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2014 : année du décollage de la méthanisation en Rhône-Alpes

Alors que le potentiel est plus important qu’en Allemagne, en pointe dans ce domaine la France s’est mise très tard à la méthanisation, mais le processus est désormais enclenché. Pas moins de quarante nouveaux projets lourds d’unités de méthanisation sont dans les starting blocks en Rhône-Alpes. Tout le territoire régional devrait être à terme couvert.

 Deux chiffres illustrent le retard de la France en matière d’unités de méthanisation (*). L’Allemagne en compte plus de six mille, alors que la France…une centaine seulement !

Nous nous sommes jusqu’à présent privés d’un axe de développement vert, susceptible de créer en amont une belle filière de constructeurs et de concepteurs et d’apporter des revenus d’appoint aux collectivités, entreprises ou agriculteurs, sans parler des retombées en matière de digestat, le sous-produit de la méthanisation, utilisable comme fumier.

 D’autant que, selon Didier Saussier, directeur « clients territoriaux » de GrDF (Gaz réseau de Distribution France) Rhône-Alpes-Bourgogne « notre pays et plus particulièrement Rhône-Alpes recèlent, du fait du nombre important d’exploitations agricoles, un potentiel en matière de méthanisation encore plus important qu’en l’Allemagne. »

 Une raison bêtement réglementaire

Et tout cela, comme trop souvent dans notre pays, pour une raison bêtement réglementaire. Il a fallu attendre une loi de septembre 2011 pour que l’on puisse légalement injecter dans le réseau gaz de GrDF du bio-thméthane, ce qui était impossible avant, ce qui a permis de lancer véritablement le processus.

 Certes, on pouvait pallier cet inconvénient en pratiquant la cogénération, à l’aide du biogaz, en produisant de la chaleur pour les immeubles ou les usines alentour ou de l’électricité que l’on pouvait réinjecter dans le réseau. Une bonne dizaine d’unités ont pu ainsi au fil des années voir le jour, mais la brique réglementaire essentielle manquait.

 Le verrou ayant sauté, près de quarante projets d’unités de méthanisation sont dans les starting blocks en Rhône-Alpes (quatre-cents en France), à un stade plus ou moins avancé, selon les cas .

 L’un des plus avancés est projet Terragr’eau, notamment porté par la communauté de communes d’Evian en Haute-Savoie. Il illustre la lourdeur de la complexité de certains montages, par ailleurs, financièrement lourds puisque dans ce cas, l’investissement est de 9,3 millions d’euros partagés entre Danone pour les deux/tiers et la Communauté de communes pour un tiers. S’y ajoute une subvention de 2,5 millions d’euros

 A l’origine de ce projet, le groupe Danone qui voulait sécuriser ses sources en créant une unité de méthanisation récupérant le lisier et le fumier des nombreux agriculteurs situés sur sa zone de captage. Un projet qui dans un premier temps n’a pas suscité l’enthousiasme des exploitants agricoles.

 Il a fallu que la communauté de communes du Pays d’Evian qui a vu aussi l’intérêt de protéger ses propres captages (trente-cinq au total), entre dans le jeu pour que le projet finisse par voir le jour.

 Le projet prévoit un méthaniseur et une unité de compostage situés à proximité d’une déchetterie. Ces deux unités traiteront l’ensemble des déchets organiques du pays d’Evian, soit environ 30 000 tonnes par an, composées de l’intégralité des effluents d’élevage (85 % des déchets organiques), des déchets de la filière fromagère, mais aussi des déchets verts issus des trois déchetteries.

 Le groupe lyonnais Serpol emporte l’appel d’offres

Suite à un appel d’offres, c’est le le groupe lyonnais Serpol de Guy Mathiolon qui a été choisi pour la construction et l’exploitation des installations : investissant de son côté 1,3 million dans le projet, Serpol s’est vu confier la conception et la construction du méthaniseur, la plate-forme de compostage, ainsi que l’exploitation des équipements pour une durée de quinze ans.

 La totalité du biogaz produit, soit 1 250 000 m3/an sera revendue et réinjectée dans le réseau de distribution de GrDF.

Une belle opération industrielle, mais aussi un investissement vert : le projet permettra une réduction de 10 % des émissions totales de CO2 produites par l’activité agricole, soit 2000 t/ équivalent CO2 de moins chaque année rejetées dans l’atmosphère.

Outre le projet Terragr’eau d’Evian, une autre première pierre sera posée cette année, celle de la future unité de méthanisation « Aquapole » de Fontanil Cornillon en Isère, pour une mise en service prévue mi-2015.

 Deux autres unités verront ensuite le jour en 2016 : à Montbrison dans la Loire pour une mise en service mi-2016 et une autre baptisée « Methamoly » à Pomey dans le Rhône pour une entrée en activité début 2016.

 Le processus devrait rapidement s’accélérer. Un plan bio-méthane est en train d’être mis en place dans la région, cartographie à l’appui.

 En collaboration avec l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et l’Agence Helianthe de l’Ain, GrDF a engagé une première cartographie du potentiel et des emplacements les plus efficients des futures unités de méthanisation dans ce département. Pour réinjecter le gaz, il vaut mieux qu’elles se situent à proximité du réseau, ce qui permet de limiter les coûts. Le même travail de cartographie est en cours sur les sept autres départements de Rhône-Alpes.

 Avec la mise en place à l’initiative de la Région d’une « Charte régionale de développement de la méthanisation », tout est désormais en place pour qu’une véritable filière se constitue. Enfin !

(*) Comment ça marche ? La méthanisation est un procédé de traitement et de valorisation des effluents d’élevage agricoles. Les déchets organiques sont dégradés dans des digesteurs brassés et chauffés à 38°C par des bactéries anaérobies (micro-organismes se développant en l’absence d’oxygène). La dégradation des déchets organiques permet de produire une énergie renouvelable, le biogaz, et un digestat naturel qui servira de fertilisant pour les sols.

 Illustration : Dessin de la future unité de méthanisation Terragr’eau d’Evian dont la première pierre sera posée cette année. Un investissement de 9,3 millions d’euros.