Après le redressement judiciaire de Kem One : Thierry Le Hénaff, Pdg sous pression
Thierry Le Hénaff, Pdg du chimiste de spécialités Arkema, se retrouve dans une posture difficile.
Huit mois seulement après la vente de son ex-filière vinylique, celle-ci lui revient comme un boomerang. Gary Klesch, l’homme à qui il a vendu ladite filière, mais aussi les syndicats et l’Etat lui-même aimeraient bien qu’un trait soit tiré sur cette cession et que la filière vinylique revienne dans le giron d’Arkema.
Thierry Le Hénaff a fait savoir que le sujet n’est pas à l’ordre du jour, mais tiendra-t-il longtemps face à cette pression qui, à n’en pas douter, va aller grandissante ?
Une période d’observation de six mois
Après le dépôt de bilan par Gary Klesch, son Pdg, le Tribunal de Commerce de Lyon a mis en redressement judiciaire pour une période d’observation de six mois, la société Kem One SAS, soit 1 300 personnes réparties sur le siège social, basé à Lyon et sept sites industriels : Balan (Ain), Saint-Fons (Rhône), Saint-Auban (Alpes de Haute-Provence), Berre, Fos-sur-Mer et Lavéra (Bouches-du-Rhône) et Vauvert (Gard).
Signal intéressant : Gary Klesch ne dirige désormais plus l’entreprise. Le Tribunal de Commerce a décidé d’en confier l’entière administration à un administrateur judiciaire.
Il est vrai que Gary Klesch estime avoir été victime d’une « fausse information » de la part d’Arkema sur les activités cédées et qui étaient déjà déficitaires. Il avait annoncé début mars qu’il poursuivait Arkema devant la justice et exigeait 310 millions d’euros de dommages et intérêts. Une première épée de Damoclès pesant sur Arkema et un moyen de coercition qu’il faut prendre en compte.
« L’équipe dirigeante ne doute pas de l’implication d’Arkema… »
Dans un communiqué, l’équipe dirigeante de Kem One qui reste aux commandes sous la responsabilité de l’administrateur judiciaire faisait d’emblée monter la pression dans un communiqué : « Compte-tenu des enjeux industriels, économiques et sociaux de cette filière pétrochimique et chimique dont les acteurs en France sont totalement interdépendants, l’équipe dirigeante de Kem One ne doute pas de l’implication de son ancien actionnaire Arkema… »
En utilisant leur propre vocabulaire, les syndicats, opposés dès le début à la cession du pôle vinylique à un homme, Gary Klesch, qu’ils voient plus comme « un financier aux comptes opaques » que comme un industriel, ne disent pas autre chose.
Ainsi, ces même syndicats entendent mettre le groupe Arkema devant ses responsabilités, le pressant de ramener les sites français de Kem One dans son giron.« On va se battre pour qu’Arkema assume ses responsabilités et récupère son pôle vinyle », commentait dès lundi soir Didier Chaix (CGT).
Pour en rajouter, on ne devrait pas tarder à voir Arnaud Montebourg, le ministre au redressement productif probablement monter au créneau, à son tour, Kem’One devenant de facto le dossier n°1 de son représentant en Rhône-Alpes, Alexandre Moulin, l’homme chargé d’éteindre à la Préfecture de Région, les incendies sociaux.
Pour bien comprendre la partie déchecs qui va s’engager, il faut également avoir à l’esprit deux autres paramètres. Arkema reste au cœur du dossier puisque le chimiste est depuis deux mois partie prenante des négociations déjà engagées avec Kem One.
Le fait que ces discussions ne soient plus menées par Gary Klesch, mais par l’administrateur judiciaire va sans doute faciliter les choses.
Des entreprises très interdépendantes
Il faut également savoir que tant Total, l’ex-propriétaire d’Arkema que ce dernier, sont très interdépendants. C’est Total qui fournit l’étylène qui permet de fabriquer le vinyle de Kem One , ce dernier partageant en outre deux sites avec Arkema.
Bref, une liquidation judiciaire des principaux actifs de Kem’One aurait des conséquences, à la fois en amont et en aval et n’est guère concevable. Les négociations vont donc se jouer au couteau, d’autant qu’un éventuel retour de Kem One dans le giron d’Arkema, huit mois seulement après la vente, sonnerait comme un désaveu de son Pdg, Thierry le Hénaff.
Reste donc aux négociateurs à trouver le bon dosage pour régler cette délicate affaire au mieux ; au risque, sinon de se solder par des centaines de lienciements en cas d’échec.
Quelques heures après l’annonce de la mise en règlement judiciaire de Kem One par le Tribunal de Commerce de Lyon, le langage d’Arkema restait ferme . « Arkema précise que la situation créée aujourd’hui est un acte unilatéral du groupe Klesch qui a pris la décision de séparer les deux activités amont (Kem One SAS) et aval (Kem One Innovative Vinyls SAS) et de ne pas mettre en place les financements et garanties prévus », précisait le chimiste dans un communiqué.
« Que la procédure clarifie les raisons de la situation actuelle… »
Et d’ajouter : « Arkema attend donc que la procédure de redressement judiciaire permette de clarifier les raisons de la situation actuelle (marche des unités, gestion de la force majeure du vapocraqueur de Lavéra, évolution des marges et des volumes) et souhaite que cette procédure permette également de s’assurer au plus vite que les moyens financiers mis par Arkema à la disposition de Kem One ont été utilisés conformément à leur objet social… »
Le sort du troisième acteur européen du PVC, pesant un milliard d’euros de chiffre d’affaires va se jouer dans les jours et les semaines à venir.
Photo (DR)–Thierry le Hénaff, un Pdg sous pressions.