Société de l’hydrogène : les pouvoirs publics et les élus vont-ils enfin se réveiller ?
Dans la compétition économique mondiale, il est crucial d’être aux avant-postes pour avoir la chance de développer une industrie autour d’une nouvelle technologie. La France et l’Europe qui ont loupé de nombreuses révolutions industrielles ou informatiques va-t-elle perdre aussi celle de l’hydrogène ?
D’après tous les spécialistes ce sera la technologie de demain. Elle bénéficie de deux avantages : elle est propre et elle est susceptible de résoudre l’un des problèmes majeurs de notre époque : le stockage de l’électricité. On sait aujourd’hui, transformer l’électricité sous la forme d’hydrogène pour la restituer, ensuite à nouveau sous la même forme électrique.
Ce que vous ne savez sans doute pas c’est que dans une grande discrétion médiatique, une filière de l’hydrogène est en train de se constituer en Rhône-Alpes : très précisément autour de Grenoble.
On y trouve le n° 1 mondial du gaz industriel, l’Air Liquide qui produit de l’hydrogène, mais aussi des piles à combustible destinée à remplacer les groupes électrogènes, ainsi que des stations de recharge d’hydrogène.
D’autres sociétés sont aussi en pointe dans ce domaine : à l’instar d’une start-up, SymbioFCell qui a lancé à Grenoble la première ligne de fabrication de pile à combustible (PAC) en Europe ; mais encore, McPhy Energy dont le siège est à Grenoble et l’usine dans la Drôme où se fabriquent des petites PAC pour tous les usages, Paxitec et d’autres.
Une recherche solide
Ce dynamisme et les brevets sont issus d’une recherche fondamentale forte et d’une R&D particulièrement active autour du CEA-Liten, de l’INP Grenoble et de l’Institut Néel, tous trois présents à Grenoble. Un coordonnateur de toutes ces initiatives existe depuis 2005 : le pôle de compétitivité Tennerdis dédié aux énergies renouvelables.
Une autre raison explique cet intérêt grandissant pour l’hydrogène : les piles à combustible qui étaient hors de prix, il y a quelques années voient leurs coûts chuter de manière impressionnante. A telle enseigne que BMW, Nissan ou Mercedes ont prévu de produire dès 2015 leurs premières voitures dotées d’une pile à combustible.
Quelques exemples concrets de cette filière émergente qui cherche à percer. SymbioFCell a lancé cet été la commercialisation de la première Kangoo ZE électrique à pile à combustible. Une petite pile à combustible glissée dans le moteur permet de doubler son autonomie, la portant à près de 250 km.
Une première européenne est annoncée à la mi-septembre au centre de stockage du géant de l’ameublement Ikea de Saint-Quentin-Fallavier dans le Nord-Isère : l’Air Liquide va y installer une station de stockage d’hydrogène. Elle permettra d’alimenter une vingtaine de chariots élévateurs dotés d’une autonomie de 8 heures grâce à des piles à combustible. A titre de comparaison : en Amérique du Nord, près de trois mille chariots élévateurs fonctionnent déjà via l’électricité produite par une pile à combustible.
Cette filière prometteuse, riche de perspectives d’emplois a pourtant besoin des pouvoirs publics pour émerger. « La filière ne pourra se développer sans l’aide des pouvoirs publics, notamment pour développer les stations de recharge dans toute la France dont elle a besoin pour décoller » explique Nicolas Sielanczy, l’un des meilleurs experts de la filière à l’Agence de développement économique de l’Isère (AEPI).
Le premier salon dédié à l’hydrogène ne s’est pas déroulé en Rhône-Alpes, mais à Albi
Il faut tout de même reconnaître que ça commence enfin à bouger : un plan a été élaboré avec la définition d’une véritable stratégie, « H 2Mobilité France » qui regroupe des représentants de l’Etat et des industriels à l’instar de Renault Trucks. Elle est pilotée par l’Association Française de l’Hydrogène.
L’objectif : élaborer enfin une stratégie nationale qui devrait être dévoilée à la fin de l’année. Une initiative qui arrive bien tardivement, mais qui a tout de même le mérite d’exister. Une crainte se fait néanmoins jour parmi les acteurs : que cette initiative, la première en faveur de cette filière d’avenir, retombe comme un soufflé.
D’autres régions qui portent aussi la filière hydrogène sont plus réactives que Rhône-Alpes en la matière. Ainsi, porté par des élus particulièrement actifs, le premier salon hexagonal concernant la filière hydrogène, Hyvolution, s’est déroulé le week-end dernier, non pas en Rhône-Alpes, mais à Albi dans le Tarn.
Rhône-Alpes a pourtant une véritable carte à jouer en la matière : à partir d’une solide base existante, elle peut développer une filière qui ne pourra que croître et prospérer. Il est temps d’en prendre conscience.