Toute l’actualité Lyon Entreprises

Révolution de jasmin : les entreprises peuvent retourner dès maintenant au Maghreb, mais…

Où en est-on, trois mois après les révolutions de jasmin au Maghreb ? Oui, cela ne fait aucun doute, si elles ont suspendu leurs opérations, les entreprises peuvent et mieux-même, doivent retourner en Tunisie, au Maroc et en Algérie. Et si elles n’y ont pas encore mis les pieds, ont tout intérêt à y aller. Mais chaque pays présente des caractéristiques très spécifiques qu’il faut respecter. En présence de 150 patrons de PME, la CGPME du Rhône avait convié les trois consuls à Lyon de Tunisie, du Maroc et d’Algérie qui ont tenu un discours sur l’état de leurs pays respectifs, sans langue de bois. Instructif.

La révolution de jasmin a débuté au début du mois de décembre dernier, c’est-à-dire il y a quelques mois seulement, mais elle appartient déjà à l’Histoire ! En quelques mois, elle a bouleversé la géopolitique du Maghreb, changeant complétement la donne.

Dans le brouillard, les chefs d’entreprises qui réalisent du business en Algérie, en Tunisie et au Maroc, avaient besoin de retrouver une boussole et de savoir où vont ces trois pays, sur les plans politique et économique.

Rien de mieux pour comprendre que d’entendre les consuls de ces trois pays basés à Lyon et à la source de l’information. D’autant qu’il apparut assez rapidement qu’ils avaient oublié en présence de chefs d’entreprises, de pratiquer trop ouvertement la langue de bois.

Que retirer de cette rencontre ? Pour l’animateur des débats, Marc Hoffmeister qui en tant que responsable de la société lyonnaise Classe Export connaît son Maghreb sur le bout des doigts, «il faut bien comprendre que la situation dans ces trois pays n’est pas homogène et qu’il faut prendre en compte les différences très importantes entre eux. »

La Tunisie d’abord. Ce pays a donné le « la » de la révolution de jasmin qui a embrasé le monde arabe. Il est aussi celui qui est sorti le plus tôt des turbulences. Les grèves importantes que le mouvement a suscité sont pratiquement partout terminées, sauf dans les entreprises qui étaient aux mains du clan Ben Ali. Le tourisme est lui-même reparti et l’on peut à nouveau circuler dans tout le pays.

On le sait, les PME tunisiennes avaient tendance à faire profil bas et à éviter de se faire remarquer par la famille au pouvoir pour ne pas se faire « racketter ». « C’est fini, explique Sabri Bachdobji, la liberté donne des ailes à nos PME qui ne sont plus bridées. »

Conséquence : ces PME ont besoin de partenaires. Il existe une grande demande de partenariats avec des PME technologiques. Or, on en trouve beaucoup en Rhône-Alpes. Et Marc Hoffmeister de remarquer : « Il y a là une place à prendre et vite ! » Autre avantage : la Tunisie est certes un marché, certes plutôt restreint, mais c’est surtout une zone de réexportation sur l’ensemble du monde arabe. C’est donc un bon mode d’entrée pour tout nouvel arrivant.

Au Maroc, la situation est différente : engagées bien avant la révolution de jasmin, les réformes qui étaient encalminées, sont reparties à cette occasion de plus belle. Le pays est ainsi engagé dans une régionalisation et le développement des régions intérieures. L’occasion d’engager de gros investissements dans les infrastructures : zones portuaires, autoroutes, zones touristiques. Les secteurs en développement : la sous-traitance automobile, l’industrie électronique et électrique.

Reste l’Algérie. Kacimi El Hassani, le consul d’Algérie à Lyon tint un langage très différent, apte à refroidir l’auditoire : « Ne venez pas vendre en Algérie, nous savons où acheter, mais venez produire chez nous ! » Or, l’on sait que les entrepreneurs étrangers qui investissent en Algérie n’ont pas le droit de détenir plus de 49 % d’une société. Le consul d’Algérie assura que cette loi va connaître des assouplissements. Elle est en effet décriée au sein même des entreprises algériennes car elle prive le pays d’investissements stratégiques importants. Résultat : le pays n’a que 430 000 entreprises, soit moins que la Tunisie, pourtant plus petite en taille et en population et bien moins qu’au Maroc qui affiche 1,2 million d’entreprises.

L’ancien premier ministre, Jean-Pierre Raffarin a été chargé d’une mission pour régler le cas de douze grands contrats signés entre la France et l’Algérie et qui étaient au point mort. Il en a déjà réglé huit sur douze (dont une usine agro-alimentaire, une unité de production électrique, ainsi que des infrastructures de transport). « Beaucoup de sous-traitants pourront bénéficier de ces projets », assure Marc Hoffmeister.

Ce dernier assure, en guise de conclusion et au vu de la tonalité générale de cet échange : « Même si quelques difficultés risquent de perdurer pendant quelque temps au Maghreb, il faut bien prendre conscience que pour les entreprises de Rhône-Alpes, cette région va constituer un gisement de croissance très important. Toutes les PME locales sont à la recherche de partenariats. Or ce sont en général des entreprises de taille modeste, bien adaptée à nos PME régionales. » Marc Hoffmeister n’est pas seulement donneur de conseils :  Classe Export, sa société, possède un bureau à Tunis où travaillent quatorze personnes. « Or, ces derniers mois nous avons dépassé là-bas les objectifs que nous nous étions fixés », conclut-il. Alors…

Photo (DR) : De gauche à droite : MM. Kacimi El Hassani, Consul Général d’Algérie, Bendourou, Consul général du Maroc et Bachtobji, Consul Général de Tunisie.