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Une des solutions au chômage : mettre fin au scandale de la formation

C’est une véritable litanie lorsqu’on se rend actuellement dans les entreprises. Lorsqu’on rencontre des directeurs de sites industriels, ils vous répètent tous la même chose : ils ont du mal, beaucoup de mal à trouver du personnel qualifié. Que ce soit dans la mécanique, la plasturgie, voire encore le textile. Des projets d’investissement doivent être repoussés, faute de personnel pour les assurer.

Lorsqu’on entend égrener depuis vingt mois les mauvais chiffres du chômage, on ne peut que bouillonner. Les besoins des secteurs dits en tension ne cessent d’augmenter. Trop peu de choses sont faites pour y remédier.

D’après une enquête Carreecast des métiers qui ont le plus de mal à être pourvus (*), la profession… d’ingénieur informaticien se place au premier rang. Pourtant, ce métier a occupé la plus haute marche du podium du meilleur métier, d’après une même enquête Careecast !

Si les écoles diplôment de plus en plus d’ingénieurs -31 000 chaque année en France, soit plus du double qu’il y a 20 ans -, « ce n’est pas suffisant pour répondre aux besoins des entreprises. Il en faudrait 9 000 de plus par an» selon Christian Lerminiaux, le président de la conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs. Quel manque de prévision !

Beaucoup d’autres métiers se retrouvent en tension, notamment dans l’industrie : tourneur-fraiseur, électromécanicien, agent de maintenance, chaudronnier, etc.

« Le secteur manque de professionnels »

 « Le secteur manque de professionnels » explique l’Observatoire des métallurgies, qui ajoute que la majorité des postes proposés sont pourvus par des intérimaires.

On peut y ajouter les métiers de dessinateur, voire de menuisier.On estime qu’actuellement en France, 450 000 postes dits en tension ne trouvent pas de bras !

 A mettre en face des 285 000 chômeurs supplémentaires en 2012 comptabilisés en France (+ 30 000 en Rhône-Alpes, soit la population d’une ville comme Vienne). Certes, on sait que l’adéquation entre la formation et les métiers n’est pas toujours simple à mettre en œuvre. On en a bien conscience, mais à ce point là, c’est tout simplement de la gabegie, d’autant qu’on a l’impression de se retrouver face à une véritable inertie en la matière…

 Qui plus est, la plupart des études montrent que notre pays est l’un de ceux en Europe où l’on investit le plus dans le formation.

 Dans ses propositions sur la libération de la croissance française, Jacques Attali expliquait qu’il était nécessaire de « créer, en plus du fonds national, des fonds régionaux de sécurisation des parcours professionnels, centrés notamment sur les besoins des chercheurs d’emploi. » Et de proposer que ces fonds soient « ancrés dans une logique de territoire et non de branche, et mutualiseraient des moyens émanant de l’ensemble des acteurs régionaux. »

Un système de formation inéquitable et inefficace

 Les choses n’ont pas beaucoup changé depuis que Pierre Cahuc et André Zylberberg, économistes, respectivement professeur d’économie à l’École polytechnique et directeur de recherches au CNRS avaient rédigé un rapport qui avait alors fait l’effet d’une bombe : « le système français de formation professionnelle, tel qu’il s’est construit depuis plus de trois décennies, aboutit à une situation profondément inéquitable et inefficace… »..

Inéquitable pour trois raisons. Tout d’abord, parce qu’il profite surtout aux salariés les mieux formés et les mieux payés au départ, dont les formations sont financées par des salariés… moins bien payés qu’eux.

Ensuite, il offre peu de véritables perspectives de promotion sociale. Enfin, il ne permet pas aux chômeurs les plus éloignés de l’emploi de suivre des formations longues et coûteuses, qui seules pourraient favoriser leur retour vers un emploi stable. Essayez, lorsque vous êtes chômeur de vous faire financer une formation dans un secteur dont on sait pertinement qu’il offre de nombreux débouchés : échec presque assuré !

Un véritable gâchis qui s’accompagne, pis, d’une redistribution des ressources au profit de ceux qui en ont le moins besoin. A ce niveau, ce n’est d’ailleurs plus du gâchis, mais un scandale, au regard de situations qui auraient pu être évitées.

(*) Le Top 10 des métiers en souffrance, selon Careecast :

1-Ingénieur informatique : une offre attire 18 candidats en moyenne (contre 100 pour la moyenne globale des annonces).
2-Tourneur-fraiseur: 19 candidats en moyenne
3-Electromécanicien: 23 candidats en moyenne
4-Ingénieur bureau d’études : 30 candidats en moyenne
5-Maintenance et SAV : 30 candidats en moyenne
6-Administrateur système: 32 candidats en moyenne
7-Dessinateur: 34 candidats en moyenne
8-Chaudronnier: 39 candidats en moyenne
9-Menuisier: 40 candidats en moyenne
10-Chargé d’affaires dans une banque: 42 candidats en moyenne