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Rhône-Alpes : la bataille pour l’industrie ne fait que commencer

 Jean-Philippe Buchet, directeur du lycée professionnel de « La Mache » dans le 7ème arrondissement de Lyon est un homme heureux.

 Non seulement parce que son établissement est arrivé en tête de tous les lycées lyonnais dans le cadre du palmarès des lycées Rhône-Alpes que vient de publier le quotidien le Parisien, mais aussi parce qu’il n’a aucun problème à trouver des jobs pour ses élèves à la fin de leur cursus. Les entreprises se les arrachent.

 Sa plus grosse inquiétude même, c’est que ces mêmes entreprises viennent les débaucher avant même la fin de leurs études.

 Cet établissement privé en contrat avec l’Etat qui est un vrai lycée-entreprise, forme des chaudronniers, des soudeurs, des mécaniciens, etc : que des métiers dits en tension.

 Dix mille embauches pourraient être signées du jour au lendemain, si…

Selon Jean-François Carenco préfet de la région Rhône-Alpes qui a fait réaliser une étude par ses services, actuellement dix mille emplois pourraient être d’ores et déjà assurés si les entreprises qui cherchent désespérément des jeunes qualifiés les trouvaient illico.

 On met le doigt là sur un des maux français : l’inadéquation profonde entre les formations des diplômés arrivant sur le marché de l’emploi et les vrais besoins des entreprises.

 Une des raisons expliquant ce « gap » : la mauvaise image de l’industrie auprès des jeunes, notamment. C’est la raison pour laquelle, du 7 au 13 avril est organisée la 4ème semaine de l’Industrie qui avec force visites d’entreprises, conférences, débats, rencontres, a pour objectif, en amenant les jeunes sur le terrain, à changer leur regard sur le monde industriel : 350 manifestations de tous ordres sont organisées dans la région en sept jours.

 C’est lent, mais petit à petit, l’idée commence à s’instiller que l’industrie peut être attirante. Avec ce premier argument de poids : elle l’est d’abord en termes d’offres d’emplois !

 L’exemple vient désormais d’en haut

 Mais l’exemple doit aussi venir d’en haut. Après des décennies au cours desquelles on se fourvoyait dans l’idée d’une économie du troisième type, sans usines, on a fini par se rendre compte que l’on faisait fausse route. On a désormais conscience que sans industrie forte, pas de services forts, pas d’exportations fortes : ce sont des biens industriels qui sont essentiellement exportés.

 C’est Nicolas Sarkozy qui en lançant, le premier, en 2008, les premiers Etats-Généraux de l’industrie qui, en Rhône-Alpes ont rencontré un grand succès, a initié le mouvement et impulsé un nouveau regard vers notre secteur industriel en fort risque de déclin.

 Changement de gouvernement : Arnaud Montebourg, l’homme à la marinière bleue, a alors surgi dans ce nouveau paysage. Malgré des dérapages dont il a le secret et des échecs (Hayange), il a su maintenir le flambeau de l’industrie, à condition, bien sûr qu’elle soit tricolore.

 Même s’il a le don d’irriter, nombreux sont les chefs d’entreprises qui lui sont redevables d’avoir replacé au pinacle l’industrie française, désormais objet de tous les désirs.

 Et ça tombe bien puisqu’il vient de prendre du galon en conservant le Redressement productif et surtout en devenant ministre de l’économie, en tandem avec Michel Sapin, aux Finances.

 Une de ses premières actions en prenant possession de son ministère avait été d’installer dans toutes les régions un commissaire au Redressement Productif.

 Alexandre Moulin, un X-Mines qui fut le premier à tenir ce poste en Rhône-Alpes, vient de quitter ses fonctions. Il sera remplacé ces prochain jours par Simon-Pierre Eury, un X-Mines également, qui était jusqu’à présent au Bureau d’analyse des risques et des pollutions à Lyon.

 « J’accuse Fagor »

 Quel bilan tirer de l’action du « commissaire Moulin » ? La situation apparaît plus apaisée. Les gros dossiers tels que Photowatt, Rio Tinto, Kem One, Bosch sont derrière nous. Il reste dans la région deux zones fragilisées celle du Cheylard en Ardèche et la vallée de la Maurienne.

 Et la SITL à Lyon-Gerland qui accapare actuellement beaucoup le préfet de région qui n’a pas de mots assez durs à l’égard de Fagor. « J’accuse Fagor d’avoir fait des choses pas très fraternelles à l’égard des salariés et d’avoir notamment mis trois fois le terrain en gage ! » Sa première priorité : récupérer ledit terrain pour que les repreneurs-il y en a- puissent opérer.

 Ceci dit, avec ses 400 000 salariés (12,6 % des effectifs nationaux et 18,2 % de l’emploi régional), l’industrie rhônalpine qui a encore perdu des salariés, l’année dernière, après un gros coup de fièvre, entre en convalescence.

 Mais surtout et ce qui est encourageant, est que, sur le terreau d’industries anciennes, de nouvelles unités de fabrication flambant neuves voient le jour.

 L’investissement repart

 L’investissement repart : surtout dans les grandes entreprises : + 20 % en février et mars, selon le préfet de région, Jean-François Carenco.

 Ainsi, le belge Unilin a inauguré il y a quelques jours une unité de fabrication de panneaux isolants en polyuréthane, à Sury-le-Comtal, à 25 km de Saint-Etienne.

 Une belle entreprise rhônalpine, Biossun, qui a mis au point un système très malin de pergolas à lames orientables pour les bars café restaurants et les particuliers, va la semaine prochaine inaugurer son unité de fabrication à Sassenage près de Grenoble.

 Au total, 86 nouvelles usines ont vu le jour depuis 2009

 En Rhône-Alpes, 52 % des emplois perdus dans l’industrie ont pu ainsi être compensés.

 Pour deux usines qui disparaissent, une nouvelle est créée. 100 % aurait bien sûr été préférable, mais derrière cette désindustrialisation (relativement) limitée, une nouvelle carte industrielle est en train de se dessiner. Tout l’enjeu désormais est d’accentuer le mouvement : la bataille pour l’industrie ne fait que commencer !