Du rififi dans les CCI
Un conflit au sein du microcosme lyonnais, susceptible de ne pas intéresser grand monde ? Pas sûr car derrière la dernière polémique en date se retrouve un clivage entre partisans de la métropolisation et ceux de la régionalisation.
Tout débute dans une très longue interview de sept pages, sans concession, de Philippe Grillot, le président de la CCI de Lyon à notre confrère « Acteurs de l’économie » (*) dans lequel le responsable consulaire « balance » fort.
Il attaque la réforme consulaire qui a donné un rôle important à la CCI régionale, au détriment des CCI territoriales dont la CCI de Lyon : « L’Hexagone dénombre 130 établissements et je constate l’inflation des coûts du système consulaire car les échelons national et régional, se structurent, recrutent à l’extérieur plutôt que de puiser dans les ressources humaines des CCI Territoriales ».
« Cette situation est invivable »
Il ajoute, concernant le poids accru donné à la CCI régionale : « Cette situation est invivable. Je fustige cette schizophrénie qui voit d’un côté les patrons d’entreprise chaque jour travailler à être moins dispendieux et plus efficaces et de l’autre les établissements consulaires qui sont leur représentation première, incapables d’honorer une telle exigence. » Dur ce constat vu de l’intérieur émanant du président de la plus importante CCI de Rhône-Alpes !
Philippe Grillot va plus loin, envisageant même la disparition de la CCI régionale ! « A la question « Ne faut-il pas envisager la disparition de la CCI de Lyon » sous-entendu pour la fusionner avec la CCI Régionale, il répond : « Ce débat est légitime. Mais l’établissement qui, selon moi, devrait être effacé n’est pas celui que vous évoquez. Qui compte sur le terrain ? Qui fait sens dans les entreprises ? Qui connaît les problématiques locales ? Les CCI territoriales. La responsabilité des CCI régionales devrait être circonscrite à coordonner et à centraliser les moyens développés au profit des entreprises. Ou alors, il faut assumer jusqu’au bout et retirer tout pouvoir aux Chambres locales et de conduire la démobilisation des troupes sur le terrain. » Des propos sans concession
La réplique, sous la forme d’un communiqué émanant de signé François Turcas, le patron de la CGPME et de Bernard Fontanel, celui du Medef, n’a pas tardé. Les propos là aussi sont sans aménité.
« Nous sommes en profond désaccord »
« Medef Lyon-Rhône et la CGPME du Rhône désapprouvent les récents propos de Philippe Grillot, Président de la CCI de Lyon, rapportés par Acteurs de l’Economie. Nous sommes en profond désaccord, tant sur le fond que sur la forme, avec son analyse de la réforme consulaire. Nous soutenons cette réforme avec vigueur car elle permet de rationaliser les actions et les coûts dans le réseau des Chambres de Commerce et d’Industrie. »
Et les deux présidents d’ajouter : « La polémique lancée par Philippe Grillot sur plusieurs thèmes est un combat du passé. A l’heure où un grand nombre de chefs d’entreprise connaissent des difficultés majeures, il relève de la responsabilité des décideurs économiques et politiques de placer leur énergie à agir constamment dans un esprit d’unité et de rassemblement, et non d’être à l’initiative de débats dépassés qui n’apportent rien aux entreprises et contribuent à les diviser. »
« Des propos à la violence surprenante »
Les deux responsables patronaux enfoncent le clou et mettent en cause la cohérence du président de la CCI de Lyon : « La violence des propos de Philippe Grillot est d’autant plus surprenante qu’elle ne correspond pas à ses votes. Le projet régional, qui permet de faire les économies en mutualisant les bons outils d’un riche réseau de 11 CCI, est un projet partagé. Toutes les décisions ont été votées à l’unanimité des membres, dont ceux de la CCI de Lyon. »
Et d’ajouter : « Si les CCI territoriales, dont celle de Lyon, jouent le jeu de la réforme et n’embauchent pas de personnel sur la base de compétences dorénavant dévolues aux CCIR, la réforme portera ses fruits et le réseau consulaire gagnera tant en efficacité qu’en économies d’échelle. »
Ce communiqué se termine par un soutien à Jean-Paul Mauduy, le président de la CCI régionale : « Bernard Fontanel, Président du MEDEF Lyon-Rhône et François Turcas, Président de la CGPME du Rhône, soutiennent pleinement les actions menées par la CCIR et renouvellent leur confiance à Jean-Paul Mauduy pour mener à bien la réorganisation régionale du réseau consulaire, dans une optique de baisse des coûts et d’efficacité pour les entreprises du territoire, tout en réaffirmant les missions dévolues à la CCI de Lyon. »
Cette gué-guerre mise sur la place publique est surprenante à deux titres. Elle illustre derrière une image d’Epinal, les fissures d’un micro-climat lyonnais pourtant réputé pour la qualité de son jeu collectif.
Il faut savoir aussi que Philippe Grillot a été mis en place à l’issue d’élections menées et gagnées par la CGPME. Qui manifestement voit son candidat et héraut lui échapper pour mener un jeu personnel et non collectif.
Métropolisation ou régionalisation ?
Cet épisode médiatique illustre enfin la coupure entre les partisans de la métropolisation menée par Michel Mercier et Gérard Collomb dont Philippe Grillot est proche et ceux de la régionalisation menée par Jean-Jack Queyranne et Jean-Paul Mauduy, à laquelle se rallient assurément François Turcas et Bernard Fontanel.
Il faut enfin savoir que la CGPME et le Medef ont décidé de faire liste commune en 2015, lors des prochaines élections consulaires. Pas sûr que cette fois, Philippe Grillot figure en tête de tête de liste !
(*) « Acteurs de l’Economie », novembre 2013 : « Philippe Grillot, l’entretien choc ».
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