redressement.

Le rôle de l’administrateur judiciaire

Son rôle est défini aux termes du jugement d’ouverture de la procédure. Ses pouvoirs sont plus ou moins étendus suivant la situation de la structure. Sa première mission est d’approfondir sa connaissance de l’entreprise, de dresser l’état des actifs et d’estimer les chances qu’aurait une procédure de redressement d’apurer et de bonifier la situation économique et sociale de l’entreprise.

Trois types de missions sont possibles :

Assistance du dirigeant (cas le plus courant) : 

l’administration de l’entreprise reste assurée par son dirigeant. L’administrateur veille au respect de toutes les obligations légales incombant au chef d’entreprise. Les décisions stratégiques et générales sont prises en commun par le dirigeant et l’administrateur, qui cosigne les chèques et les virements. La poursuite de l’entreprise s’exerce sous leur responsabilité partagée (juridique et pénale).

Surveillance :

Le dirigeant reste maître de la gestion courante de l’entreprise. L’administrateur contrôle le bon déroulement de la Période d’observation. Il peut intervenir dans les domaines relevant de sa compétence (poursuite des contrats, requête au juge-commissaire, PSE..).

Remplacement du dirigeant (exceptionnel)

L’administrateur administre seul l’entreprise ; le dirigeant n’intervient pour les actes courants de gestion que sur demande expresse de l’administrateur.

La mission d’assistance

L’administrateur judiciaire est impliqué dans la gestion courante de l’entreprise : il contresigne les chèques et les virements.

L’administrateur est le véritable pivot de la procédure : il veille à ce que, durant la Période d’observation, l’exploitation soit au moins équilibrée et si possible suffisamment bénéficiaire pour envisager un remboursement du passif dans un délai maximum de 10 ans. Il peut négocier avec les principaux créanciers, aux côtés du débiteur (banques, Trésor Public, l’URSSAF, principaux fournisseurs etc).

Il aide le dirigeant à élaborer puis mettre en œuvre les mesures de restructuration de son entreprise : réduction des coûts, plan de sauvegarde de l’emploi, etc. Il élabore avec lui le plan de redressement de son entreprise si l’administrateur judiciaire estime que la période d’observation a été suffisamment probante pour proposer un plan d’apurement du passif aux créanciers (dans un délai maximum de 10 ans).

Dans le cas contraire, il peut lancer un appel d’offres afin de bâtir un plan de cession de l’entreprise, devant permettre un maintien de tout ou partie des effectifs ainsi qu’un prix de cession des actifs conforme à leur valeur d’exploitation;

Enfin, il peut demander la liquidation judiciaire si aucun plan n’est possible et que l’exploitation durant la période d’observation ne génère pas de bénéfices.

L’administrateur judiciaire, pour mener à bien sa mission, peut s’adjoindre les services et les compétences d’experts dans des domaines particuliers.

Le représentant des créanciers

Un autre organe de la procédure de redressement judiciaire est un mandataire judiciaire chargé d’établir le montant et le détail du passif de la personne se trouvant sous le coup de cette procédure ; il est courant de l’appeler « représentant des créanciers » du fait de la nature même de sa mission.

Il est, tout comme l’administrateur judiciaire, nommé aux termes du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

Il est mandaté pour représenter l’ensemble des créanciers de l’entreprise en redressement. Sa particularité générale est qu’il peut être mandaté par n’importe quel Tribunal de la Cour d’Appel ayant à traiter une procédure de redressement judicaire d’entreprise.

Ses missions principales consistent à examiner les déclarations de créances adressées à l´entreprise en redressement par ses créanciers, consulter le débiteur à leur sujet, offrir au tribunal son opinion sur l’acceptation ou le rejet de ces déclarations.

Son rôle s’étend aussi à la communication avec les créanciers sur les modalités de règlement du passif tout comme à intenter toute action en justice dans l´intérêt collectif des créanciers.

Comme nous l’avons vu,
un redressement judiciaire peut avoir trois issues :

  1. la pérennité de l’entreprise avec un plan de redressement qui permettra de rembourser les créanciers sur une période maximale de 10 ans
  2. la continuité de l’entreprise avec un plan de cession et le maintien de l’emploi qui permettra de désintéresser certains créanciers mais peut-être pas tous
  3. la fin de l’entreprise avec le prononcé de la liquidation judiciaire à la fin de la période d’observation si celle-ci a été préconisée par l’administrateur.

Les textes :

Sophie Berlioz -Consultante Juridique Lyon-Entreprises.com

Sophie BERLIOZ, +33 612 19 14 32
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Consultante Juridique – Enjeux & Solutions