Toute l’actualité Lyon Entreprises

Crus : divorce à la beaujolaise

C’est la première fois depuis 60 ans : le Concours des Grands Vins du Beaujolais qui était prévu le 9 janvier a été annulé. Une des nombreuses conséquences d’une scission en cours : celle des dix crus du Beaujolais qui se présentent comme une avant-garde et qui quittent la maison commune où ils voisinaient avec les beaujolais et les beaujolais-village.

C’est un simple communiqué paru dans l’hebdomadaire local de Villefranche, « Le Patriote Beaujolais » qui a mis le feu aux poudres.

 La présidente de l’ODG des dix crus, la viticultrice Audrey Charton, y indique sa volonté « de reprendre l’entière gestion administrative et financière de notre organisme ». Ciblant l’UVB, elle avait ajouté que « les instances issues du passé, lourdes et souvent opaques, ne permettaient plus aux crus de mener à bien tous les importants dossiers en cours ou à venir… »

La traduction d’un divorce à la beaujolaise. L’ODG, c’est-à-dire « l’Organisme de Défense et de Gestion » des dix crus largue les amarres de la maison commune : l’Union Viticole du Beaujolais (UVB) où ils voisinaient avec les génériques : les beaujolais et les beaujolais villages.

Les crus ont décidé de créer leur propre structure, « l’Union des Crus du Beaujolais » dont le siège sera installé en dehors de l’UVB, à Villefranche-sur-Saône.

Les dix crus constituent des appellations à eux seuls : Brouilly, Chénas, Chiroubles, Côte de Brouilly, Fleurie, Juliénas, Morgon, Moulin à vent, Régnié, et Saint-Amour.

 « Gagner en efficacité »

Cela faisait longtemps que le mot beaujolais n’apparaît plus, la plupart du temps sur leurs étiquettes. Audrey Chartron, la présidente de l’ODG des dix crus accuse en effet les beaujolais et les beaujolais villages de les tirer vers le bas.

Pour cette dernière, « nos objectifs étant de plus en plus différents, il nous a semblé nécessaire de mieux séparer nos actions, pour une plus grande efficacité de chacune de ces deux familles ».

 Pour elle, « il faut que les crus aient les moyens de jouer pleinement leur rôle de force de renouveau du Beaujolais« .

Elle ajoute : « La scission aura lieu doucement, inéluctablement ».

Il s’agit pour la patronne des dix crus de « gagner en efficacité » et d’accélérer le traitement de certains dossiers vitaux pour leur avenir, comme le classement en climats, une fois entreprise l’étude du caractère de chacun des terroirs.

Les crus se rapprochent de la Bourgogne

En réalité, les dix crus se rapprochent de la Bourgogne qui eux, se vendent bien et dont l’image leur sied beaucoup plus.

Comme en Bourgogne, l’objectif est de délimiter des crus de lieu-dit, puis des premiers crus, pour encore mieux valoriser lesdits crus.

La dernière campagne des Beaujolais nouveaux a sans doute accéléré le processus de la séparation : les primeurs se vendent de moins en moins.

L’année 2014 a été marquée par une poursuite de l’érosion des volumes de vente et son corollaire : une nouvelle dépréciation du prix des vignes de l’appellation générique et des beaujolais-villages.

La crise se poursuit et les crus, dotés de plus en plus d’une image propre, ne veulent plus être entraînés dans son sillage.

Audrey Chartron l’explique bien. Pour elle, une appellation doit être tirée par le meilleur, en l’occurrence, les dix crus, pas par ses génériques ou le primeur en perte de vitesse.

Les crus représentent 35 % des surfaces viticoles du Beaujolais, soit 6 200 hectares. Ils font vivre 1 200 viticulteurs.

Problème cependant : près de la moitié d’entre eux ont la double casquette, cultivant en même temps l’un des dix crus, ainsi que des Beaujolais et des Beaujolais Villages. On ne les entend guère pour l’instant, mais leur voix pourrait compter à l’avenir.

En attendant, Audrey Charton a lancé la procédure de divorce : L’UVB et l’ODG des crus se sont donné trois mois pour fixer les modalités de cette séparation unilatérale qui interviendra au printemps. Le divorce sera alors prononcé. Définitivement.