Toute l’actualité Lyon Entreprises

lyon entreprises sycabel

Alors que la France touche à la fin de son grand chantier du déploiement de la fibre optique, les industriels du secteur, réunis au sein du SYCABEL, tirent la sonnette d’alarme. Au cœur de l’infrastructure numérique nationale, les câbles à fibre optique font face à une concurrence étrangère croissante, mettant en péril un tissu industriel stratégique, notamment en Auvergne-Rhône-Alpes. Entre besoins de souveraineté, normalisation technique et relocalisation, les enjeux dépassent largement la seule question de la connectivité.

Un ralentissement du marché aux effets ambigus

Après plusieurs années de forte croissance, le marché français des câbles à fibre optique entre dans une phase de stabilisation. Le volume de câbles déployés sur le territoire est désormais en baisse, conséquence logique d’un taux de couverture national supérieur à 90 % dans les zones éligibles. Mais cette évolution cache une tension plus profonde : le repli des commandes s’accompagne d’une intensification de la concurrence à bas coût, principalement asiatique.

Les industriels français – dont plusieurs sont implantés en Auvergne-Rhône-Alpes – alertent sur le risque d’un décrochage structurel. Cette pression sur les prix fragilise les unités de production locales, qui doivent faire face à des coûts de fabrication plus élevés tout en maintenant des standards de qualité, de durabilité et de conformité réglementaire.

Un enjeu de souveraineté industrielle pour les territoires

La région Auvergne-Rhône-Alpes joue un rôle central dans la filière câble française. Elle accueille plusieurs sites industriels stratégiques, en particulier dans la Loire, le Rhône et l’Isère. Ces unités participent non seulement à la production de câbles pour les réseaux télécoms, mais aussi à la recherche, au développement de nouveaux produits et à la montée en compétences dans les technologies de communication.

La maîtrise de ces savoir-faire constitue un enjeu de souveraineté technologique. Alors que la connectivité devient un bien critique – tant pour les usages professionnels que pour les services publics ou la sécurité des infrastructures – dépendre de fournisseurs extra-européens pour les éléments clés du réseau représente une vulnérabilité majeure. Le maintien et le renforcement de la production locale sont donc essentiels à la résilience numérique du pays.

Un besoin de normalisation pour préserver la qualité des réseaux

Au-delà des volumes produits, le SYCABEL appelle à un renforcement des exigences techniques dans les appels d’offres. L’objectif : éviter que les critères de prix ne conduisent à l’utilisation de câbles non conformes aux standards européens. Ces produits, souvent introduits par des marchés publics peu rigoureux sur les spécifications techniques, présentent des risques en matière de fiabilité, de durabilité et de sécurité des installations.

L’enjeu est particulièrement sensible dans les zones rurales ou montagneuses, comme celles que l’on trouve dans l’ouest de l’Auvergne ou les Alpes. Là où l’environnement est plus contraignant, la qualité du matériel conditionne directement la pérennité des réseaux. Des câbles de moindre qualité peuvent engendrer des ruptures de service, des coûts de maintenance accrus, voire des risques de sécurité.

Relancer une dynamique industrielle européenne

Le SYCABEL plaide pour une politique industrielle volontariste en faveur de la filière fibre optique, à l’image des stratégies déjà mises en œuvre dans d’autres secteurs critiques. Cela implique une coordination étroite entre l’État, les collectivités territoriales, les opérateurs télécoms et les industriels. Pour les entreprises implantées en Auvergne-Rhône-Alpes, cela représenterait une opportunité de renforcer leur ancrage local tout en innovant dans des câbles de nouvelle génération (ultra-haut débit, durabilité renforcée, adaptabilité aux territoires complexes).

Des dispositifs comme les fonds France 2030 ou les projets de relocalisation industrielle pourraient être mobilisés pour accompagner la modernisation des outils de production, le développement de nouvelles compétences et l’intégration de matériaux plus durables. Il s’agit aussi de valoriser la production française auprès des donneurs d’ordre, publics comme privés, en intégrant des critères de proximité, de qualité et de traçabilité dans les marchés d’infrastructures numériques.

Vers une deuxième vague d’investissements territoriaux ?

Alors que la phase d’installation massive de la fibre s’achève, une seconde vague d’investissements pourrait émerger autour de la maintenance, de la densification et de la mise à niveau des réseaux existants. Cette perspective ouvre de nouveaux marchés pour les industriels du câble, à condition qu’ils soient en capacité de répondre avec des produits adaptés, fiables, réparables et conçus dans une logique de cycle de vie étendu.

La région Auvergne-Rhône-Alpes, forte de son réseau de PME industrielles, de pôles de compétitivité et de plateformes technologiques (comme Minalogic ou CIMES), est bien positionnée pour accompagner cette transition. L’enjeu est de transformer une fin de cycle en nouvelle opportunité industrielle, en capitalisant sur les compétences et les infrastructures existantes.

Des emplois industriels à préserver et à renforcer

La filière câble représente plusieurs centaines d’emplois directs en Auvergne-Rhône-Alpes, sans compter les sous-traitants, les laboratoires partenaires et les acteurs du déploiement. La perte de commandes ou la relocalisation hors Europe des productions mettrait en danger cet écosystème. À l’inverse, une stratégie industrielle cohérente permettrait de conforter les emplois existants, d’en créer de nouveaux et de renforcer l’attractivité des filières techniques auprès des jeunes.

Dans un contexte de réindustrialisation nationale et de transition numérique, les câbliers régionaux ont un rôle à jouer dans la reconstitution d’une base productive forte, capable de répondre aux défis de souveraineté technologique, de transition écologique et de couverture numérique équitable des territoires.

Transformer la vigilance en action territoriale

L’appel lancé par les industriels du SYCABEL ne vise pas à ralentir l’ouverture des marchés, mais à réintroduire de la cohérence entre politique numérique, stratégie industrielle et ancrage territorial. Il en va de la pérennité des réseaux, de la compétitivité des entreprises locales, et de la capacité à conserver une autonomie technologique dans les domaines critiques.

Pour l’Auvergne-Rhône-Alpes, qui figure parmi les régions les plus industrialisées d’Europe, ces enjeux sont concrets, immédiats et porteurs de valeur. Soutenir les producteurs de câbles locaux, intégrer des critères de qualité dans les marchés publics, et relancer une dynamique d’innovation industrielle autour de la connectivité : autant d’actions à envisager pour faire de la filière câble un atout stratégique régional.