Toute l’actualité Lyon Entreprises

En allégeant les entreprises de la taxe professionnelle, au titre des investissements concernant les biens relevant du champ de l’amortissement dégressif, effectués entre le 1er janvier 2004 et 30 juin 2005, le Président de la République a engagé, une fois encore, la fiscalité sur les chemins de la réforme.

La taxe professionnelle, qui participe largement au financement des ressources des collectivités territoriales, est vécue par ses assujettis comme une charge pénalisant leurs investissements professionnels. Condamnée pour ses effets néfastes sur l’emploi et ses conséquences en terme de délocalisation des entreprises, la taxe professionnelle est vouée à disparaître. Taxe injuste et complexe à gérer, eu égard entre autres, aux très nombreuses exonérations qui conduisaient à ne la faire supporter que par un nombre réduit de redevables, elle faisait, depuis plus de 25 ans, l’objet de nombreux aménagements qui, au final, s’avéraient insuffisants.

La réforme confronte deux enjeux dont le respect, de l’un comme de l’autre, doit servir de garde-fou aux volontés réformatrices. Le premier de ces enjeux concerne l’autonomie financière des collectivités territoriales nécessaire à leur équilibre, devant les initiatives politiques de décentralisation. Le second enjeu concerne les assujettis, dont le Président de la République, lui-même, veut préserver le dynamisme économique et respecter la diversité de leurs activités.

Comment, dès lors, réformer la taxe professionnelle face aux exigences et au besoin des finances locales mais également face à la nécessité d’alléger la fiscalité des entreprises ? Trois principaux axes sont proposés.

En premier lieu, la suppression pure et simple de la taxe à l’instar de la Suède ou de la Grande Bretagne. On comprend aisément que les professionnels voient d’un très bon œil ce genre de mesure, les collectivités locales ne sont, en revanche, sans doute pas du même avis. Cette piste peut d’ores et déjà être écartée.

En second lieu, une situation de statu quo. Cependant, on envisage mal les arguments qui convaincront de la pertinence de maintenir la taxe professionnelle. Après les desiderata du chef de l’Etat et les nombreuses critiques que rencontre la taxe professionnelle[1], son maintien semble peu probable.

Enfin, son remplacement par la hausse d’un impôt existant (impôt sur le revenu des personnes physiques, impôt sur les sociétés ou TVA) ou par la création d’une nouvelle taxe qui pourrait, comme cela a été proposé, frapper la téléphonie mobile. Là encore, on comprend mal au nom de quoi la téléphonie mobile devra supporter la taxe pour l’ensemble des professionnels. Le principe d’égalité devant l’impôt ne devrait pas le permettre. Ensuite, concernant l’augmentation d’impôts existants, là encore, après les arguments déployés pour faire accepter la baisse du taux de l’impôt sur le revenu, il sera difficile de revenir sur cette mesure sans démontrer une certaine incohérence de la politique du présent gouvernement. Quant à l’augmentation de l’IS elle ferait dépendre de l’existence de bénéfices et des choix stratégiques en la matière, le financement des collectivités locales, ce qui vraisemblablement sera source de fragilité de celles-ci. Concernant la hausse de la TVA, elle implique que le client, le consommateur supporte in fine la réforme de la taxe professionnelle. Cette situation indolore pour les professionnels, qui répercuteront sur leurs prix la hausse de la TVA, permettra également d’assurer les finances des collectivités locales.

Cependant, ce glissement du paiement de la taxe vers le consommateur final n’est pas de bonne politique et ne trouve aucune justification juridique, d’autant plus que le principe de la TVA est contesté en ce qu’il est un impôt aveugle car étant supporté par les plus modestes des contribuables. La taxe professionnelle compensée en terme de TVA sera donc tout aussi injuste. Par ailleurs, l’impôt prélevé sous forme de TVA consistera en une centralisation de la recette fiscale. Dès lors, comment se fera la répartition de la manne fiscale dégagée ? Cette centralisation d’un impôt qui est à l’origine local introduira un élément de rigidité au niveau du financement public des collectivités.

Il semble que la proposition la plus neutre consiste en une substitution d’assiette, au moins pour partie. Ainsi, l’assiette, qui reposait sur les investissements matériels, devra évoluer et être remplacée par celle qui a déjà fait l’objet d’une proposition de loi en 2000 : la taxation des acquis financiers. Cette substitution d’assiette qui s’appuie sur la financiarisation croissante, depuis un certains nombres d’années, des placements des entreprises, des plus grandes notamment, a le mérite de maintenir son principe au niveau de celles-ci tout en les incitant à moins dépendre des marchés financiers et donc à orienter leurs investissements vers ceux plus matériels, qui échapperont alors à la taxation. La perception sera nationale, la redistribution se fera via un fonds de péréquation et de répartition, mais l’impôt gardera une dimension locale en complétant les recettes par un réajustement de la taxe foncière concernant la valeur locative des biens.

Toutefois, le chantier est immense et les questions difficiles. La réforme de la taxe professionnelle doit être le résultat d’un dialogue préalable entre tous les acteurs concernés. Nul doute, cependant, que si réforme il y a, elle ne sera pas la dernière. La fiscalité des entreprises, au niveau local, est loin d’être arrivée à stabilité.


[1] « Faut-il réformer la taxe professionnelle ? » : Senat.fr, Journal du Sénat, n° 12, mars 2004 ; D. BOLLING, « La réforme de la taxe professionnelle et les professions libérales » :village-justice.com, 2004. Conseil des impôts, La taxe professionnelle, Quinzième rapport au Président de la République