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Lyon va-t-il perdre Interpol ?

Face à la cacophonie ambiante et au jeu des petites phrases, Pascal Malhos, le préfet du Rhône a décidé de réunir autour d’une même table les trois acteurs susceptibles de contribuer au maintien à Lyon d’Interpol : Bruno Bernard, Grégory Doucet et Laurent Wauquiez. L’alerte est sonnée. Si l’Etat (pour lui c’est OK), mais aussi les collectivités n’investissent pas dans un nouveau siège, Interpol risque de quitter Lyon ; un vieux serpent de mer qui pourrait bien se concrétiser…

Il fut un temps à Lyon, où malgré les différences politiques on privilégiait d’abord l’intérêt de la Métropole et de la région, au lieu de défendre seulement sa propre boutique. C’est ainsi que la Métropole de Lyon a pu se construire pas à pas et devenir ce qu’elle est aujourd’hui, une grande métropole qui compte à l’échelle européenne.

C’est ainsi que dans un consensus général, Raymond Barre, ancien 1er ministre et maire de Lyon de 1995 à 2001, avait réussi à installer Interpol à Lyon que beaucoup de capitales régionales guignaient en s’appuyant sur son impressionnant carnet d’adresse, octroyant à la capitale des Gaules un brevet d’internationalisation, au côté du CIRC (Centre International de Recherche contre le Cancer) ou d’Euronews, par exemple.

Quelques décennies plus tard on constate avec effarement une gué-gerre autour d’Interpol qui pourrait bien quitter lyon si cette cacophonie perdure !

Tout a commencé avec un courrier du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin demandant à la Ville de Lyon, à la Métropole et à la Région de mettre la main à la poche pour « éviter un départ inéluctable » du siège de l’organisation mondiale de la police.

« Face aux difficultés à officialiser l’engagement français, plusieurs pays, en particulier les Émirats arabes unis, se sont positionnés pour financer et accueillir la direction exécutive des services de police, cœur des activités de l’organisation. Ce transfert ne laisserait à Lyon dans un premier temps qu’une coquille symbolique, précédant de peu un départ inéluctable du siège », explique le ministre de l’Intérieur dans ce courrier, dont des extraits ont été publiés dans le Progrès.

Gérald Darmanin appelle ainsi Grégory Doucet, Bruno Bernard et Laurent Wauquiez à s’engager avant le 23 novembre, date de l’assemblée générale d’Interpol qui se déroulera à Istanbul en Turquie. D’ici quelques jours, donc.

Une enveloppe de 40 millions d’euros minimum serait nécessaire pour que le projet d’extension d’Interpol voit le jour. Une somme qui est donc loin d’être hors de portée.

De son côté, le gouvernement s’est engagé à financer cette extension « sur la base d’un tiers pour l’Etat et de deux tiers pour les collectivités ».

Interpol, de 250 à 700 agents

Interpol accueille actuellement 700 agents dans ses locaux de la Cité Internationale à Lyon, quai Charles-de-Gaulle. Des locaux installés sur un terrain appartenant à la Ville.

En novembre 2019, son secrétaire général Jürgen Stock, avait en effet annoncé un projet de rénovation et d’extension. Il faut en effet trouver de l’espace pour l’ensemble du personnel, qui est passé de 250 à l’origine à donc 700 aujourd’hui et qui pourrait encore grossir à l’avenir.

La première réponse à cette interrogation du ministre, par Grégory Doucet, maire écologiste de Lyon a d’abord été pour le moins tiède. Pour lui, « le soutien à Interpol relève, d’abord, d’une compétence de l‘Etat et du gouvernement. Quand, d’un côté le ministre appelle au secours les collectivités locales pour financer Interpol alors, que, quelques jours plus tôt il m’explique que le gouvernement dispose de fonds pour financer la vidéo-surveillance, ça veut dire quoi ? Qu’il prend d’un côté pour reprendre de l’autre ? Quelle est cette façon de gérer l’argent public ? » interroge le maire écologiste, qui ajoute « tout cela ne semble pas très sérieux.”

Aucun doute, pour lui, la Ville de Lyon remplit sa part du contrat vis-à-vis d’Interpol afin qu’elle puisse exister à Lyon. « Je m’en réjouis. Interpol est une des plus belles agences internationales, qui fait de la ville un acteur majeur sur le plan mondial…”

“Moi, je n’ai rien reçu…”

Le maire de Lyon ne s’oppose cependant pas à une éventuelle contribution de la Ville au financement d’un développement du siège, mais demande dans un premier temps des précisions. « Il me faut un dossier. Moi, je n’ai rien reçu”, assure-t-il.

S’ajoute à cette première polémique, une autre autour du futur président d’Interpol. Grégory Doucet tenant au passage à rappeler qu’il a déjà évoqué « des inquiétudes concernant la candidature du général Ahmed Naser Al-Raisi (Emirats Arabes Unis) à la présidence d’Interpol ». Ce dernier est accusé d’actes de répression et torture envers des opposants politiques au régime émirati. « Ce n’est pas rien. Cela fait peser sur l’agence un risque d’atteinte à son honneur et sa probité. L’Etat français doit prendre ses responsabilités et s’assurer que cela n’arrive pas. »

Quid de la part du 3ème interlocuteur, le président de la Région, Laurent Wauquiez ?

Pas de polémique à cet égard : les services de la Région Auvergne-Rhône-Alpes ont très rapidement, de leur côté, fait savoir dans un communiqué qu’Auvergne-Rhône-Alpes est prête « à participer à l’effort collectif » et à « s’engager dans les mêmes proportions que la Ville de Lyon et la Métropole de Lyon.”

Pour Laurent Wauquiez qui s’est ensuite lui-même exprimé, il s’agit là d’ « une véritable chance pour le territoire »…Cette base de la police mondiale participe aujourd’hui au rayonnement international de la ville de Lyon, et par conséquent de la région Auvergne-Rhône-Alpes. En outre, ce sont plus largement les intérêts français qu’il s’agit de défendre puisque d’autres Etats se proposent déjà d’accueillir Interpol ».

Il faut ajouter un dernier paramètre à cette affaire : l’important projet d’un grand campus autour de la Sécurité au sein des anciens locaux d’EM Lyon lorsque l’Ecole de Management aura déménagé à Gerland. Sans Interpol ce projet perdrait une bonne part de sa substance.

Le préfet va-t-il réussir à mettre tout le monde d’accord ?

Pascal Malhos, préfet du Rhône va-t-il, face à cette cacophonie mettre tout le monde d’accord avant la date fatidique du 23 novembre, de l’assemblée générale d’Interpol ?

Le Préfet a en effet, selon le Progrès, officiellement convié Bruno Bernard, Laurent Wauquiez et Grégory Doucet à une réunion qui devrait avoir lieu dans les prochains jours.

Le représentant de l’Etat à Lyon en effet été mandaté par son ministre pour rappeler aux collectivités locales l’importance stratégique d’Interpol à Lyon et en Auvergne-Rhône-Alpes. Pour enfin leur demander sans rechigner, de mettre la main au portefeuille pour financer le développement d’Interpol à Lyon.

Il ne faut pas oublier qu’Interpol a déjà fait des infidélités à Lyon en installant un “Complexe mondial Interpol”, à Singapour, opérationnel depuis 2014.

Il s’agissait alors “de faire face aux défis de plus en plus complexes en matière de criminalité au 21ème siècle, en développant notamment une Recherche&Développement innovante, afin d’améliorer les capacités en matière de police scientifique et de bases de données ; de mettre au jour les infractions et d’en identifier les auteurs ; et également de faire face à la demande en formations de police et enfin de renforcer des capacités reposant sur les technologies et l’innovation…”

Comme d’autres Etats, Singapour ne serait pas opposé à récupérer à côté de ce Complexe, le siège mondial d’Interpol…